Vaccin contre le coronavirus : où en est-on ?

vendredi 10 avril 2020, par Agnès Farkas

Face à l’accélération de la pandémie de SARS-CoV2, tous les laboratoires du monde, aux Etats-Unis, en Chine, en Corée du Sud, en France, etc., cherchent le fameux vaccin. Où en est-on ?

Les coronavirus : la carte d’identité

Les coronavirus sont une famille regroupant différents virus qui touchent de nombreuses espèces de mammifères et d’oiseaux. Si ces zoonoses se cantonnent souvent à l’animal, certaines d’entre elles peuvent se transmettre à l’homme. Les symptômes des maladies par coronavirus transmises à l’homme vont de la forme bénigne, un simple rhume et un nez qui coule, à des formes épidémiques plus graves comme le SRAS, le MERS ou le Covid-19, pouvant entraîner la mort par insuffisance respiratoire (dans 2 à 3 % des cas cliniques pour le Covid-19).

Ce virus est un grand voyageur qui peut mettre des années avant de choisir son foyer épidémique. Le fait qu’il se soit établi en Chine en provoquant la pandémie actuelle, ne signifie aucunement qu’il n’ait pas touché d’autres endroits de la planète où les foyers épidémiques se sont éteints, soit faute d’un nombre critique d’individus à atteindre pour faciliter une contamination plus vaste (région peu peuplée…), soit parce qu’il n’a pu acquérir un degré de virulence suffisant et n’a provoqué que des stades bénins de la maladie, ce qui fait qu’il est passé inaperçu — d’où le besoin de surveiller, en amont, le développement des zoonoses en général et des coronavirus aujourd’hui.

Il est donc indispensable d’identifier le bassin du virus et de l’isoler pour produire un vaccin. Comme toutes les zoonoses, le virus SARS-CoV2 (initialement identifié comme Covid-19) a dû franchir la barrière inter-espèces. Son hôte est une espèce de chauve-souris qui a infecté un mammifère ; le virus subit alors une mutation lui permettant de se transmettre à l’homme. Les scientifiques supposent que le SARS pourrait sévir, à l’avenir, dans une mutation saisonnière comme la grippe et les laboratoires travaillent à marche forcée sur la découverte d’un vaccin.

A ce jour, La Chine, les Etats-Unis, la Corée du Sud, la France et d’autres pays testent des vaccins contre le nouveau coronavirus. Toutes ces équipes de chercheurs savent cependant que la mise au point d’un vaccin ne permettra pas d’enrayer l’épidémie actuelle. De plus, une fois le vaccin découvert, il faudra tout d’abord le tester sur des animaux, puis sur des humains, et ensuite compter entre 6 et 36 mois pour la production, le conditionnement et la livraison aux différents pays, qui devront aussi effectuer des contrôles de qualité. Une véritable angoisse pour ces équipes de scientifiques pour qui le temps presse car le virus fait des ravages.

Vaccin : survol des efforts en cours

De nombreux pays ont engagé une recherche sur plusieurs possibilités de vaccins. La liste qui suit n’est pas exhaustive mais tend à démontrer une dynamique et une collaboration internationale :

  • Depuis janvier 2020, le Centre international des vaccins (VIDO-InterVac) de l’Université de la Saskatchewan, au Canada, travaille sur un vaccin qu’il a testé sur des animaux en mars 2020 et finalisera les tests sur les humains en 2021.
  • Plusieurs laboratoires aux Etats-Unis ont annoncé qu’ils travaillaient sur un vaccin, dont l’Université de Washington à St. Louis, l’US Army Medical Research and Materiel Command à Fort Detrick et le Walter Reed Army Institute of Research à Silver Spring, dans le Maryland. Emergent Biosolutions s’est associé à Novavax Inc., annonçant un essai clinique de phase I d’ici juillet 2020. De plus, un partenariat est en cours entre la société pharmaceutique américaine Pfizer et la société allemande BioNTech pour développer conjointement un vaccin à base d’ARNm.
  • Le 20 mars, la Russie a commencé des tests sur animaux avec six vaccins candidats différents, qui seront testés sur des furets et des primates. L’Inde n’est pas en reste, selon le ministère indien de la Santé : ses chercheurs travaillent sur des candidats vaccins.
  • Selon French.xinhuanet.com, les experts médicaux militaires de la Chine n’ont pas perdu de temps pour intensifier la recherche sur les vaccins. En effet, le 19 mars, après des tests convaincants sur des souris, 108 personnes ont reçu une première injection d’un vaccin à Wuhan, premier foyer connu de l’épidémie. Ces volontaires seront suivis pendant six mois. Forte de ses découvertes, la Chine a partagé avec le monde entier le séquençage complet du génome du nouveau coronavirus que les laboratoires ont identifié, en vue d’une coopération internationale sur la découverte d’un vaccin. Lors d’une conférence de presse, le vice-ministre des Sciences et Technologies, Xu Nanping, a déclaré l’ouverture d’une coopération entre entreprises chinoises et internationales dans cinq approches différentes en vue de développer des vaccins. Un bel exemple d’humanisme.

Quid du vaccin contre le coronavirus en France ?

Actuellement, 300 hôpitaux et 900 laboratoires sont mobilisés en Europe sur la mise au point d’un vaccin contre le coronavirus, la Commission européenne leur a alloué un budget de 10 millions d’euros…

Depuis fin mars, divers pays (France, Allemagne, Pays-Bas, Australie) effectuent des essais cliniques afin de tester les propriétés immunologiques du vaccin antituberculeux, le BCG. Une force opérationnelle a été mise en place au sein de l’Institut Pasteur en France, qui connaît la séquence du génome du virus depuis plusieurs semaines. Selon le directeur scientifique de l’Institut Pasteur, le Pr Christophe d’Enfert, certains chercheurs poussent leurs expériences à partir du vaccin contre la rougeole, qui appartient à la même famille de virus que le coronavirus SARS-CoV-2, pour faire leurs premiers essais.

Comme le précise Vincent Enouf, directeur adjoint du centre de référence des virus respiratoires de l’Institut Pasteur : « On utilise le squelette de la rougeole pour faire un vaccin contre le coronavirus. On va utiliser les capacités naturelles du virus à aller à certains endroits, à propager une information qui permettra de stimuler votre système immunitaire et de le stimuler contre le coronavirus. » Ce vaccin vivant atténué a en effet déjà montré des résultats intéressants contre d’autres infections respiratoires et pourrait être un atout contre le Covid-19. Les chercheurs pourront ainsi obtenir un dérivé de vaccin que tous les pays du monde savent produire.

Après des résultats probants, les chercheurs de l’Institut Pasteur ont testé, mi-mars, des prototypes de plusieurs vaccins sur des souris« Les tests vont durer un mois, un mois et demi : on vaccine des souris, ensuite, on leur prend régulièrement du sang pour voir si elles ont fait des anticorps contre le vaccin. Si elles ont fait des anticorps, on les infecte avec le coronavirus et on voit si elles résistent », précise un chercheur de l’Institut.

L’utilité des vaccins déjà connus

Les campagnes des mouvements anti-vaccination ont des conséquences dramatiques, provoquant la résurgence de maladies dues aux virus de la rougeole, de la polio et de la tuberculose, considérées jusque-là comme éradiquées dans les pays occidentaux. Aux Etats-Unis (cf. carte ci-dessous), où la population a majoritairement refusé la vaccination contre ces maladies, on déplore le plus fort taux de contamination et de décès, après les pays européens. De ce fait, les chercheurs ont émis l’hypothèse que les pays ayant une bonne protection vaccinale contre ces virus avaient plus de résistance et moins de cas, proportionnellement, en stade2 du CoVid-19.

Les dégâts causés par la campagne anti-vaccination
On peut constater sur ces deux cartes que les cas de contamination par la rougeole, la polio et la tuberculose aux Etats-Unis et en Angleterre sont encore plus nombreux que dans le reste de l’Occident. Les campagnes des Antivax en sont la cause. Source image : https://trustmyscience.com/carte-interactive-mondiale-resume-degats-causes-par-mouvement-anti-vaccination/
Trust my science

Rappelons que l’immunité innée est la première à s’activer en cas d’infection, et que des études épidémiologiques démontrent un effet protecteur non spécifique contre les infections, en particulier respiratoires, de vaccins vivants comme le BCG, le vaccin contre la rougeole ou encore le vaccin oral contre la polio. Les chercheurs ont constaté depuis longtemps que ces vaccins, produits à partir de virus vivants atténués, avaient des effets bénéfiques sur certaines infections virales et augmenteraient les défenses immunitaires naturelles des individus vaccinés. Par exemple, le vaccin anti-tuberculeux induirait ainsi une « immunité innée entraînée ».

L’idée est alors venue de tester le vaccin du BCG dans une possible diminution de la virulence de l’infection au CoVid-19 en stimulant la mémoire de cette immunité innée. De plus ce vaccin a un coût de production modique : « Le vaccin BCG est très bien connu (plus de 3 milliards de personnes vaccinées dans le monde) ; beaucoup de données existent et ses contre-indications (immunodéficience notamment) sont peu nombreuses et bien identifiées. Enfin, il s’agit d’un des vaccins les moins chers au monde » (Presse-Inserm, 1er avril 2020). Une alternative possible en attendant de mettre à disposition un vaccin contre le coronavirus.

Ce vaccin étant reconnu depuis des dizaines d’années, on peut immédiatement installer des protocoles d’essais cliniques randomisés. D’abord prévus sur la base du volontariat chez les personnels soignants à forte exposition aux malades, ils auront pour objectif d’évaluer l’efficacité du vaccin BCG contre le Covid-19. Déjà 1000 personnes aux Pays-Bas et 4000 en Australie ont reçu le vaccin. Selon le service de presse de l’Inserm, Camille Locht, directeur de recherche Inserm à l’institut Pasteur de Lille, prépare la mise en place d’un « essai clinique français en double aveugle dans une collaboration avec l’Espagne, qui mène également des recherches sur un projet de ce type, [qui] pourrait permettre de comparer à grande échelle les bénéfices de la vaccination au BCG à un placebo commun aux deux pays ».

Conclusion

Cette mobilisation des laboratoires de recherche médicale offre un bon exemple d’une collaboration internationale pour l’avenir de l’humanité. C’est une occasion unique de sortir des guerres issues des esprits pervers de la géopolitique britannique et de leurs valets néo-conservateurs américains.
C’est en unissant les efforts de tous les pays dans un projet mondial commun de politique de santé publique que nous pourrons assurer ensemble l’avenir de l’humanité.

Quand la spéculation s’en mêle

Dans une approche à but lucratif, une start-up basée à Boston, aux Etats-Unis, a lancé une campagne vaccinale soutenue par les marchés financiers. Le 16 mars, les Instituts nationaux de la santé (NIH) ont annoncé l’essai de vaccin de Moderna Therapeutics. Contre toute éthique scientifique, le vaccin ARNm-1273 est testé directement sur 45 volontaires aux Etats-Unis, sans passer par des essais sur l’animal.

Dans une course spéculative au traitement, il a été développé en 23 jours dans un laboratoire de biotechnologie, basé sur l’ARN messager et non sur la technique traditionnelle du vaccin, qui consiste à injecter un virus inactivé ou atténué pour que le corps apprenne à s’en défendre. Si ses activités spéculatives pèsent déjà en bourse, ses résultats biologiques sur les 45 cobayes humains ne seront pas connus avant 12 ou 13 mois. En espérant qu’ils ne seront pas toxiques. (Voir ici)