Perfide Albion

Guerre contre l’agriculture : un agronome français met en garde

vendredi 2 avril 2021, par Karel Vereycken

Agronome et économiste, Jean-Christophe Debar dirige la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (FARM), créée par l’Agence française de développement (AfD), le Crédit agricole et d’autres entreprises.

Jean-Christophe Debar, président de la Fondation FARM.

Dans un article posté sur le site de FARM, intitulé Baisser les rendements, vraiment ? M. Debar met en garde :

Face aux dommages causés à la biodiversité par l’agriculture ‘productiviste’, il est tentant de penser que la solution réside dans la baisse des rendements, résultant d’un moindre usage d’engrais minéraux et de produits phytosanitaires. Mais ce serait faire fausse route.

Écologiste mais pas décroissant, Jean-Christophe Debar précise qu’il faut certes utiliser moins d’intrants (engrais, pesticides), mais tout en produisant plus.

Comment est-ce possible, direz-vous ? En cherchant les moyens d’une « intensification écologique ». Il s’agit, d’une part, d’établir des centres de recherche pour produire des semences résistantes et à hauts rendements, et d’autre part, d’avoir des équipements pour surveiller les cultures et appliquer ce que l’on doit apporter aux plantes au bon endroit et au bon moment.

Le directeur de la FARM s’inquiète que plusieurs organisations promouvant l’agriculture verte « tournent résolument le dos à l’agriculture qualifiée de productiviste... »

Leurs études

reposent sur une baisse des rendements des principales cultures de l’ordre de 30-35 %, jusqu’aux niveaux obtenus actuellement en agriculture biologique, grâce à une réduction drastique de l’usage d’intrants chimiques. Tel est également l’un des axes du rapport récemment publié par le think tank anglais Chatham House, avec l’appui du Programme des Nations unies pour l’environnement.

Précisons ici que Chatham House (le Royal Institute for International Affairs - RIIA) est sous la tutelle du Foreign Office, réunissant des personnalités du monde des affaires et du renseignement au service de la géopolitique verte de l’empire britannique.

La dernière étude, du 3 février 2021 de Chatham House, précise Jean-Christophe Debar, table sur un remplacement de la monoculture par la polyculture, une baisse de la consommation de viande et une réduction du gaspillage pour « limiter les surfaces cultivées, donc étendre les zones protégées, et réduire les rendements ».

Tout cela, on s’en doute, pour sauver « le climat » et « la biodiversité » !

Or, pour l’auteur, comme pour de nombreux experts, réduire les rendements est totalement incompatible avec l’objectif de limiter les surfaces cultivées.

En Afrique sub-saharienne par exemple, pour nourrir convenablement la population, l’INRAE anticipe une augmentation de 53 % des superficies cultivées, à condition de mettre à profit les techniques de l’agriculture productive. En n’utilisant que des méthodes peu productives, l’augmentation des superficies cultivés serait alors de 113 % !

Comme le rappelle l’agronome français :

Dans beaucoup de pays en développement, en particulier en Afrique subsaharienne, l’adoption de régimes plus favorables à la santé aurait pour conséquence une augmentation de la consommation par tête, en particulier de produits animaux, car leur sous-consommation actuelle, selon les standards officiels, est responsable de graves carences nutritionnelles.

Conscient du dévoiement néo-malthusien en cours, M. Debar ajoute :

Le dogme d’une agriculture guidée par la maximisation de la performance technico-économique, sans égard pour l’environnement, a vécu. Rien ne sert de lui en substituer un nouveau, qui conduirait à ne considérer le développement durable que sous l’angle de la biodiversité, du changement climatique ou des préoccupations sanitaires.

L’objectif de la transition agroécologique ne devrait donc pas être de baisser les rendements, mais de trouver les voies d’une nouvelle intensification de l’agriculture, entièrement repensée, permettant de produire plus avec moins d’intrants. Les clés en sont connues : un vigoureux effort de recherche et d’innovation, accompagné d’une vulgarisation des résultats obtenus auprès des agriculteurs.