La Chine, miroir de l’économie planifiée que nous avons perdue ?

jeudi 3 décembre 2020

Chronique stratégique du 3 décembre 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

En quelques jours, la Chine a atteint ses objectifs d’éradication de l’extrême pauvreté – avec dix ans d’avance sur l’agenda 2030 des Nations unies – ; elle a mis en fonctionnement son premier réacteur nucléaire de 3e génération, et a posé la sonde spatiale Chang’e 5 dans l’océan des Tempêtes de la Lune. Alors que nous sombrons, en Occident, dans une crise économique, sociale et culturelle sans précédent, il devient nécessaire pour nous de considérer la Chine en laissant nos préjugés au vestiaire.

Notre occident fatigué, dénué de vision, titube ça et là tel un somnambule, hanté par l’image d’un monde dominé par les conflits, avant tout entre les grands empires américains et chinois, l’Europe se tenant au milieu, penaude et impuissante – comme si rien n’avait changé depuis la Guerre froide. Une image très réductrice et même erronée, mais qui persiste en raison du pessimisme culturel et de la mentalité néocoloniale arrogante de nos élites, qui nous conditionnent à projeter nos propres démons sur les autres.

Ainsi sommes-nous incapables de voir l’évidence : la Chine – aussi imparfaite soit-elle – réalise aujourd’hui une politique de développement économique planifié, qui l’a rendue capable d’en finir avec l’extrême pauvreté, d’éradiquer l’épidémie de Covid-19, et d’accéder au premier rang des nations nucléaires et spatiales.

Éradication de la pauvreté

Le 23 novembre, les autorités du Guizhou, dans le Sud-Ouest de la Chine, ont annoncé que l’extrême pauvreté, qui demeurait dans neuf des comtés de la province, avait été entièrement éradiquée. Fin 2019, la pauvreté touchait encore 52 comtés dans l’ensemble du pays. Début novembre, les comtés des régions autonomes du Xinjiang, du Guangxi et du Ningxia, ainsi que des provinces du Yunnan, du Sichuan et du Gansu, en sont tous venus à bout.

Avec la nouvelle du Guizhou, la Chine a ainsi atteint les objectifs fixés au niveau national – et au niveau mondial par l’agenda 2030 des Nations unies : l’extrême pauvreté, qui touchait les deux tiers de la population il y a 40 ans, est désormais officiellement éradiquée. Et, alors que nous sommes prompts à accuser ce pays de bafouer les droits de l’homme – tout en les respectant si peu chez nous – c’est le droit de l’homme à se nourrir chaque jour qui a été donné à plus de 800 millions de Chinois.

« La Chine a réduit la pauvreté grâce au développement industriel, observe le quotidien Global Times. C’est le moyen le plus direct et le plus efficace par lequel des solutions ont été apportées à long terme aux territoires les plus pauvres ». « Nourrir, loger et habiller 1,4 milliard de personnes n’est pas une tâche facile, écrit de son côté le China Daily. (...) Les bonnes nouvelles du Guizhou sont venues malgré le fait que le pays a du faire faire face à la pression double de l’épidémie de coronavirus et de la crise économique ».

Nucléaire et spatial

Ces annonces ont coïncidé avec la mise en service, le 27 novembre à Fuqing, dans la province du Fujian, du premier réacteur nucléaire chinois de 3e génération, et avec l’alunissage de la sonde spatiale Chang’e 5, le 1er décembre – réduisant ainsi en miettes le fameux argument sophiste affirmant que « avant d’aller dans l’espace, il faut d’abord résoudre les problèmes sur Terre ».

Posée dans l’océan des Tempêtes de la Lune, la sonde Chang’e 5 a pour mission de collecter de la matière lunaire et de la rapporter sur Terre, une prouesse qui n’a plus été accomplie depuis 40 ans, suite à l’abandon des missions Apollo de la NASA. Il s’agit d’un préambule avant l’arrivée prochaine des taïkonautes sur notre satellite. En effet, comme l’a annoncé Zhang Kejian, le directeur de l’Agence spatiale chinoise (CNSA), les futurs missions chinoises ont pour objectif la construction d’une base lunaire dans les dix ans à venir. La Chine a notamment obtenu des résultats probants avec le projet « Yuegong-1 » – surnommé le « Palais lunaire » –, un laboratoire clos simulant l’environnement lunaire, dans lequel ont vécu plusieurs étudiants de l’Université pékinoise de Beihang, spécialisée dans la recherche astronautique.

Tandis que Chang’e-5 se posait sur la Lune, la chaîne de télévision chinoise CGTN publiait un reportage et un clip vidéo sur le potentiel que représentent les énormes quantités d’hélium 3 se trouvant dans le sol lunaire, en vue du développement sur Terre. Très peu présent sur notre planète, l’hélium 3 extrait sur la Lune pourrait être utilisé pour la fusion thermonucléaire, avec le grand avantage, comme le souligne dans le reportage Gerald Kulcinski, professeur émérite d’ingénierie nucléaire à l’université du Wisconsin, de fournir une source d’énergie nucléaire sans déchets « pendant des centaines de milliers d’années »  !

Gérer le problème ou s’attaquer aux causes ?

Face à la propagande anti-chinoise entretenue nuit et jour par la machine médiatique, il est bon de rappeler une vérité aussi évidente que le nez au milieu de la figure : la Chine, et l’Asie orientale en général, ont réussi à pratiquement éliminer l’épidémie de Covid-19, là où l’Europe, qui s’est contenté de la « gérer », a lamentablement échouée. Et la différence est frappante : la coronavirus a causé moins de 5000 morts en Chine, soit 0,0035 % de sa population ; le Vietnam, avec une population de 90 millions, ne compte que 35 morts ; tandis que la France, avec ses 67 millions d’habitants, en compte plus de 40 000...

Incapables de prendre des mesures strictes dès le début de l’épidémie, les gouvernements européens n’ont décidé d’agir que lorsque la vague des malades a déferlé dans les services de réanimation des hôpitaux — c’est-à-dire trop tard. Et la suite n’a fait que confirmer cette impuissance, et a mis en lumière les errements d’une mentalité – qui domine les élites occidentales – où l’on se contente de gérer l’existant plutôt que de résoudre les problèmes en remontant aux causes. Le problème est profond et culturel, car il touche la foi en la raison humaine elle-même, en la science et donc en l’humanité.

En menant simultanément l’effort pour éradiquer la pauvreté et pour devenir une puissance économique, technologique et scientifique, la Chine nous renvoie le miroir de ce que nous avons su accomplir quand nous avions notre destin économique en main – en particulier dans la France des Trente glorieuses. A l’instar de De Gaulle, pour Xi Jinping, réaliser le grand rêve chinois exige « une grande querelle ». Et, comme l’avait affirmé le président chinois en 2017 : « toute ligne de pensée ou de conduite cantonnée à la satisfaction de ses plaisirs, à l’inaction, à la paresse et à l’évitement des difficultés est tout simplement inacceptable ».

Il est donc temps de regarder ce miroir droit dans les yeux.

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