Xinjiang : sécurité et lutte contre la pauvreté

lundi 31 août 2020, par Christine Bierre

Grand bazar d’Urumqi, capitale du Xinjiang, en juillet 2019
La propagande américaine accusant la Chine de violations de droits de l’homme contre l’ethnie ouïgoure a atteint son paroxysme. C’est pour contrer ces mensonges que le Centre d’amitié et de coopération Pak-Chine a organisé un webinaire le 20 août auquel la rédactrice en chef de notre journal Nouvelle Solidarité, Christine Bierre, a été conviée, ainsi que notre collègue américain, William Jones, chef du bureau de l’Executive Intelligence Review (EIR).

Un webinaire sur la réussite des politiques chinoises dans la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme au Xinjiang, organisé par le Centre d’amitié et de coopération Pak-Chine le 20 août à Islamabad, a rassemblé des personnalités politiques pakistanaises de haut niveau, d’anciens ambassadeurs, des professeurs et des chroniqueurs sur les questions de défense et d’affaires étrangères, ainsi que des journalistes et des experts internationaux connaissant la situation dans la province du Xinjiang.

Ce webinaire était animé par colonel (cr) Sultan Mahmood Hali, fondateur et président de l’association. M. Nisar Memon, sénateur et ancien ministre fédéral de l’Information du Pakistan, a ouvert et clôturé ce webinaire, particulièrement important aujourd’hui au regard des accusations colportées par les ennemis de la Chine dans le monde.

Parmi les experts et journalistes étrangers qui ont participé à la table ronde d’orateurs internationaux, figuraient Zhou Rong, journaliste en chef au Guang Ming Daily et professeur invité aux universités de Renmin et du Sichuan, Dave Bromwich, président national de la New Zealand China Friendship Society, Christine Bierre, rédactrice en chef de notre journal Nouvelle Solidarité et experte à l’Institut Schiller France, et William Jones, chef du bureau de l’Executive Intelligence Review à Washington.

La plupart des discours ont porté sur la façon dont la Chine met l’accent sur la croissance économique pour faire face aux problèmes sociaux particulièrement difficiles et complexes dans cette région. Trois des intervenants, dont M. Hali, M. Bromwich et Christine Bierre, avaient participé à une mission d’information de dix jours qui les avait conduits dans deux provinces occidentales de la Chine autrefois très pauvres, peuplées d’importantes minorités ethniques : le Gansu, dont la Préfecture autonome tibétaine du Gannan abrite une minorité tibétaine de près de 700 00 personnes (2 %), et la Région autonome ouïgoure du Xinjiang, qui abrite une forte minorité de Ouïgours (45 %). À Beijing, Lanzhou, Ürümqi et Turpan, la délégation fut informée en détail par des experts des académies des sciences sociales de ces régions sur les politiques menées par la Chine, fondées sur sa conception d’être un pays uni, mais multi-ethnique et multi-religieux. Tous évoquèrent la modernisation au pas de charge que connaissent ces régions, conséquence de la politique du Développement de l’Ouest adoptée par la Chine à partir de 2000, et du lancement de l’Initiative ceinture et route (BRI) par le président Xi Jinping en 2013.

Le webinaire fut également couvert dans le JT du soir de Pakistan TV , avec un entretien de Sultan M. Hali. Il se déroulait au moment même où le ministre chinois des Affaires étrangères s’entretenait avec son homologue pakistanais, Shah Mahmood Qureshi, dans la province de Hainan, en Chine, au sujet des relations sino-pakistanaises et des développements en cours du Corridor économique Pakistan-Chine (CPEC) l’un des projets les plus importants de l’Initiative ceinture et route.

Voici ci-dessous des extraits des interventions de Christine Bierre et de William Jones.

Christine Bierre : Xinjiang, le développement économique pour éradiquer le terrorisme

« Je tiens tout d’abord à remercier M. Hali de m’avoir invitée à parler du Xinjiang lors de ce webinaire. Nous avons tous deux participé à une tournée très instructive en Chine, en juillet 2019, qui nous a conduits dans la Préfecture autonome tibétaine de Gannan, dans la province du Gansu et dans la Région autonome ouïgoure du Xinjiang, dans le but de nous familiariser avec les politiques chinoises à l’égard des minorités ethniques et religieuses.

C’était dans le contexte des accusations délirantes selon lesquelles la Chine avait emprisonné des millions de Ouïgours dans le Xinjiang. Inspirée par les Etats-Unis une première lettre signée par 22 pays avait été envoyée ce mois-là à l’ONU, demandant une enquête approfondie. Quelques jours plus tard cependant, alors que nous étions en voyage en Chine, 34 autres pays ont envoyé leur propre lettre, rejetant les accusations de la première et soutenant pleinement les politiques anti-terroristes de la Chine dans le Xinjiang.

Depuis, le crescendo des accusations a presque atteint le niveau d’une « drôle de guerre » menée par les Etats-Unis contre ce pays, la Chine étant accusée d’utiliser les Ouïgours comme travailleurs esclaves dans les prisons et même de pratiquer la stérilisation massive des femmes ouïgoures ! Or, qui peut croire ces accusations qui émanent essentiellement du secrétaire d’État américain, « Mike Armageddon [1] Pompeo » ? Dans un discours prononcé le 15 avril 2019 devant les étudiants du campus de l’université A&M du Texas, Pompeo a lui-même avoué que lorsqu’il était directeur de la CIA, entre 2017 et 2018, « nous avons menti, nous avons triché et nous avons volé », violant ainsi la devise des cadets de l’Académie de West Point où il avait étudié. Comment croire à de telles accusations de la part d’un pays qui, sous de tels dirigeants, est devenu célèbre pour l’exploitation du travail des prisonniers, payés des salaires de misère, dans des prisons privées à but lucratif cotées à Wall Street ?

Ce que nous avons vu au cours de ce voyage contredisait totalement ces accusations. Aux Instituts de Tibétologie et des Provinces frontalières, à Beijing, on nous présenta la conception fondamentale que la Chine se fait d’elle-même en tant qu’État unifié mais multi-ethnique et multi-religieux. À cet effet, 5 régions autonomes et 30 préfectures autonomes ont été créées où des ethnies minoritaires bénéficient d’avantages par rapport aux Han, tels que des quotas favorables pour accéder aux écoles publiques et aux emplois. Elles ont également été exemptées de la politique de l’« enfant unique ». Dans ce contexte, comme nous avons pu le constater dans le Gansu et le Xinjiang, le patrimoine culturel de ces 56 groupes ethniques différents est soigneusement protégé, tout comme leur pratique religieuse, à condition (comme chez nous en France, d’ailleurs) que ces activités n’aient rien à voir avec le séparatisme, le terrorisme ou l’extrémisme religieux. Le Coran, la Bible et d’autres livres religieux sont rendus accessibles à tous via les bibliothèques et internet, et 20 millions de musulmans pratiquent leur culte dans 39 000 mosquées propres et modernes, entretenues par l’État, dont 25 000 au Xinjiang. C’est aussi le cas pour 100 millions de chrétiens et autant de bouddhistes dans leurs propres lieux de culte.

Dans ces instituts, nous avons également appris que pour le gouvernement chinois, la clé pour gagner la guerre contre le terrorisme, l’extrémisme religieux et le séparatisme, c’est le DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE. « Nous devons éliminer le terreau qui permet aux groupes extrémistes de recruter des gens, et ce terreau, c’est la pauvreté », a martelé le président de l’Institut des États frontaliers.

Le Xinjiang, une zone stratégique

Non seulement le gouvernement chinois ne cherche pas à éliminer la minorité ouïgoure, mais il a lancé des politiques qui apportent un développement considérable au Xinjiang, et plus généralement, à la partie occidentale de la Chine, créant ainsi la base pour résoudre les problèmes sociaux complexes de la pauvreté et de l’intégration ethnique, instrumentalisés par les ennemis de la Chine en Occident depuis le début des années 90.

C’est la politique du « Développement de l’Ouest » adoptée en 2000, visant à réduire le déséquilibre entre les provinces occidentales, qui étaient loin derrière les provinces maritimes en termes de niveau de vie, grâce à une politique d’investissement dirigiste visant à développer la production industrielle, agricole et les infrastructures. Cette politique fut renouvelée à plusieurs reprises depuis lors.

En 2010, un an après les émeutes d’Urumqi, un vaste plan fut lancé dans le Xinjiang, visant à transformer son riche sous-sol (pétrole, gaz, charbon, uranium, or, plomb, platine, etc.) en une véritable force économique, au même titre que l’agriculture (coton, fruits, légumes) et le tourisme. Ce plan prévoyait d’améliorer les infrastructures et les services publics.

En 2013, le président Xi Jinping fit faire un bond en avant à cette politique en lançant l’Initiative ceinture et route, faisant de la province du Xinjiang, avec ses longues frontières avec huit pays (Russie, Mongolie, Inde, Pakistan, Kazakhstan, Kirghizistan, Afghanistan et Tadjikistan), l’avant-poste de sa politique d’ouverture vers le continent eurasiatique.

Ces politiques ont conduit à un développement massif des infrastructures. Au moment où nous écrivons ces lignes, nous apprenons que tout le Xinjiang vient enfin d’avoir accès à l’eau potable ! Un exploit pour cette région de 1,66 million de km2 (1/6e de la Chine), traversée par deux des plus grands déserts de la planète. En matière de transports, une voie express a été construite entre Beijing et Urumqi, capitale du Xinjiang, ainsi qu’un TGV depuis Lanzhou-Xinjiang. D’excellents réseaux routiers modernes ont été développés dans le Gansu et le Xinjiang en particulier, permettant une réelle amélioration du tourisme et du commerce. Rien que dans le Xinjiang, depuis 2013, 111 routes ont été construites pour rallier 5 pays voisins. Trois autres lignes ferroviaires sont en construction et 30 aéroports seront prêts d’ici 2022. Les installations numériques dans toute la région et le paiement par téléphone ont considérablement augmenté le commerce électronique et ouvert des marchés directs entre producteurs et consommateurs à travers toute la Chine.

Selon un rapport publié par le Bureau d’information du Conseil d’État chinois, le PIB du Xinjiang a augmenté de 8,3 % en moyenne annuelle entre 1952 et 2018. La croissance annuelle moyenne du PIB par habitant a été de 5,7 % au cours de la même période. La région est aujourd’hui leader en Chine dans le domaine de la mécanisation agricole et de l’irrigation efficace pour la conservation de l’eau.

Dans ce contexte, toutes les parties du Xinjiang, le nord riche, à majorité Han, tout comme le sud pauvre, peuplé de Ouïgours, bénéficient de la croissance. En 2017, selon le professeur Gao Jianglong de l’Académie des sciences sociales du Xinjiang, 470 000 emplois ont été créés dans les zones urbaines, et 2,7 millions dans les zones rurales. Le revenu par habitant en 2017 était de 30 775 yuans dans les zones urbaines et de 11 045 yuans dans les zones rurales, soit une croissance de 10,1 % dans les zones urbaines et de 9,9 % dans les zones rurales par rapport à 2016.

Une excellente tendance, où subsistent encore, comme le montrent ces statistiques, des différences de niveau de vie entre le sud, plus pauvre, et les régions plus riches du nord, entre zones urbaines et rurales, auxquelles les programmes de réduction de la pauvreté du gouvernement s’attaquent pour venir à bout des tensions ethniques. Ces différences sont dues aux écarts de niveau de compétences entre ces populations. Les politiques ciblées du gouvernement à l’égard des quatre préfectures du sud du Xinjiang ont donné de très bons résultats. Entre 2014 à 2018, elles ont tiré de la pauvreté 2,31 millions de personnes, dont 1,89 million du sud du Xinjiang. L’amélioration du niveau de subsistance est également due au renforcement continu de 9 programmes de protection sociale orientés vers l’emploi, l’éducation, les services médicaux et l’assistance sociale.

Pour conclure, où voit-on, en Occident, des efforts de cette ampleur déployés pour élever le niveau d’une population pauvre ?

William Jones : le développement du Xinjiang et les LaRouche

William Jones, chef du bureau de l’EIR à Washington, est revenu sur le développement de la région, dans le contexte plus vaste des politiques de la Chine envers l’Eurasie, au début des années 1990. Il rappela les contributions d’Helga Zepp-LaRouche et de Lyndon LaRouche, fondateurs de l’Institut Schiller, aux discussions ayant conduit au lancement de l’Initiative ceinture et route, en 2013.

L’Asie centrale n’a pas toujours été « un trou perdu de la civilisation », a-t-il rappelé, en remontant au début du premier millénaire, lorsque « la Chine était plus développée que les pays européens » et que « ses quatre grandes inventions, la boussole, la poudre à canon, l’imprimerie et la fabrication du papier, furent transmises le long du grand axe commercial de l’ancienne Route de la soie qui reliait l’actuel Xinjiang et l’Asie centrale à l’Europe, jetant ainsi les bases du développement de la culture européenne ».

Jones évoqua l’histoire mouvementée de la région au XIXe siècle, sous la pression du Grand Jeu entre la Grande-Bretagne et la Russie. Après la Seconde Guerre mondiale, cependant, la Chine obtint la souveraineté sur le Xinjiang. « En 1954, alors qu’elle était un pays pauvre, en développement, la Chine créa le Corps de production et de construction du Xinjiang (XPCC), une organisation semi-militaire dotée de grandes capacités d’ingénierie, semblable au Corps de génie américain. Son objectif était en partie de protéger les frontières, mais les cadres du XPCC se concentrèrent sur un véritable développement de la région, en mettant l’accent sur le développement agricole.

« Avec la réforme et l’ouverture, en 1979, le développement de la Chine commença à prendre son essor. Plus tard, l’orientation égalitaire du Parti communiste chinois ne pouvait permettre plus longtemps l’augmentation des disparités entre la richesse croissante à l’Est et la pauvreté généralisée à l’Ouest. Cela conduisit le gouvernement chinois à lancer sa politique de "développement occidental", devenue officielle en 2000.

« L’ achèvement de la construction de son chemin de fer vers le Xinjiang, à la fin des années 1980, ouvrit le commerce entre toute la Chine, l’Asie centrale et l’Europe. Ce fut l’origine de ce qui allait devenir le "Pont terrestre eurasiatique", la première liaison ferroviaire est-ouest de l’Atlantique au Pacifique depuis la création du Transsibérien.

« À la même époque, les projections de ce Pont terrestre étaient étudiées par l’économiste et homme d’État Lyndon LaRouche et son épouse Helga Zepp-LaRouche. Lors de la chute de l’Union soviétique, les LaRouche avaient élaboré le concept d’un "triangle productif" Paris-Berlin-Vienne, qui pourrait être développé comme un centre intégré de production et d’exportation, permettant de lancer une vaste modernisation des économies de l’Allemagne et des pays de l’Europe de l’Est, en augmentant leur niveau de productivité plutôt qu’en fermant leurs industries. En 1991, ce programme fut élargi pour inclure le développement de corridors ferroviaires transcontinentaux "en spirale" de la région du Triangle productif vers l’Asie centrale, de l’Est et du Sud.

« Une série de conférences et de discussions entre les collaborateurs de LaRouche et des amis russes et chinois aboutit à la proposition que la Chine organise une conférence sur ce projet. Pour les personnes concernées, il ne s’agissait plus d’un simple réseau de transport, mais plutôt d’un système de connectivité qui transformerait le continent eurasiatique et le monde. Ce vaste projet d’investissement dans les infrastructures permettrait aux pays en développement situés sur son chemin de se libérer de la camisole de force du système financier New York-Londres, de plus en plus spéculatif et en crise, devenu pour la plupart d’entre eux un véritable piège à dette, et leur ouvrirait, au contraire, la voie au développement.

« Si le gouvernement chinois était disposé à organiser une conférence sur le Pont terrestre eurasiatique, déjà surnommé "Nouvelle Route de la soie", il tenait à ce que les nations européennes y participent. Mais au départ, la Commission européenne, qui se posait déjà en arbitre des politiques des nations européennes, n’était pas vraiment enthousiasmée par le projet. En 1995, cependant, elle accepta d’envoyer un représentant à une conférence à Beijing. En 1996, la conférence s’est donc tenue sous les auspices du ministère chinois de la Science et de la Technologie, avec la participation d’Helga Zepp-LaRouche, ainsi que de Sir Leon Brittan, de la Commission européenne, dont l’enthousiasme était, pour le moins, limité [2]...

« Le projet commença à apporter une certaine prospérité à la région occidentale de la Chine, et notamment au Xinjiang, avec une augmentation des investissements étrangers. Mais lorsqu’en 2013, le président Xi Jinping annonça solennellement que la Ceinture économique de la route de la soie devenait le principal objectif du programme du gouvernement chinois, il devint clair que le projet serait conduit à marche forcée. L’effet sur l’économie du Xinjiang fut époustouflant. La capitale Ürümqi fut désignée comme région centrale de l’Initiative ceinture et route, et quiconque l’a visitée récemment a pu voir la ville transformée en une métropole en plein développement. »


[1(1) Les évangélistes chrétiens, dont M. Pompeo fait partie, croient au combat final (Armageddon) entre le bien et le mal qui précédera la deuxième venue du Christ.

[2Thèse reprise par M. Remi Perelman, dans Asie21