Covid-19 : les sanctions américaines contre l’Iran empirent la pandémie

lundi 23 mars 2020

Chronique stratégique du 23 mars 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Les faucons de l’administration Trump semblent immunisés contre le sentiment d’empathie qui caractérise normalement les êtres humains. Le danger est d’autant plus grand que la chute des prix du pétrole et l’implosion en cours de la bulle financière les pousse à se précipiter dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient.

L’apparition du coronavirus exacerbe la triple crise engendrée par la folie financière des quatre dernières décennies : crise financière, crise économique – dont la crise sanitaire est le symptôme – et crise stratégique. Rappelons qu’en 1995, lors de sa première campagne présidentielle, Jacques Cheminade avait prévenu que la bulle spéculative, qu’il qualifiait de « cancer financier », conduirait à l’éclatement des bulles et à une grave crise mondiale, avec un danger de guerre.

A l’heure actuelle, on estime qu’avec le corona-krach, quelques 37000 milliards de dollars se sont « évaporés ». A cela s’ajoute le fait que la chute des prix du pétrole sur les marchés internationaux, résultat combiné du ralentissement en février de l’économie chinoise et de la guerre des prix que se livrent la Russie et l’Arabie Saoudite, menace de conduire à la ruine une industrie du gaz et du pétrole de schiste aux États-Unis dépendante de prix élevés. Déjà, des dizaines de milliers de travailleurs se retrouvent sur la paille au Texas, sous l’effet du ralentissement de l’activité des sociétés d’extraction.

Bêtise géopolitique

Dans ce contexte, les néocons de l’administration Trump, et en particulier le « chrétien évangéliste » Mike Pompeo, démontrent que, pandémie de coronavirus ou pas, il n’est pas question pour eux d’abandonner leurs dogmes géopolitiques. Quelques jours seulement après que la Chine et d’autres pays ont prié les États-Unis de lever les sanctions contre l’Iran, en raison du désastre humanitaire actuel (l’Iran est le troisième pays le plus touché par la pandémie), le Département d’État américain a annoncé le 17 mars de nouvelles sanctions contre la République islamique, plaçant sur une liste noire neuf entreprises basées en Afrique du Sud, à Hong-Kong et en Chine, ainsi que plusieurs personnalités iraniennes, impliquées dans des « transactions commerciales importantes » avec l’industrie pétrochimique iranienne. Le but explicite de ces nouvelles sanctions est de « priver le régime des revenus essentiels de son industrie pétrochimique et d’accroître l’isolement économique et diplomatique de l’Iran », comme l’a expliqué un communiqué du Département d’État.

Réagissant à cette annonce, le ministre iranien des Affaires étrangères Javad Zarif a affirmé le 18 mars qu’en agissant ainsi, les États-Unis se rendent responsables des « ramifications destructrices » des sanctions unilatérales agressives contre l’Iran, tandis que le monde lutte contre l’épidémie de coronavirus. « Même au milieu de cette pandémie, le gouvernement américain a refusé, dans un esprit revanchard, d’alléger ses punitions illégitimes, nous rendant quasiment impossible l’achat de médicaments et de matériel médical », a déclaré Zarif.

Mike Pompeo a également concentré ses provocations sur la Russie, accusant cette dernière d’avoir tué « des douzaines de soldats turcs » dans la province d’Idlib, en Syrie. Face à ces nouvelles accusations, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a dénoncé les « infox » diffusées sans vergogne par le Département d’État américain dans le contexte d’une pandémie mondiale. Rappelant que ce sont les États-Unis qui ont alimenté le conflit en Syrie, en soutenant activement les groupes engagé dans la guerre contre le gouvernement syrien, Lavrov a souligné que la Russie et la Turquie essayent au contraire « d’amener la paix dans la province syrienne d’Idlib », ajoutant que ces provocations américaines « montrent une fois de plus que les États-Unis veulent que la guerre en Syrie se poursuive ».

« Les membres d’un même corps »

Le 20 mars, le président iranien Rohani a écrit une lettre à l’intention des citoyens américains, pour leur demander de revenir à la raison et de faire pression sur leurs dirigeants afin de sortir de cette logique folle. Citant le poète national iranien Sa’adi – « Les enfants d’Adam sont les membres d’un même corps » —, Rohani écrit :

Au nom de la justice et de l’humanité, je m’adresse à vos consciences et à vos âmes divines et vous appelle à convaincre votre administration et votre Congrès sur le fait que la politique de sanctions et de pressions n’a jamais fonctionné, et qu’elle ne fonctionnera jamais. (…) Tout acteur hostile cherchant à saper le système de santé de l’Iran et à restreindre les ressources financières nécessaires à la résolutions de cette crise, portera atteinte à la lutte mondiale contre la pandémie.

Espérons que le président Trump ne cédera pas aux pressions des faucons de son administration, comme il l’avait fait en autorisant le 3 janvier dernier l’assassinat du général iranien Soleimani à Bagdad. Le 19 mars, NBC News rapportait, en s’appuyant sur des sources anonymes au sein de l’administration, que Trump a déclaré auprès de son équipe du Conseil de sécurité nationale qu’une frappe militaire contre l’Iran, en réponse aux nouvelles attaques contre les soldats américains en Irak, n’était pas souhaitable dans le contexte de la pandémie.

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