Trump vole dans les plumes des faucons du Pentagone

mercredi 18 novembre 2020

Chronique stratégique du 18 novembre 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Quelques jours après une élection présidentielle entachée de graves irrégularités, Donald Trump a congédié Marc Esper, le secrétaire à la Défense, le remplaçant par Christopher Miller, qui annonce vouloir mettre un terme à la politique de « guerre permanente » du complexe militaro-industriel.

L’issue finale de l’élection américaine est à l’image de la période que nous traversons : sans précédent et imprévisible. L’enjeu dépasse bien entendu Trump et Biden, car il s’agit ni plus ni moins de la paix du monde.

D’un côté, l’intronisation programmée d’une administration Biden, avec tous les faucons de guerre qui piaffent d’impatience à l’idée de pouvoir de nouveau déployer leurs ailes ; de l’autre, une équipe resserrée autour du président Trump, qui apparaît déterminée à se battre jusqu’au bout, sur le plan juridique, contre ce qu’il faut bien appeler une fraude électorale à grande échelle pour ne pas laisser la machine démocrate voler l’élection, et qui, dans la même dynamique, opère déjà un net virage en faveur d’une purge de l’administration des éléments va-t-en-guerre, à l’image de l’éviction le 9 novembre du chef du Pentagone Marc Esper.

Les journalistes adorent Biden, mais pas trop

Dans une attitude typique des lèche-cul qu’on leur connaît désormais, les médias français ont presque tous adopté le prêt-à-penser sur la victoire du camp démocrate et sur l’image d’un Biden rassembleur, modéré et intelligent – contrairement à cet affreux Trump diviseur, raciste et arriéré. Pourtant, quelques bémols apparaissent ici ou là, montrant que l’enthousiasme n’est que de façade.

Par exemple, Franck Dedieu dans le magazine Marianne compare « Flamby » à « Sleepy Joe », écrivant que Biden présente « une version américaine et réactualisée » de la capitulation de François Hollande face à son ennemi le lobby de la finance : « Pas d’impôt sur la fortune des super-milliardaires, pas touche à la toute-puissance des Gafam ». Le Journal du Dimanche rapporte quant à lui les inquiétudes de l’aile gauche du Parti démocrate sur les questions de sécurité nationale, notamment autour de la nomination de Michèle Flournoy à la tête du Pentagone, jugée « trop proche du complexe militaro-industriel ».

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En Europe, l’ancien député CDU et ancien vice-président de l’OSCE Willy Wimmer, rappelle sur RT que le peuple américain avaient voté pour Trump en 2016 car ils voulaient en finir avec les guerres sans fins menées par les administrations précédentes :

Sous la présidence de Barack Obama, Joe Biden, qui était alors vice-président, était en parfait accord avec la guerre des drones d’Obama et avec les guerres au Moyen-Orient ; il y a donc de fortes chances qu’il poursuive de la même manière que le Parti démocrate l’a fait dans les années 1990 et sous Obama.

Trump attaque le parti de la guerre

Le 9 novembre, le président Trump a évincé Marc Esper de son poste de secrétaire à la Défense. Son départ a été suivi d’une tornade de démissions, dont le chef de cabinet et deux sous-secrétaires. Les postes vacants ont été remplacés par des personnes connues pour leur loyauté envers le président et pour avoir participé à l’effort pour exposer le canular du « Russiagate ».

Parmi eux, les plus notables sont le nouveau secrétaire à la Défense, Christopher Miller, et son conseiller principal, le colonel Douglas Macgreggor. Le site Military.com présente le premier comme « un leader hors pair, qui à tous les niveaux de sa carrière a gardé une perspective sur les conséquences nationales de ses actes et de la stratégie militaire mise en œuvre ». Dès sa première conférence de presse, le 17 novembre, Miller a annoncé un plan de réduction des troupes américaines en Irak et en Afghanistan. « Nous allons appliquer les ordres du président Trump de poursuivre le repositionnement des forces de ces deux pays, a-t-il déclaré. Cela est conforme aux objectifs stratégiques qui ont été définis et soutenus par le peuple américain ».

Pour Willy Wimmer, la nomination de Miller à la tête du Pentagone reflète une âpre lutte institutionnelle, dans laquelle le président Trump tente de reprendre la main sur la politique étrangère et de préempter une initiative un peu trop volontariste de certains milieux militaires. « Les militaires américains préparent une rébellion, explique-t-il sur Sputnik Deutschland. Ils ne veulent pas laisser leur échapper leur ’droit de faire la guerre’. De son côté, Trump ne veut pas voir son héritage détruit, comme le montre l’éviction de M. Esper ». Selon l’ancien député, cet « arbitraire » des militaires américains contre le leadership politique a un précédent : lorsque George H. W. Bush avait promis à Gorbatchev que l’Otan serait réduit à un corps consultatif, dans lequel l’Union soviétique participerait en tant que membre à part entière, Paul Wolfowitz avait court-circuité cette promesse présidentielle, depuis le Pentagone, faisant en sorte que l’exact opposé soit mis en œuvre.

La nomination de Douglas Macgregor est également très significative. Ce militaire à la retraite est l’image-même de l’officier qui a refusé de vendre son âme au complexe militaro-industriel en échange de promotions et d’honneurs ; il est connu pour sa critique de la politique de guerre menée par les États-Unis depuis des décennies, en particulier en Irak et en Syrie, ainsi que de la « révolution dans les affaires militaires » – un processus lancé par les administrations Bush-Cheney et Obama aboutissant à la doctrine baptisée « Prompt Global Strike », devenue aujourd’hui la politique nucléaire des États-Unis.

Macgregor n’a pas hésité à dénoncer publiquement les responsabilités de généraux tels que David Petraeus dans l’émergence de Daesh, et à attaquer les discours des « docteurs Folamour » favorables à une escalade contre la Russie, tels que le général McMaster, dont le rôle dans les techniques de fraude électorale a été mis en lumière par Kirk Wiebe, un ancien spécialiste de la NSA. En 2014, Macgregor avait publiquement attaqué James Jeffrey – l’actuel envoyé spécial américain en Syrie, qui vient d’avouer avoir menti au président Trump sur le nombre de troupes américaines présentes sur place – pour sa promotion d’une intervention militaire en Ukraine. « Si les généraux s’étaient réellement souciés des soldats, les 15 dernières années auraient été totalement différentes, avait écrit Macgregor à un journaliste de Politico, en 2016. Qu’est-il arrivé aux milliers de vies et aux milliards de dollars gaspillés en Irak et en Afghanistan ? Qu’est-il arrivé aux milliards dépensés depuis 1991 dans une série de programmes de modernisation ratés ? »

Pour « une paix juste et durable avec toutes les nations »

Dans son premier message adressé au personnel du Département de la Défense, Christopher Miller fait un plaidoyer contre cette politique de guerres : « Nous ne sommes pas un peuple de guerres perpétuelles, écrit-il ; c’est l’antithèse de tout ce que nous défendons et pour quoi nos ancêtres se sont battus. Toutes les guerres doivent prendre fin ». Et, citant Abraham Lincoln dans son second discours d’inauguration :

Avec méchanceté envers personne, avec charité pour tous, avec fermeté dans le droit comme Dieu nous donne de voir le droit, efforçons-nous d’achever l’œuvre dans laquelle nous sommes, de panser les blessures de la nation, de prendre soin de celui qui aura combattu, de sa veuve et de son orphelin ; et de tout faire pour parvenir à une paix juste et durable entre nous et toutes les nations.

Certes, Trump n’est pas Lincoln. Mais il est comme un chien au milieu d’un jeu de quille, et surtout il a derrière lui une population qui en a assez de ces guerres impérialistes.

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