États-Unis : tout le monde ne veut pas d’une guerre contre la Chine

jeudi 25 février 2021

Chronique stratégique du 25 février 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Lors du G7 virtuel vendredi dernier, Joe Biden s’est déclaré opposé à un nouveau conflit Est-Ouest. La Chine a salué cette prise de position, notant que le nouveau président a par ailleurs inversé certaines des mesures anti-chinoises mises en place par l’administration Trump. Une ouverture positive, qui montre que le potentiel existe d’une restauration de relations saines entre la Chine et les Etats-Unis, et que, en dépit du caractère très atlantiste et belliqueux de nombreux membres du nouveau gouvernement, un principe de réalité peut prévaloir.

Dans son discours lundi lors du Forum de Lanting sur la coopération et le dialogue, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a souligné l’urgence de rétablir le dialogue et le respect mutuel entre les deux principales puissances économiques du monde, après la dégradation désastreuse des relations sino-américaines provoquée par les Pompeo et autres Navarro de l’administration Trump. Comme le rapporte le Global Times, Yi a exhorté la nouvelle administration américaine à clarifier sa position vis-à-vis de la Chine, « le plus vite possible ».

Le quotidien chinois fait remarquer que Biden s’est inscrit en porte-à-faux par rapport à ses alliés lors du sommet virtuel du G7 et de la Conférence de Munich sur la sécurité. Les médias occidentaux n’en ont rien dit, se contentant de rapporter que le président américain avait exprimé les remontrances habituelles à l’encontre de la Russie et de la Chine. Pourtant, Biden a bel et bien déclaré :

Il ne s’agit pas de dresser l’Est contre l’Ouest . Il ne s’agit pas de dire ‘nous voulons un conflit’. Ce que nous voulons, c’est un avenir où toutes les nations pourront déterminer librement leur propre voie sans menace de violence ou de coercition. Et, répondant aux mises en gardes de Xi Jinping au Forum de Davos : Nous ne pouvons et ne devons pas revenir à l’opposition réflexive et aux blocs rigides de la guerre froide.

On peut sérieusement douter du fait que Joe Biden ait la volonté et encore moins le caractère pour résister aux pressions du complexe militaro-financier. L’exemple de Donald Trump, qui s’est laissé entraîner malgré lui par la faction anti-chinoise de son administration, est là pour rappeler combien la gangrène impérialiste britannique a pénétré les institutions américaines. Néanmoins, les dirigeants chinois portent beaucoup d’intérêt, et avec raison, aux récentes déclarations du nouveau président.

De plus, comme le note le Global Times, Biden a pris plusieurs initiatives pour inverser certaines des mesures de l’administration précédente – ce que les médias occidentaux ont également largement occulté. Il a suspendu les interdictions prononcées contre les plateformes chinoises WeChat et TikTok ; il a ordonné le retrait d’une règle obligeant les universités à divulguer leurs liens financiers avec les instituts Confucius ; enfin, à rebours du délire de Pompeo sur le « virus chinois », Biden a promu le dialogue entre les deux principaux épidémiologistes des deux pays, le Dr Fauci et le Dr Zhong, qui se sont parlés au sujet de la coopération dans le combat contre la pandémie de Covid-19 et doivent se rencontrer le 2 mars.

Par ailleurs, le Département d’Etat a finalement reculé au sujet des nouvelles sanctions contre le projet NordStream2 de gazoduc entre la Russie et l’Europe. Alors que les travaux ont repris le 6 février dernier – plus de 90% de la construction ayant déjà été achevée —, les élus du Congrès appelaient à davantage de sanctions contre les personnalités et entreprises impliquées dans le projet. Les spéculations vont bon train sur le fait que l’administration Biden aurait fini par céder aux pressions de l’Allemagne.

Cette décision a suscité l’agacement chez les Républicains comme chez les Démocrates : « J’attends avec impatience d’être informée par l’administration Biden sur les mesures supplémentaires qu’elle compte prendre pour mettre fin à la menace que représente l’achèvement du gazoduc Nord Stream 2 », a en effet déclaré la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen. Ted Cruz, le sénateur républicain du Texas s’est laissé aller à affirmer que la construction du gazoduc représente une menace « pour la sécurité nationale américaine et pour la sécurité énergétique de nos alliés européens ». Il est vrai que, après la catastrophe énergétique qui vient de frapper le Texas, le sénateur est bien placé pour donner des leçons.

Dans ce contexte, l’Institut Schiller tiendra samedi une nouvelle table ronde sur la menace que l’hystérie anti-chinoise et antirusse fait peser sur le monde, et sur la nécessité d’amener les dirigeants des principales puissances à se rencontrer au sommet, comme le suggère depuis début 2019 le président Poutine avec le « sommet du P5 ». L’idée d’organiser une rencontre exceptionnelle des cinq membres du Conseil de sécurité des Nations unies vient d’ailleurs d’être remise sur la table par l’ambassadeur russe à Washington, Anatoly Antonov. Il est grand temps de le faire.

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