Premier tour des municipales et Covid-19 : Cheminade avait raison...

mercredi 17 juin 2020, par Karel Vereycken

Alors qu’en raison du Covid-19, le gouvernement vient d’annoncer le report du second tour des municipales en Guyane (mais pas à Mayotte), une récente étude de trois économistes confirme, ville par ville, un lien direct entre participation plus élevée au scrutin du premier tour, et taux de mortalité. De quoi donner raison (une fois de plus) à Jacques Cheminade...

Le 11 mars, dans un communiqué, Jacques Cheminade, président de Solidarité & Progrès, demanda le report du premier tour des élections municipales. A cette date, l’ancien candidat aux élections présidentielles était la seule personnalité politique du pays à formuler une telle demande.

Selon lui, organiser ce scrutin, alors que la pandémie se répandait sur l’ensemble du territoire était non seulement dangereux, mais dans un sens, une atteinte aux droit de vote des électeurs.

Dangereux d’abord, car ni les instances organisatrices ni les électeurs ne disposaient des équipements de protection nécessaires pour accomplir leur devoir électoral. Ainsi, organiser, dans de telles conditions, ce tel scrutin, revenait en réalité à bafouer le droit élémentaire qui garantit aux citoyens de pouvoir s’exprimer « librement » dans les urnes.

Avec une élection organisée sous de telles contraintes, les candidats n’ont pu échanger pleinement avec les électeurs ni sur les marchés, ni lors de grandes réunions, ni lors des porte-à-porte traditionnels. Si on ajoute à cela, et comme cela était prévisible, qu’une partie des électeurs, par crainte d’une contamination éventuelle au Covid-19, allait renoncer à se rendre aux urnes, il était clair que la légitimité des résultats à ces élections municipales ne pouvait que faire cruellement défaut.

Mais, l’intérêt des partis politiques prévalant sur celui du peuple, les élections municipales furent bel et bien organisées le 15 mars, c’est-à-dire à la veille du début officiel du confinement.

La débâcle du premier tour confirmée par les faits

Déjà, les résultats sont en eux-mêmes plus que parlants. Le taux de participation n’était que de 44,66, soit une baisse de 19,89 % par rapport au scrutin de 2014 ! Ensuite, rapidement, des milliers de candidats ont déposé des recours demandant l’annulation du scrutin.

Mais voilà qu’aujourd’hui (comme le relate l’hebdomadaire Marianne), une étude en anglais placée en consultation libre sur le site de l’IZA (un institut économique allemand) écrit :

Simone Bertoli, Lucas Guichard et Francesca Marchetta, trois chercheurs en économie du CNRS de l’Université Clermont-Auvergne, viennent de publier une étude sur le lien entre l’organisation du premier tour des municipales, le 15 mars, et le taux de mortalité du Covid-19. Leur conclusion va à rebours de celle d’une précédente enquête : selon ces économistes, le scrutin a généré des milliers de morts.

Les auteurs constatent un lien direct entre une plus forte participation au scrutin et le taux de mortalité ville par ville. « Les résultats révèlent qu’un taux de participation plus élevé a été associé à un nombre de décès significativement plus élevé chez les personnes âgées dans les cinq semaines suivant les élections », écrivent-ils.

Ils concluent que l’épidémie aurait été encore plus ravageuse si l’abstention avait été moindre : « Si le taux de participation historiquement bas en 2020 avait atteint son niveau de 2014, le nombre de décès aurait été supérieur de 21,8% à celui qui a été enregistré. Plus des trois quarts de ces décès supplémentaires auraient été chez les personnes de 80 ans et plus (…) Si les Français s’étaient déplacés en 2020 comme ils l’avaient fait en 2014, près de 5.000 morts supplémentaires auraient été comptabilisés (le travail porte sur un territoire totalisant 62 % de la population et sur lequel on dénombre 24 000 décès) », estiment les auteurs.

S’ils ne s’engagent pas sur la voie périlleuse de l’estimation du nombre de morts générés par le premier tour, la causalité identifiée permet à Simone Bertoli d’assurer à Marianne « que la tenue du premier tour a induit plusieurs milliers de morts supplémentaires ».

L’étude a immédiatement suscité des fortes inquiétudes en haut lieu et six universitaires ont critiqué la méthodologie employée. Le 15 mai, un article du Monde, bien que titrant : « Municipales : le premier tour du scrutin n’aurait pas contribué statistiquement à la propagation du Covid-19 », avouait pourtant que tel a bien été le cas.

D’ailleurs : « l’équipe à l’origine de l’étude a soumis sa première analyse, début mai, au statisticien Marc Lavielle, professeur à l’Ecole polytechnique et chercheur à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria). Sceptique sur la méthodologie initiale employée, M. Lavielle a proposé une technique d’analyse statistique alternative, modélisant l’évolution du taux d’hospitalisation en tenant compte de la variabilité entre départements. Cette autre manière de traiter le problème n’a pas conduit à des résultats très différents, mais elle a été considérée comme plus robuste par les initiateurs de l’étude, qui ont finalement associé M. Lavielle à leur travail ».

La publication de Simone Bertoli, Lucas Guichard et Francesca Marchetta se conclut par un avertissement qui n’est pas sans rappeler celui lancé le 11 mars par Jacques Cheminade :

Les gouvernements européens doivent être prudents sur le maintien des élections locales ou nationales dans les prochains mois au cas où l’épidémie de Covid-19 reprendrait.