Ne laissons pas l’écologie dévoyée confisquer le « monde d’après »

jeudi 16 avril 2020

Chronique stratégique du 16 avril 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Tout est bon pour coopter le débat sur la nécessaire mise à plat du système ultralibéral ; y compris une fausse écologie pétrie de bons sentiments envers Mère Gaïa.

Comme lors de la crise de 2007-2008, la pandémie de Covid-19 met au jour la grande fragilité d’un système mondialisé dominé par une finance prédatrice dérégulée et des processus économiques gangrenés par la maximalisation des profits. Mais elle le fait avec une puissance décuplée, puisque cette fois-ci la vie humaine se trouve directement menacée, faisant apparaître brutalement à la lumière les conséquences criminelles de la logique financière appliquée au secteur de la santé publique.

Le vieux paradigme à l’assaut du nouveau

« Plus jamais ça ! » dit-on partout, avec résolution. Plus rien ne sera jamais plus comme avant. Promis, le « jour d’après », l’austérité budgétaire sera bannie, la production industrielle relocalisée, des grandes entreprises nationalisées, la finance muselée, et les dettes du Tiers-monde annulées...

Oubliant qu’avant de pouvoir renaître, il faut déjà mourir, nombreux sont ceux qui se précipitent comme des chiens sur un os sur le « monde d’après », devenu en quelques semaines un véritable mantra. Mais, faute de stratégie pour nous libérer de la dictature financière et définir un nouvel ordre économique mondial, les vieilles lubies se substituent rapidement au débat. Et, au fur et à mesure, à l’insu de la majorité des esprits confinés, l’on glisse d’une dénonciation des conséquences criminelles de l’austérité à une éloge de la « sobriété carbone », pour reprendre l’expression d’Emmanuel Macron le 13 avril.

L’initiative du « Collectif du jour d’après » en est emblématique. Lancée le 4 avril par une soixantaine de parlementaires, à l’initiative des députés LREM, elle met à disposition des citoyens une plate-forme de consultation sur tous les thèmes – classés comme de jolis dossiers de bureau – du fameux « monde d’après ». Les élus, qui relèguent la question financière au onzième et dernier thème, se félicitent de constater que le confinement nous fait expérimenter un moment « où notre consommation est limitée au stricte nécessaire », et où « notre empreinte carbone diminue durablement ». Il fallait oser.

D’un autre côté, quinze organisations syndicales, associatives et environnementales, dont Attac, les Amis de la Terre, la Confédération paysanne, la CGT, Greenpeace et Oxfam, ont lancé une pétition pour un « jour d’après écologique, féministe et social ». Plus précis sur les mesures d’urgence et de long terme à mettre en œuvre, ils échouent à présenter un véritable plan de bataille contre l’ordre oligarchique de Wall Street et de la City de Londres, et donne l’impression d’un plat réchauffé par une vieille gauche désabusée.

Outre-Rhin, les Grünen (les Verts) — donnant raison au dicton : « si le seul outil que vous avez est un marteau, vous tendez à voir tout problème comme un clou » — ont appelé au Bundestag à la sortie complète du nucléaire d’ici la fin de l’année, c’est-à-dire deux ans avant l’agenda prévu, arguant que la pandémie (une punition divine ?) souligne la nécessité de prendre des mesures extraordinaires de prévention des catastrophes. Peut-être ont-ils l’intention de fournir en électricité les 28 000 lits de réanimation dont dispose encore l’Allemagne en pédalant sur leur vélo ?

« Après le drame humain que nous vivons, viendra le temps de réparer ses dégâts sociaux et économiques », y va de son coté Laurence Tubiana, coprésidente du comité de gouvernance de la Convention et architecte de l’Accord de Paris (COP21). « En travaillant à une contribution civique à l’effort national de réponse à la crise, la Convention témoigne de l’intérêt d’ouvrir une réflexion collective large de nos sociétés sur leur devenir », ajoute la patronne de l’influente European Climate Foundation (ECF), un lobby transatlantique financé par des milliardaires aussi verts que les billets qu’ils font pleuvoir sur les mouvements écologistes.

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Pessimisme vert

Les médias, qui continuent d’appliquer la loi de l’omerta à Jacques Cheminade, permettent aux effondristes et autres oiseaux de mauvais augure de déverser partout leur bile misanthrope. Ainsi, l’essayiste décroissant Antoine Bueno affirme dans l’Express que « le coronavirus est une aubaine pour la planète, car, quand les hommes souffrent, la planète souffle » ; Nicolas Hulot voit dans cette crise sanitaire « une sorte d’ultimatum de la nature lancé aux hommes » ; et, dans une tribune parue dans Libération sous le titre « Gaïa vit son moment #MeToo », le professeur d’université Alain Deneault écrit que « il ressort de tout cela, enfin, une halte salvatrice ».

Et, preuve que cette pensée empreigne toute l’élite elle-même, Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne, qui considère comme « totalement impensable » l’annulation des dettes, se laisse aller à un commentaire sur les origines supposées du Covid-19 : « Aujourd’hui, ce qu’on constate, c’est que la manière dont on n’a pas suffisamment respecté la biodiversité, la manière dont on n’a pas suffisamment respecté l’environnement, est en train de nous revenir en boomerang dans la figure. Ce n’est pas tout à fait étonnant que l’origine de cette maladie soit animale et soit liée à la transmission de ce virus de l’animal à l’humain », a-t-elle déclaré le 9 avril sur France inter.

Pour Vincent Mignerot, chercheur indépendant spécialiste en collapsologie, ce pseudo-naturalisme à tendance mystique tient du « récit cathartique » [du mot grec catharsis = purification].

Ces individus prêtent une volonté, une conscience à la nature et invisibilisent la souffrance des peuples, voire les morts, note-t-il, d’après le magazine Marianne. Quand on l’idéalise, on se tourne vers elle, et lorsqu’on estime qu’elle nous punit, on se venge de manière inconsciente. Il s’agit d’un récit biblique ancré dans notre inconscient : ainsi, la responsabilité de la trahison d’Adam et Eve incombe au serpent.

Écologie créatrice

Cette fausse écologie a en commun avec le libéralisme financier « l’idée que le monde est composé de ressources limitées et que les êtres humains doivent donc réduire leur consommation et leur reproduction pour s’adapter à cet état des choses », comme l’écrit Jacques Cheminade dans son texte « Principes d’un combat pour la France et pour l’humanité », publié le 13 avril.

Les forces financières ne sont pas gênées par cet écologisme-là, elles considèrent au contraire qu’il leur ouvre un nouveau domaine de contrôle des esprits en promouvant un pessimisme culturel et un retrait entropique sur le local conduisant à l’impuissance politique des populations et au chaos.

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L’être humain se caractérise par sa capacité créatrice, celle d’être en accord avec la loi naturelle de développement et d’expansion universelle. Il élève à l’état de ressource ce qui auparavant était soit un déchet, soit un élément intégré à un niveau moins élevé d’utilité dans sa vie. Il y parvient en découvrant un principe dont il ignorait jusque là l’existence, écrit Cheminade, rappelant les paroles d’Einstein sur le fait qu’une véritable découverte implique un mode de pensée différent de celui qui les a engendré.

Le New Deal vert : Sortir du piège de la finance verte 30 €, 150 pages, publié par Solidarité & Progrès. Pour commander : en ligne ou 01 76 69 14 50 ou ns.abonnements@solidariteetprogres.org

Pour y voir plus clair, cher lecteur confiné, c’est le moment de vous procurer notre nouveau dossier : « Le New Deal Vert » (ci-contre) et surtout de vous inscrire pour pleinement participer à la grande visio-conférence organisée par l’Institut Schiller le 25 et 26 avril. Car la pandémie de Covid-19 nous jette le défi d’établir un nouveau paradigme, dans lequel l’humanité, libérée de la finance prédatrice, doit s’organiser pour protéger son environnement proche comme son environnement mondial. Ce qui ne peut être fait que du point de vue d’un développement et d’une écologie créatrice, en donnant à chaque pays du monde les moyens de faire un pas vers le futur avec les formes de productivité les plus avancées, qui permettent d’appliquer un principe de moindre action dans le développement de l’univers.

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