Le dessous des cartes

Des accords avec la Chine à l’origine de la déstabilisation de l’Irak ?

mardi 7 janvier 2020, par Christine Bierre

Nos confrères de l’Executive Intelligence Review (EIR), le magazine fondé par l’économiste américain Lyndon LaRouche, ont appris qu’en septembre dernier des accords négociés au cours d’un voyage en Chine entre le Premier ministre irakien Adel Abdel-Mahdi et le Premier ministre chinois, M. Li Keqiang comprenaient notamment un accord « pétrole contre reconstruction » qui ouvrait la perspective d’une forte augmentation des investissements chinois dans le secteur pétrolier dévasté de ce pays et dans les infrastructures en général (routes, chemins de fer, agriculture, parcs industriels, etc.).

Quel rôle ont pu jouer ces négociations dans les troubles qui ont éclaté en Irak, dès son retour, entre factions pro- et anti-gouvernementales, et qui ont conduit à la démission de Mahdi du pouvoir, voilà ce qu’il faut déterminer désormais.

Importations chinoises de pétrole brut, par pays de provenance.

Le 24 septembre dernier, le Premier ministre irakien Adel Abdel-Mahdi, en visite officielle en Chine, rencontrait le Président Xi Jinping. Le président chinois s’était alors félicité que son pays ait été le premier à participer à la reconstruction de l’Irak et celui qui y soit resté le plus longtemps en dépit des conditions de sécurité extrêmement difficiles.

Xi Jinping s’est également dit prêt à approfondir l’intégration de l’initiative « la Ceinture et la Route » avec le plan de reconstruction de l’Irak, précisant que les deux parties devaient encourager la coopération dans les secteurs tels que le pétrole et les infrastructures.

« Huit gros contrats seront négociés dans le domaine des infrastructures, de la reconstruction des villes détruites au cours des combats avec Daech, des dettes que l’Irak devra rembourser à la Chine et de la réouverture des usines dont les activités sont gelées depuis 2003 », a rapporté Al-Sumaria News.

Un protocole d’accord (MoU) aurait même été établi. Ce sont les médias arabes qui ont dévoilé son existence, sans que nous ayons pu confirmer à l’heure de cette publication, s’il a été signé en bonne et due forme par les deux Etats ou non.

Cependant, Abel Hussein Al Honen, conseiller du Premier ministre irakien, a confirmé un certain nombre des points qui y figurent, lors d’un entretien sur la page Youtube de Iraqi Dijla TV, le 25 septembre dernier :

Ces importantes négociations entre l’Irak et la Chine jettent un éclairage nouveau, potentiellement explosif, sur les turbulences qui ont secoué ce pays juste après le retour du Premier ministre Mahdi de Chine, créant le climat qui a conduit à l’assassinat par les Etats-Unis du général Qassem Souleimani, le 3 janvier dernier.

En effet, dès son retour, le pays a explosé en manifestations anti-gouvernementales (et anti-iraniennes, le gouvernement étant favorable à l’Iran). Elles ont été suivies d’une riposte de la part de « milices chiites » contre les manifestants — qui aurait occasionné 460 victimes.

Tout cela a provoqué la démission du Premier ministre Adel Abdel-Mahdi, qui se trouve cependant encore au pouvoir, en l’absence d’accord sur le choix du nouveau Premier ministre.

Sauf que, en tant que gouvernement intérimaire, M. Abdel-Mahdi n’a pas le pouvoir de signer des accords tel que celui qui aurait été négocié avec la Chine.

Hussein Askary, notre confrère de l’EIR, note que le même Abdel-Mahdi était déjà ministre du pétrole en Irak en 2014. A cette époque il avait déjà organisé un accord du même type avec la Chine, accord cependant avorté à cause de la montée de Daech.

Rappelons aussi, pour contrer les mensonges des néo-conservateurs repris comme argent comptant par le Président Trump qui accuse le général Qassem Soleimani d’être à l’origine de la mort de nombreux Américains, que c’est le président américain George Bush qui a envahi l’Irak, sur la base d’accusations mensongères. Une guerre qui a fait plusieurs centaines de milliers de morts parmi les Irakiens et que le Président Trump avait qualifiée, à juste titre, de « la pire erreur jamais commise par cette nation ».

Protocole d’accord, tel qu’il aurait été négocié entre la Chine et l’Irak :

  1. Ceci est un accord non contraignant ; il fait partie de l’Accord d’amitié. Des différends seront résolus à travers les institutions internationales d’arbitrage ;
  2. Durée de l’accord : 20 ans ;
  3. Un fonds de reconstruction irako-chinois sera crée, sous la supervision du gouvernement irakien et d’une société de conseil en affaires qui sera choisie par la Banque centrale irakienne parmi les cinq principales sociétés internationales dans ce domaine ;
  4. La partie chinoise garantissant l’accord est la China Export and Credit Insurance Corporation (SinoSure) ;
  5. Les revenus de 100 000 barils de pétrole par jour, vendus à la Chine via deux corporations précises, Zhenhua Oil et China National Offshore Oil Corporation (CNOOC), seront déposés chaque mois dans un fonds de réserve et transférés au Fonds de reconstruction irako-chinois ;
  6. Le plafond du crédit émis par les banques chinoises à destination du fonds de reconstruction irakien sera de 10 milliards de dollars, l’Etat Chinois prenant à sa charge les intérêts ;
  7. Lorsque le premier lot de projets aura été réalisé avec succès, et si la partie irakienne souhaite accroître le niveau des investissements, le plafond des ventes de pétrole irakien [réservé à ce fonds] sera relevé à 300 000 barils par jour, et la partie chinoise relèvera le plafond de prêts à 30 milliards de dollars ;
  8. Ces sommes seront déposées à la Banque CITIC chinoise, qui, à son tour les transférera vers un compte irakien auprès de la Réserve fédérale américaine à New York, chargé de superviser les ventes totales de pétrole irakien. A partir de là, la somme sera reversée sur un autre compte dénommé « compte d’investissement » ;
  9. Un autre compte, dit « compte de remboursement », sera ouvert pour assurer le service de la dette et les taux d’intérêt. Il sera abondé à partir du « compte d’investissements » ;
  10. Le Fonds couvrira le financement des projets suivants : aéroports, construction d’écoles, construction de routes goudronnées, chemins de fer, lutte contre la pollution et réhabilitation des fleuves Tigres et Euphrate, construction de logements, projets d’infrastructure, projets d’énergie et de dessalement d’eau de mer et enfin d’autres projets dont le gouvernement irakien fera la demande. Si le coût d’un projet est de 1 milliard de dollars, cette somme sera retenue du Fonds dans les proportions que voici : 850 millions de dollars de la Chine, et 150 millions de dollars de la vente du pétrole irakien ;
  11. Lorsque le gouvernement irakien précise les projets ci-dessus et signe un contrat particulier, tel qu’un contrat pour construire 2000 écoles, il est signé en tant que « contrat ouvert » ;

Le processus consistant à rassembler les dépôts des ventes du pétrole irakien dans le Fonds a commencé le 1er Octobre 2019, et un montant d’un demi-milliard de dollars s’y trouve déjà. On avait l’espoir que les premiers projets pourraient être identifiés ces jours-ci. Mais comme le gouvernement irakien est devenu un gouvernement intérimaire, il n’a plus le pouvoir pour le faire.

Le gouvernement irakien s’accorde le droit de choisir les entreprises internationales, européennes et américaines qui seront les partenaires des entreprises chinoises.