Hong-Kong : La machine à révolutions de couleur s’attaque à la Chine

vendredi 20 septembre 2019

Chronique stratégique du 20 septembre 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Vous croyez encore au conte de fée des braves défenseurs de la « démocratie » de Hong-Kong contre le méchant régime chinois ? Revenez sur Terre : il s’agit d’une « révolution de couleur », avec les mêmes réseaux et les mêmes méthodes employés à Maïdan, en Ukraine. Avec un fait nouveau aussi : la criminalité financière, qui prospère à Hong-Kong, y joue un rôle certain. Steve Bannon en sait quelque chose.

God Save the Queen

Les récentes manifestations à Hong-Kong, bien que moins massives que les précédentes, ont été très violentes – bien loin de l’image idyllique propagée par les médias occidentaux. Le 15 septembre, les manifestants ont brûlé les drapeaux chinois et retiré des bannières en l’honneur du 70e anniversaire de la République populaire de Chine. Des petits groupes se sont rendus au consulat britannique, arborant l’« Union Jack » ainsi que le drapeau de l’ancienne colonie, et chantant « UK Save Hong-Kong » et « God Save the Queen ».

Devant le consulat britannique, les manifestants ont brandi une bannière disant « ’One country, two systems’ is dead » (« ’Un pays, deux systèmes’ est mort »), et ont demandé au Royaume-Uni d’accorder la citoyenneté britannique aux centaines de milliers de Hongkongais détenant des passeports britanniques. « Nous sommes Britanniques et nous ne nous rendrons jamais », scandaient-ils. Quelques jours plus tôt, ils s’étaient rendus devant le consulat des États-Unis, avec des drapeaux américains, pour appeler explicitement à une intervention dans le conflit social qui anime l’île depuis quelques mois. Une bien étrange manière de revendiquer l’indépendance de Hong-Kong qui doit faire saliver les nostalgiques de l’Empire à Londres…

Les faiseurs de démocratie à la manœuvre

Un peu partout en Occident, le tapis rouge est déroulé devant le jeune Joshua Wong, érigé en leader des contestations de Hong-Kong. À Berlin, il a été reçu dans un événement organisé par Bild 100, le groupe de presse d’Axel Springer, en présence du ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, de l’ambassadeur américain Richard Grenell, du maire de Kiev Vitali Klitschko, l’une des figures de la révolution de Maïdan, et du chef des « Casques blancs », Raed Al Saleh (photo en début d’article).

Rappelons que cette organisation a été exposée comme faisant partie intégrante des réseaux liés à Al Qaïda en Syrie, dirigée et financée directement par les gouvernements britannique et américain, et qu’elle a mis en scène les fausses attaques chimiques contre le gouvernement de Bashar al-Assad (Lire notre chronique du 13 avril 2018 : Casques blancs : l’impérialisme brutal dans le gant de velours de l’aide humanitaire).

Devant les journalistes, Wong a appelé le gouvernement allemand à cesser toutes ses ventes et livraisons d’armes anti-émeutes à Hong-Kong, et à suspendre les négociations commerciales avec la Chine jusqu’à ce que les droits de l’Homme soient respectés.

Le 17 septembre, Wong a été reçu à Washington, avec plusieurs autres activistes, devant les élus du Congrès, pour plaider en faveur d’une loi apportant un soutien américain à la rébellion de Hong-Kong. Le jour-même, des académiciens et militants « pro-démocratie », ont créé un nouveau think-tank à Washington, le Hong Kong Democracy Council (HKDC), destiné à soutenir les manifestations. Nombre d’entre eux sont affiliés au National Endowment for Democracy (NED), une organisation créée aux États-Unis en 1983 pour soutenir les mouvements pour la « démocratie », à travers le monde. Elle est dirigée conjointement par les partis Républicain et Démocrate, et financé par le Congrès américain via les fonds de l’USAID. La NED constitue le véritable cerveau des « révolutions de couleur » qui ont visé plusieurs pays d’Europe de l’Est et d’Afrique du Nord, depuis la chute de l’URSS.

Steve Bannon, Hong-Kong et la criminalité financière

Ce que beaucoup ignorent, c’est que bien avant que les manifestations de Hong-Kong ne défrayent la chronique, les milieux financiers de l’île s’étaient mobilisés contre la loi d’extradition qui a depuis fait l’objet de la révolte populaire, et que les autorités chinoises ont finalement retirée. Il faut dire que cette loi menaçait de mettre un coup d’arrêt aux activités criminelles qui prospèrent là-bas.

« Hong-Kong est un centre de la haute finance et également de la criminalité financière, écrivent Kevin Zeese et Margaret Flowers dans un article paru le 19 août sur le site Consortium News. Entre 2013 et 2017, le nombre de transactions suspectes rapportées par les agences d’application des lois est passé de 32 907 à 92 115. Il n’y a eu que très peu de poursuites judiciaires, et leur nombre a même diminué, passant de 167 à 103. Dans cette période, une seule personne a été condamnée à plus de 6 ans de prison, en 2017. (…) La loi d’extradition proposée concernait 46 types de crimes, qui sont considérés comme de graves infractions dans le monde entier. Cela incluait les meurtres, les viols, les crimes sexuels, (…). Cela incluait également la criminalité commerciale et financière ».

« Plusieurs mois avant les manifestations, la communauté financière s’est opposée à cette loi, poursuivent les auteurs. Les deux partis proches des milieux financiers ont demandé au gouvernement d’exempter les crimes en col-blancs cités dans la liste. Les poids lourds financiers de la ville ont exercé une pression croissante. La Chambre américaine du Commerce, AmCham, une organisation vieille de 50 ans qui représente 1200 entreprises américaines faisant des affaires à Hong-Kong, s’est opposée également à cette loi ».

Et que disait AmCham ? : « Tout changement dans les accords d’extradition étendant substantiellement les possibilités d’arrestation et de perquisition (…) contre des responsables des entreprises internationales résidant ou transitant à Hong-Kong en raison de suspicions de crimes économiques allégués par le gouvernement central (…) dégraderait l’image de Hong-Kong comme havre de paix et de sécurité pour les opérations commerciales internationales ».

Steve Bannon, l’ancien conseiller de Trump, que l’on peut voir partout apporter son soutien aux manifestants de Hong-Kong, a personnellement bénéficié des opportunités offertes par ce « havre de paix et de sécurité ». Comme le raconte le livre de Joshua Green, Devil’s bargain (Le pacte du diable), après avoir fait ses armes dans la banque Goldman Sachs, l’homme d’affaire a rejoint en 2005 la société IGE (Internet Gaming Entertainment) pour participer à une escroquerie, dans laquelle une main-d’œuvre hongkongaise sous-payée était exploitée pour créer des biens virtuels sur des jeux vidéo comme World of Warcraft, qui étaient ensuite revendus à des gamers fortunés en Occident. Grâce à ces « ateliers de misère virtuels », Bannon a amassé des millions qui lui ont permis de créer le site d’extrême-droite Breitbart News et, soit dit en passant, de jouer un rôle non négligeable dans l’élection de Donald Trump en 2016. Autant pour les belles valeurs de « démocratie » et de « liberté » !!

Finissons-en avec l’hypocrisie

Cette tentative de révolution de couleur contre la Chine a peu de chance d’aboutir. Car, quoi qu’on pense du Parti communiste chinois, la population chinoise dans sa grande majorité soutient la politique de développement économique suivie depuis quatre décennies et qui, rappelons-le, a sorti plus de 700 millions de personnes de l’extrême-pauvreté.

Au-delà de cela, le fantasme ultralibéral de l’hégémonie occidentale, maintenue à coup de démocratie, de liberté et de bombes, bute aujourd’hui contre une dure réalité : l’émergence d’un monde nouveau qui échappe de plus en plus à son contrôle, et qui, avec la Chine, la Russie et l’Inde, et les 130 autres pays participant aux Nouvelles Routes de la soie, représente plus des deux tiers de la population mondiale.

L’hypocrisie doit cesser. Si les difficultés des Hongkongais sont réelles – dettes étudiantes, manque de logements dignes, bas salaires, emplois précaires, etc – ce ne sont certainement pas les pays occidentaux qui pourront les résoudre, eux qui ne parviennent même pas à résoudre leurs propres problèmes et qui, lorsque leurs populations se soulèvent pour protester contre la dégradation des conditions de vie, emploient des moyens de répression qui n’ont pas grand-chose à envier à ceux des forces de police de Hong-Kong.

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