Asie-pacifique : le découplage de la Chine n’aura pas lieu

jeudi 19 novembre 2020

Chronique stratégique du 19 novembre 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Après huit ans de négociations, quinze pays de la région Asie-Pacifique ont signé le 15 novembre l’accord de partenariat économique global (RCEP) – le plus important accord commercial jamais conclu dans le monde. La présence de pays alliés des Anglo-américains, tels que le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle Zélande, met en échec les intrigues impérialistes visant à ériger un « rideau de fer » entre la Chine et les autres dans cette région.

Sale temps pour les géopoliticiens de l’Empire, qui s’évertuent à promouvoir la vision d’un monde divisé par une nouvelle guerre froide – vision se déclinant en Asie par la narrative de « l’ennemi chinois » isolé sur un continent gagné par un libéralisme parrainé par Washington et Londres. La signature du RCEP, dimanche 15 novembre au Vietnam, entre les dix pays de l’Association des pays d’Asie du Sud-Est (ASEAN), auxquels se sont joints la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle Zélande (deux membres des « Five Eyes » !), a fait voler ce fantasme en éclat.

Il s’agit en effet du plus important accord commercial jamais conclu entre des nations. Il concerne plus de 2 milliards d’êtres humains, et environ 30 % de l’économie mondiale. L’Inde, qui n’a pas souhaité participer aux négociations et à la signature de l’accord, a toutefois fait savoir qu’elle envisageait la possibilité de le rejoindre plus tard.

Dans les circonstances mondiales actuelles, le fait que le RCEP ait été signé après huit ans de négociations apporte un rayon de lumière et d’espoir au milieu des nuages, a déclaré le premier ministre chinois, Li Keqiang, suite à la signature.

Le RCEP comprend des réductions de taxes douanières sur les 20 prochaines années, ainsi que des mesures pour soutenir les investissements. A la différence des accords de libre-échange habituels, cet accord ne soumet pas les pays à des contraintes néolibérales sur les conditions de travail ou sur l’environnement, comme cela a été appliqué en Occident ces dernières décennies, avec les conséquences désastreuses que l’on connaît en terme de désindustrialisation et de dégradation des infrastructures.

Les médias occidentaux – à l’instar de la BBC ou du journal Le Monde – ont beau s’égosiller sur cette « extension de l’influence de la Chine dans la région », la signature de cet accord fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le pays des merveilles de la mondialisation financière. Car c’est toute la stratégie bâtie autour du concept de « l’axe indo-pacifique », promue par Washington et Londres, mais aussi par la France d’Emmanuel Macron, et visant à monter l’Inde et l’Australie, entre autres, contre la Chine, qui se trouve mise en échec.

« La Chine a répondu concrètement au défi américain, affirme la télévision chinoise CGTN. Non pas par une logique d’affrontement comme veulent le faire croire la presse à scandale, mais en approfondissant son intégration avec les autres pays et en élaborant son avenir commercial. Le RCEP inclut plusieurs alliés des États-Unis ; leur adhésion à l’accord montre que la Chine reste pour eux un partenaire économique intrinsèque et que la région va travailler et avancer ensemble ». De même, pour le quotidien Global Times, la signature de cet accord démontre que la Chine peut travailler avec d’autres pays « de façon effective et mutuellement bénéfique », et qu’elle n’est pas un « empire expansionniste » comme les pays occidentaux le prétendent. Ceux qui pensaient pouvoir « découpler » l’économie chinoise du reste du monde peuvent aller se rhabiller.

Cette volonté de coopération des pays d’Asie-Pacifique devrait surtout donner une véritable leçon aux gouvernements occidentaux, qui pataugent en plein marasme face à la pandémie de Covid-19, incapables d’aucune action collective, tout comme ils ont été incapables de mettre en œuvre le triptyque « tester, tracer, isoler » – contrairement à la plupart des pays asiatiques –, ayant sacrifié le sens du bien commun et de l’intérêt général sur l’autel de l’individualisme et de la loi de la jungle des « marchés ».

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