Le libéralisme est mort, vivement le retour du crédit public !

samedi 1er février 2020

Chronique stratégique du 1er février 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Notre pays est en pleine ébullition. La mobilisation contre la réforme des retraites dure depuis plus de 50 jours, un record historique. Tandis que la grève des cheminots et des agents de la RATP semble toucher à sa fin, de nouveaux modes d’action apparaissent partout, plus créatifs les uns que les autres, montrant que les Français ont encore des ressources pour ne pas se laisser entraîner dans le piège de la violence ou de la soumission. C’est bien le propre d’un ferment de grève de masse, qui dépasse les syndicats et partis politiques établis, et qu’il nous faut nourrir et organiser autour d’un projet de reconstruction économique.

En dehors des clous

La marmite censée enfermer et contenir le bouillonnement social se met aujourd’hui à fuir de toutes parts ; le cordon syndical et politique se trouve ainsi dépassé par d’innombrables actions ponctuelles, dans lesquelles apparaissent, comme on a pu le voir en Algérie, une solidarité, une camaraderie, un humour et une inventivité qui donnent toutes les raisons de jeter son pessimisme aux ordures et de se mobiliser à son tour.

Partout en France, les avocats mobilisés contre la réforme des retraites rivalisent d’inventivité. Le 8 janvier, ils ont jeté leurs robes aux pieds de Nicole Belloubet, au ministère de la Justice. À Caen, ils ont rejoué la Liberté guidant le peuple de Delacroix, en chantant la Marseillaise ; sur le parvis du tribunal de Bobigny, une cinquantaine d’entre eux ont fait un haka, avec la même rage que les All Blacks. Dans le sillage des avocats, les médecins de l’hôpital Saint Louis du XXe arrondissement de Paris ont jeté leurs blouses blanches, le 14 janvier. À Pontoise, hospitaliers et avocats se sont réunis devant le Palais de Justice, échangeant leurs robes noires et leurs blouses blanches.

Les égoutiers, dont l’espérance vie est 17 ans en-dessous de la moyenne, ont déposé leurs cuissardes et bleus de travail devant le ministère de l’Économie et des Finances, le 22 janvier, pour s’opposer contre une réforme qui les fera « crever au boulot ». Deux jours plus tard, les fonctionnaires de l’administration fiscale ont jeté leurs codes des impôts au pied de la Direction des finances publiques, en protestation contre la réforme des retraites et contre la suppression de 183 postes. Dimanche 26 janvier, les grévistes d’EDF ont mis à l’arrêt l’un des quatre réacteurs de la centrale du Bugey. Plus de 260 agents, sur les 1400 employés sur la site de la centrale, ont participé à cette action. Dans le Massif Central, des agents de la Direction interdépartementale des routes (DIR) ont occupé le siège de Clermont-Ferrand, le 28 janvier, également contre la réforme et la suppression d’effectifs qui résulterait de la fin du service actif.

Les 23 et 29 janvier, des dizaines de descentes aux flambeaux contre la retraite à points se sont organisées à Paris, Lyon, Dijon, Rouen, Metz, Carcassonne, Lille, Nantes, Rennes, Bordeaux, Strasbourg, Cholet, Pontivy, etc. À Nantes, un enfant de dix ans portait une pancarte illuminée par une guirlande, où l’on pouvait lire : « Le monde est construit par des gens en salopette et détruit par des gens en cravate ».

Lors de la manifestation du 24 janvier,
Solidarité & Progrès, qui participe au mouvement depuis le 5 janvier afin de porter les revendications au niveau des causes, a mis en scène la reprise en main de la Banque de France : revêtant les déguisements des braqueurs de la série Netflix Casa de papel, ils ont distribué aux passants et manifestants un faux billet de banque sur lequel il était inscrit : « Les peuples n’ont aucun compte à rendre aux marchés financiers. Reprenons le contrôle de la Banque de France ! De l’argent pour le travail, la recherche, la santé, l’éducation, etc » – jusqu’à ce qu’une bande de nervis, composés de membres du syndicat Sud-Solidaires et de soi-disant « anti-fascistes », ne vienne les agresser, détruisant le matériel et leur crachant au visage, en idiots utiles de l’oligarchie financière.

Dénis de peuple

Bien entendu, toutes ces actions et l’esprit qui les accompagnent ne peuvent entrer dans l’équation des bien pensants, qui n’ont d’autres mots à la bouche que la violence et le « déni de démocratie ». Ils oublient qu’Emmanuel Macron n’a été élu président qu’avec une majorité relative de 43,63% des voix et qu’au lieu de tenir compte de tous les abstentionnistes et de tous ceux qui ont voté blanc ou nul, il tente d’utiliser les pouvoirs de la présidence pour imposer une réforme qui est rejetée par 60% des Français. De quel côté est donc la violence et le déni démocratie ? Pendant combien de temps lui et ses semblables cacheront-ils leur trouille du peuple derrière leurs grandes déclarations de principe, avant de se rendre compte que les quarante ans d’ultralibéralisme sans foi ni loi, qu’ils ont regardé, voire aidé à se mettre en place, ont totalement vidé le mot « démocratie » de sa substance ?

Quel meilleur aveu aussi que la fameuse « circulaire Castaner » du 10 décembre, qui prévoit de zapper littéralement la moitié des électeurs ? En effet, les communes de moins de 9000 habitants (au lieu de 1000 jusqu’à maintenant) seront exclues des nuances politiques attribuées par les préfectures, de telle sorte que le vote de 48 % des électeurs ne sera pas pris en compte dans le calcul des scores électoraux nationaux par nuance, que le ministère de l’Intérieur publie quand l’intégralité des bulletins est dépouillée. Façon de gommer l’inexistence de LREM dans une grande partie du territoire, en dehors bien sûr, des métropoles !

Ainsi, alors que des millions de français ont été progressivement mis au rebut par la mondialisation financière, la désindustrialisation, la hausse du coût de la vie et le chômage de masse, aidés par les statistiques tronquées de l’INSEE, voilà que l’on tente d’effacer leur existence électorale !

La « souveraineté du peuple » passe par une vraie Banque nationale

Le costume de héraut de la démocratie face aux « populismes », que Macron a voulu se tailler depuis son élection, apparaît désormais bien ridicule. Aujourd’hui, seules les classes supérieures – soit 10-15 % de la population – s’accrochent encore à cette chimère, terrorisées par le « vide » qui se trouve derrière. Et comment ne pas rire en entendant le président français, sophiste parmi les sophistes, le regard tourné vers Vladimir Poutine, défendre « la souveraineté du peuple » et fustiger les « régimes illibéraux », alors que plus des deux tiers de la population russe continuent de soutenir leur président ?

Toutefois, Emmanuel Macron n’est que le serviteur de luxe d’un empire financier en banqueroute, qui tente désespérément de prolonger son espérance de vie, en renflouant les bulles et en maintenant les peuples dans le corset de l’austérité budgétaire. Et tout ceux qui dissertent abondamment pour savoir si Macron est un « centriste autoritaire », un « dictateur libéral » ou un dictateur tout court feraient bien de consacrer autant d’énergie à combattre cette dictature financière à laquelle se sont soumis tous les présidents français depuis Giscard d’Estaing.

C’est pourquoi il est fondamental d’inspirer les citoyens qui se mobilisent autour de l’idée qu’il faut reprendre en main le gouvernail monétaire – car, comme le disait Georges Boris, de la France libre, « Si l’État ne contrôle pas la monnaie, c’est la monnaie qui contrôle l’État ». Pour cela, la Banque de France doit être re-nationalisée de façon à en faire un instrument économique « du peuple, par le peuple et pour le peuple », capable d’émettre du crédit public pour financer les infrastructures, les services publics et nos outils de production. C’est la condition essentielle pour redonner leur substance aux mots « souveraineté du peuple » ou « démocratie », avant que de nouveaux usurpateurs ne viennent encore les dérober, qu’ils s’appellent Marine ou Emmanuel…

Vous venez de lire notre chronique stratégique « Le monde en devenir ». ABONNEZ-VOUS ICI pour la recevoir sans limitation. Vous aurez également accès à TOUS les dossiers de ce site (plus de 400 !)...