Etats-Unis : quelle culture pour demain ?

mardi 13 avril 2021, par Tribune Libre

Intervention de Dennis Speed, responsable de l’Institut Schiller (Etats-Unis), lors de la visioconférence de l’Institut Schiller des 20 et 21 mars 2020 sur le thème : « Deux mois après l’investiture de Biden, le monde à la croisée du chemin. » Pour voir le programme complet et accéder aux liens vers les différents discours, cliquez ICI.

Le principe poétique : pourquoi et comment l’Amérique doit retrouver la culture classique

Par Dennis Speed,
Institut Schiller, Etats-Unis

Le 27 mai 1993, dans le cadre d’un hommage à la contralto afro-américaine Marian Anderson, qui venait de décéder cette année-là, le ténor George Shirley interpréta le célèbre lied de Franz Schubert, An die Musik. A la fin du concert, M. Shirley me confia qu’il n’y avait aucune différence fondamentale entre l’esprit d’un lied allemand et le negro spiritual, Lil’Boy, How Old are You ?

[interprété par le baryton-basse William Warfield (1920-2002) dans l’extrait vidéo].

Pourquoi George Shirley avait-il raison ? Le principe classique et le principe poétique sont identiques. Ce principe est qu’il y a une beauté inhérente à la vérité elle-même. Comme l’affirme la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis de 1776 :

Nous tenons ces vérités pour belles : que tous les hommes sont créés égaux, qu’ils sont dotés par leur Créateur de certains droits inaliénables, que parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la poursuite du bonheur.

Pendant plus de 50 ans, le livre de Caleb Bingham, The Columbian Orator, publié pour la première fois en 1797 puis dans 23 éditions ultérieures, fut le texte central consulté par les écoliers américains et les aspirants orateurs des chaires d’église, sur les bancs de la justice et au Congrès car, selon les termes d’un historien, « un discours républicain doit trouver le ton juste ».

Abraham Lincoln (ici à 21 ans) et l’abolitionniste Frederick Douglass (ici à 12 ans) furent tous deux éduqués par des passages de Cicéron, Platon, Benjamin Franklin et Lazare Carnot, ainsi que par des professeurs, des ecclésiastiques et des hommes d’État américains, britanniques et français.

Shakespeare exerça également une grande influence sur la vie américaine. L’émeute d’Astor Place de mai 1849, qui fit au moins 22 morts et 120 blessés, a vu s’affronter deux groupes à propos de Shakespeare, l’un soutenant l’acteur américain Edwin Forrest, l’autre, l’acteur britannique « aristocrate » William Charles Macready.

Les chercheurs d’or californiens se divertissaient la nuit en récitant des pièces entières de Shakespeare. Quant aux combattants américains de la guerre fratricide de Sécession (guerre civile qui se déroula de 1861 à 1865), ceux d’entre eux qui connaissaient le Hamlet de Shakespeare ont dû entendre résonner, dans les paroles prononcées par Lincoln lors de son deuxième discours inaugural, le 4 mars 1865, l’écho du monologue du roi meurtrier Claudius, qui avait tué son frère pour monter sur le trône du Danemark :

CLAUDIUS (Acte III, Scène III, Hamlet de Shakespeare) :

Oh ! ma faute fermente ; elle infecte le ciel même ; elle porte avec elle la première, la plus ancienne malédiction, celle du fratricide !... Je ne puis pas prier, bien que le désir m’y pousse aussi vivement que la volonté ; mon crime est plus fort que ma forte intention ; comme un homme obligé à deux devoirs, je m’arrête ne sachant par lequel commencer, et je les néglige tous deux. Quoi ! quand sur cette main maudite le sang fraternel ferait une couche plus épaisse qu’elle-même, est-ce qu’il n’y a pas assez de pluie dans les cieux cléments pour la rendre blanche comme neige ? A quoi sert la pitié, si ce n’est à affronter le visage du crime ? Et qu’y a-t-il dans la prière, si ce n’est cette double vertu de nous retenir avant la chute, ou de nous faire pardonner après ? Levons donc les yeux ; ma faute est passée. Oh ! mais quelle forme de prière peut convenir à ma situation ?... Pardonnez-moi mon meurtre hideux !... Cela est impossible, puisque je suis encore en possession des objets pour lesquels j’ai commis le meurtre : ma couronne, ma puissance, ma femme. (...)

Abraham Lincoln, lors de son deuxième discours inaugural, le 4 mars 1865 :

Un huitième de la population était composée d’esclaves de couleur, non pas répartis sur l’ensemble de l’Union mais localisés dans la partie sud de celle-ci. Ces esclaves constituaient un intérêt particulier et puissant. Tout le monde savait que cet intérêt était en quelque sorte la cause de la guerre. Renforcer, perpétuer et étendre cet intérêt était l’objectif pour lequel les insurgés combattaient l’Union, même par la guerre, alors que le gouvernement ne revendiquait que le droit d’en restreindre l’extension territoriale. Aucune des parties n’attendait de cette guerre l’ampleur ou la durée qu’elle allait atteindre. Ni l’une ni l’autre ne prévoyait que la cause du conflit pourrait cesser en même temps que le conflit lui-même, ou même avant. Chacune espérait un triomphe plus facile, et un résultat moins fondamental et moins surprenant. Les deux lisent la même Bible et prient le même Dieu, et chacune invoque Son aide contre l’autre. Il peut sembler étrange que des hommes osent demander l’aide d’un Dieu juste pour extorquer leur pain de la sueur du front d’autres hommes, mais ne jugeons pas, afin de ne pas être jugés. Les prières de l’un et de l’autre n’ont pu être exaucées. Pas plus celles de l’un que de l’autre ne furent exaucées entièrement. Le Tout-Puissant a ses propres desseins. ‘Malheur au monde à cause des offenses ! car il faut bien que les offenses arrivent, mais malheur à l’homme par qui l’offense arrive’. (...)

La terrible vérité des paroles de Lincoln, qualifiée de « noble effort » par Frederick Douglass, qui assistait à ce discours, était belle, notamment dans son invitation finale à n’avoir « de haine envers personne, mais de la charité envers tous ».

En Amérique, l’assassinat s’est avéré le principal moyen d’éliminer les poètes et les hommes dotés d’une vision de l’Amérique. 41 jours après ce discours, Lincoln était assassiné.

Le discours d’investiture du président John Kennedy et son annonce de la mission Apollo, les discours « I have a dream » de 1963 et « I’ve seen the Mountain top » du révérend Martin Luther King (1968) sont gravés dans la mémoire de l’Amérique. Celui qui avait inspiré Martin Luther King dans son action directe non violente et créative, Mahatma Gandhi, fut assassiné en 1947.

En apparence l’opposé de King, l’éloquent et intrépide Malcolm X, dont l’intérêt international pour l’Afrique avait supplanté l’intérêt plus restreint du mouvement des droits civiques, et qui se montrait sans compromis, digne et féroce dans son rejet de cette mentalité d’esclave qui touchait alors surtout les Afro-Américains, et qui touche aujourd’hui presque tout le monde dans ce pays, a été assassiné en 1965.

Ce meurtre, ainsi que l’assassinat en 1969, à Chicago, de Fred Hampton (alors âgé de 21 ans), membre du Black Panther Party, ont suscité un regain d’intérêt au cours de ces trois derniers mois. 

La perspective d’une alliance – une « coïncidence des opposés » – entre le pasteur King et Malcolm X, susceptible de rassembler tous les Américains dans un effort particulier autour du vote et des élections, menaçait de provoquer ce que Samuel Huntington et d’autres ont appelé « une crise de la démocratie ».

Lorsque Robert Kennedy mit fin à une flambée de violence à Cleveland, la nuit du meurtre de Martin Luther King, en récitant sur place un passage du poète grec Eschyle, il démontra ce qu’il faut réellement pour gouverner : livrer au peuple la vérité, récitée comme un poème, « jusqu’à ce qu’enfin, dans notre dépit, vienne la Sagesse, par la terrible grâce de Dieu ».

En fait, lui, MLK, Malcolm X et d’autres menaçaient de déclencher une véritable renaissance de la culture classique américaine, qui, depuis la fondation de la nation, associait la beauté et la vérité. Comment éduquer une nouvelle génération pour l’amener à rejeter une culture de l’image en faveur de la vérité ? La nouvelle génération doit trouver la Beauté grâce à la musique, et alors, elle pourra retrouver le chemin de la vérité.

L’économiste Lyndon LaRouche nous donne ici un exemple d’un tel processus éducatif, dont il fut témoin en 1995, en assistant aux répétitions du chœur de l’église Saint-Thomas (Thomanerchor) de Leipzig, en Allemagne :

Transcription de la séquence vidéo :

LAROUCHE :
L’un des moments les plus mémorables, c’est lorsque nous nous sommes arrêtés à Leipzig, où j’ai eu une expérience tout à fait inédite : j’ai assisté pendant plusieurs heures à une répétition du Thomanerchor de l’église Saint-Thomas. Puis, le lendemain, au service des vêpres, j’ai écouté l’interprétation du répertoire complet de la semaine. J’ai pu alors comparer ce qui s’était passé lors de la répétition et ce qui fut donné durant cette soirée.

Permettez-moi juste de préciser, pour ceux qui ne le sauraient pas, que le chœur de l’église Saint-Thomas est une école à part, qui existe depuis l’an 1212.

Il est réputé mondialement pour son programme ininterrompu de chant. Il se produit chaque semaine, aux vêpres du vendredi soir, et ce depuis 1212. La seule fois où ils ont fait ce qui pourrait ressembler à une pause, c’était pendant la peste noire, au milieu du XIVe siècle : ils n’étaient plus que trois, parce que la peste avait décimé les garçons, mais ils chantaient toujours.

On peut donc dire qu’ils chantent depuis près de 800 ans. La discipline est extraordinaire. Le chef qui dirigeait le concert est lui-même un produit de l’école. C’est un musicien confirmé, d’une quarantaine d’années, qui perpétue fièrement la tradition.

Je voudrais vous présenter cette tradition. Je reviendrai, en temps voulu, sur la façon dont elle s’applique ici. Les garçons ont entre 7 et 18 ans, autrement dit il s’agit d’un programme d’enseignement secondaire. Ils sont choisis pour leur voix et leurs qualités musicales, mais ils reçoivent une éducation complète, selon les principes du Gymnase, jusqu’à ce qu’ils obtiennent leur diplôme. Leur formation musicale se fait dans le cadre du programme d’enseignement officiel.

Ils répètent quatre jours par semaine, jusqu’au vendredi, (…) puis ils recommencent avec un tout nouveau répertoire. Chaque semaine, ils recommencent à zéro !

Ils se produisent ensuite le vendredi, et la semaine suivante, ils reprennent un programme complètement nouveau, de sorte qu’en trois ans environ, ils ont parcouru à peu près tout le répertoire des motets et cantates de Bach. Et ils ne l’oublieront jamais, je vous l’assure !

J’ai vu leur interprétation. Non seulement ils sont bien formés, mais cette discipline particulière est très importante. J’ai assisté à un certain nombre de répétitions, et je peux vous dire que la densité de la répétition, la densité de la direction, sont probablement les plus intenses que j’ai jamais vues. Mais ces garçons sont réactifs et entraînés, ils peuvent l’assumer. Au cours de la répétition de trois heures, il y a eu une pause d’environ 15 minutes, au cours de laquelle ces garçons – jeunes et plus âgés – qui s’étaient montrés si sérieux, volontaires, assis sur leur chaise, les jambes croisées, en train de chanter de manière très concentrée et dans le plus grand professionnalisme, se sont soudain transformés en enfants.

Ils sont sortis en courant dans la cour, ils ont joué au football, puis sont revenus, aussi frais qu’ils étaient partis, et se sont assis tranquillement (du moins aussi tranquillement que des garçons peuvent le faire), et ils se sont à nouveau concentrés pleinement sur ce qu’ils faisaient. Il y avait donc une pleine concentration, un entraînement total et une direction magistrale. Le programme du vendredi suivant, qu’ils répétaient ce jeudi-là, était [le motet de Bach] Jesu, meine Freude, qui est l’un des motets les plus difficiles à interpréter, si on veut le faire de manière juste ; non pas que ce soit difficile à chanter, mais c’est difficile à interpréter de manière adéquate, dans le répertoire du motet. Il y a des défis plutôt surprenants là-dedans. Les garçons étaient en train de l’apprendre.

La gestion de la direction était intense. Aucune imperfection n’était tolérée, tout était corrigé. Diction, approches, etc., tout était revu. Le lendemain (j’ai manqué la répétition intermédiaire, qui faisait office de répétition générale, le vendredi matin), nous étions à la représentation du soir, et je vais vous dire : c’était l’une des rares fois ces dernières années, où, en écoutant un concert, j’ai senti mes larmes couler. Je ne pouvais pas les retenir. L’interprétation était magnifique. Tout ce qui leur avait été enseigné, tout ce qu’ils avaient répété, chaque correction, tout était passé dans la représentation, et en beaucoup mieux, bien sûr !

Les garçons sont entrés en scène, totalement déterminés. Ils étaient environ 80, en deux groupes : les jeunes garçons, dont la voix n’a pas encore mué, et les plus âgés, dont la voix a changé. Ils sont arrivés l’un derrière l’autre, tous parfaitement concentrés, exactement comme un interprète musical s’apprêtant à jouer, dans ce moment de concentration totale qui est nécessaire pour se remettre en tête l’ensemble de la composition, juste avant de commencer. Ils sont entrés avec, en tête, cette idée du programme complet. Ils ont joué avec précision, donnant forme à l’ensemble du morceau. Ils ne chantaient pas les notes, mais ce qui est entre les notes ; ils savent comment le faire, ils sont entraînés pour cela. C’est l’interprétation la plus remarquable de Jesu, meine Freude que j’aie jamais entendue. 

Ceux qui, il y a 35 ans cette semaine, entendirent parler de LaRouche pour la première fois à l’occasion de la victoire de deux de ses partisans aux élections primaires de l’Illinois, seront peut-être surpris d’apprendre qu’à la même époque, il faisait campagne pour rétablir le bon accord des voix et des instruments dans les opéras du monde entier.

Il va vous l’expliquer avec l’aide de deux de ses amis, le ténor italien Carlo Bergonzi (1924-2014) et le baryton Piero Capuccilli (1929-2005), deux des meilleurs chanteurs d’opéra.

Transcription de la vidéo :

LILIANA GORINI :
Nous allons commencer par Maestro Bergonzi, qui est notre invité d’honneur aujourd’hui, car c’est ici, à Busseto, dans la province de Parme, qu’il a son « Académie Verdi ». Ensuite, nous aurons Piero Capucilli, qui a célébré, il y a quelques jours à peine, ses 40 ans de carrière de chanteur. Et enfin, Lyndon LaRouche (1922-2019), « l’invité international » qui a dirigé la production de notre manuel, Singing and registration, que nous présentons aujourd’hui. Maestro Bergonzi, pourquoi cette question du diapason de Verdi est-elle si importante pour les voix qui chantent Verdi ?

CARLO BERGONZI :
Comme vous le savez, nous avons d’abord sorti ce livre aux États-Unis, et j’ai fait la démonstration avec les deux diapasons au Carnegie Hall. Je suis donc honoré de le présenter ici aujourd’hui, dans la ville natale de Giuseppe Verdi. Mais en fin de compte, force est de constater que nous n’avons pas vraiment fait de percée. Cela me dérange énormément, mais je dois le dire, car nous devons toujours dire la vérité.

Nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui M. LaRouche. Il est profondément attaché à cette question, qui est très importante pour les jeunes, en particulier les jeunes chanteurs, car ils doivent décaler toute leur technique vocale d’un demi-ton. Ils ont encore de la chance, car parfois, c’est pire. Nous n’avons trouvé aucun soutien parmi les musiciens d’orchestre, à l’exception de quelques-uns. Surtout parmi les chefs d’orchestre, en particulier d’orchestres symphoniques : ils ne veulent tout simplement pas abaisser le diapason.

Ce qu’ils veulent, c’est laisser chanter les violons, laisser chanter les cuivres, mais ils ne se rendent pas compte qu’ils ne peuvent pas réguler les cordes vocales humaines ! C’est le point fondamental ; le gros problème est là. Si nous ne revenons pas au diapason le plus bas, ou du moins à un compromis entre le diapason actuel et celui de Verdi, alors je dois vous dire quelque chose qui n’est vraiment pas très réconfortant : dans quelques années, écouter les chanteurs d’opéra, c’est une chose qu’on pourra oublier. Parce que les voix n’auront pas été placées correctement. On n’aura tout simplement pas les voix hautes ; on n’aura pas de basses. Parce que quand c’est un demi-ton trop élevé, ça détruit toute la technique vocale.

Je ne veux pas passer pour un oiseau de mauvais augure, et je veux que l’Institut Schiller aille toujours de l’avant, qu’il reste fort. Je veux que LaRouche persévère sur cette question. J’y apporterai toute l’aide possible. Mais au final, je crains que nous n’ayons vraiment pas eu un très grand succès. Merci beaucoup.

GORINI  :
Nous l’espérons aussi. Mais les batailles les plus difficiles sont celles que nous aimons mener. Maintenant, je vais m’adresser au Maestro Capucilli, qui a été avec nous dans cette campagne pour le diapason de Verdi depuis la première conférence internationale à la Maison de Verdi en 1988, où il a chanté des exemples musicaux dans les deux diapasons, le plus haut et le plus bas. Cela a entamé une tradition poursuivie aujourd’hui, ici-même, dans la Sala Barozzi par Antonella Banaudi. Maestro Capucilli, du haut de vos 40 ans d’expérience de chanteur, pouvez-vous nous dire quelle est l’importance du diapason de Verdi pour préserver l’opéra, en particulier celui de Verdi ?

PIERO CAPUCILLI :
La réponse est assez simple. Le diapason de Verdi est le vrai diapason. Les voix humaines sont faites pour ce diapason-là, dans le sens où dès lors que l’on augmente la hauteur, les voix fatiguent. Et dans le cas des longs rôles, les chanteurs ne supportent pas la tension. C’est un fait. Mais les chefs d’orchestre ne se préoccupent que de l’orchestre, car ils veulent que les violons sonnent avec une certaine tonalité. Wow ! Ils doivent sonner ! Et les cuivres aussi. Mais les voix ne sont pas d’airain. La nature les a faites naturelles, ce ne sont pas des cuivres ! Alors, qu’est-ce qu’on doit faire ? On doit vraiment tout essayer et se battre, avec M. LaRouche, pour le diapason de Verdi, au moins pour que les nouvelles voix qui arrivent soient capables de chanter correctement sans forcer.

GORINI :
Je voudrais poser une question à M. LaRouche : comment l’Institut Schiller et vous-même pouvez-vous, avec cette campagne internationale, changer la tendance de la musique sur cette question du diapason ?

LYNDON LAROUCHE :
Cela nous amène à une question plus profonde. Pour ma part, ma spécialité est une branche de la science appelée « économie physique ». Je reconnais, comme peu d’autres l’ont fait, que le développement de la musique en Europe – avec Bach, et surtout après lui, Mozart, en passant par Verdi et Brahms – cette « école » de musique joue un rôle essentiel dans le fonctionnement même d’une culture. Il y a dans cette musique un certain type de relation avec les pouvoirs créateurs de l’esprit, qui n’existe sous aucune autre forme. Aujourd’hui, nous sommes en danger de perdre non seulement la musique, mais la civilisation. C’est pourquoi j’ai pensé qu’il était urgent de continuer à distiller ces principes musicaux, qui sont essentiels pour notre culture. Et de regarder ces principes, connus des musiciens, du point de vue de la science, afin de pouvoir former une nouvelle génération d’enseignants.

CAPUCILLI :
Permettez-moi d’ajouter ceci : en fait, ce ne sont pas seulement les voix qui sont en jeu. Avec une bonne voix, mais avec un diapason trop élevé, même le cœur en prend un coup ; ça fatigue énormément de chanter, n’est-ce pas ? C’est mauvais non seulement pour le cœur, mais pour le corps tout entier. On doit donc recommencer à chanter normalement, comme Verdi le concevait. C’est pourquoi LaRouche a recherché le moyen pour les Américains de « retrouver leur voix et de la placer correctement » à nouveau.

Comme nous l’avons dit au début, dans une République, le discours public « doit trouver le bon ton ». Tous les citoyens doivent être appelés à délibérer en tant que membres d’une République souveraine unique, idée que Lincoln a finalement réalisée avec succès au cours de sa présidence de quatre ans.

Et en tant qu’expert de l’économie physique, mais aussi en tant qu’homme d’État, le candidat présidentiel LaRouche a compris que dans une nation qui a perdu sa voix, les plus grandes idées ne trouvent plus d’écho dans le cœur et l’esprit des gens. Pour qu’une nation puisse faire face à une grande crise, à une grande tâche, à un grand moment, le peuple doit entendre ce défi comme une voix intérieure. Et au milieu de la crise, de la destruction et de la mort, la tragédie du moment doit être enveloppée dans la promesse d’un avenir bien plus grand, vécu en harmonie avec ce qui résonne de l’intérieur.

La tâche du poète et de l’homme d’État consiste à libérer leurs concitoyens du sort tragique qu’ils se sont eux-mêmes infligé, pour les amener à la reconnaissance sublime de leur immortalité potentielle. C’est la tâche qui définit le mieux l’esprit de la présidence et de la citoyenneté américaines et, comme pour le negro spiritual, c’est notre contribution unique à la culture classique du monde, si nous choisissons d’en faire quelque chose.

En nous inspirant pour cela du discours prononcé par le président Abraham Lincoln au cimetière militaire de Gettysburg, le 19 novembre 1863 :

Il y a quatre-vingt-sept ans, nos pères donnèrent naissance sur ce continent à une nouvelle nation conçue dans la liberté et vouée à la thèse selon laquelle tous les hommes sont créés égaux. Nous sommes maintenant engagés dans une grande guerre civile, épreuve qui vérifiera si cette nation, ou toute autre nation ainsi conçue et vouée au même idéal, peut longtemps perdurer. Nous sommes réunis sur un grand champ de bataille de cette guerre. Nous sommes venus consacrer une part de cette terre qui deviendra la dernière demeure de tous ceux qui moururent pour que vive cette nation. Il est à la fois juste et digne de le faire. Mais, dans un sens plus large, nous ne pouvons dédier, nous ne pouvons consacrer, nous ne pouvons sanctifier ce sol. Les braves, vivants et morts, qui se battirent ici, le consacrèrent bien au-delà de notre faible pouvoir de magnifier ou de minimiser. Le monde ne sera guère attentif à nos paroles, ni ne s’en souviendra longtemps, mais jamais il ne pourra oublier ce qui fut accompli ici. C’est à nous les vivants de nous vouer à l’œuvre inachevée que d’autres ont si noblement entreprise. C’est à nous de nous consacrer plus encore à la grande cause pour laquelle ils offrirent le suprême sacrifice ; c’est à nous de faire en sorte qu’ils ne soient pas morts en vain ; à nous de vouloir qu’avec l’aide de Dieu cette nation renaisse dans la liberté ; à nous de décider que le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, ne disparaîtra jamais de la surface de la terre.