Crise argentine, Brexit, bras de fer commercial Chine-USA… : les symptômes du krach qui vient

vendredi 6 septembre 2019

Chronique stratégique du 6 septembre 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

L’ouragan Dorian qui vient de frapper les Bahamas nous donne en quelques sortes un avant-goût de la tempête qui s’apprête à frapper le système transatlantique. La situation en Argentine, le Brexit, les relations entre la Chine et les États-Unis, etc, sont autant de points chauds, à la fois symptômes et facteurs d’accélération de l’effondrement de ce système. En même temps, « là où croît le péril croît aussi ce qui sauve » ; et au fur et mesure que l’instabilité et les tensions se développent, les conditions se réunissent pour faire émerger les solutions.

La crise financière, mère de toutes les crises

En pleine panique, le président argentin Mauricio Macri a publié le 1er septembre un décret d’urgence mettant en place un contrôle des changes, pour essayer d’enrayer l’effondrement du peso, qui s’est accéléré au cours du mois d’août. La monnaie argentine a perdu les trois quarts de sa valeur en un an et demi ! Ainsi, après avoir allègrement critiqué l’ancienne présidente Cristina Fernández de Kirchner pour s’être opposée aux « fonds vautours » et avoir maintenu un contrôle des changes « anti-marchés » tout au long de sa présidence, Macri, visiblement dépassé, a été contraint d’adopter la même mesure pour faire face au désastre financier que sa politique économique imposée par le FMI de Christine Lagarde a causé.

Alors que les Argentins font la queue devant leurs banques (photo ci-dessus) pour essayer de sauver leurs avoirs, depuis le 1er septembre, Macri a disparu de la scène publique, annulant même sa participation à la fête annuelle de l’industrie. Pour sa part, Christine Lagarde prendra la tête de la BCE, sans doute pour continuer ses expériences.

En Grande-Bretagne, la danse chaotique se poursuit au-dessus du volcan des 800 000 milliards de dollars de produits dérivés financiers de la City. Le Premier ministre Boris Johnson a perdu sa majorité à la Chambre des Communes, essuyant trois défaites en deux jours. L’opposition a obtenu le vote d’un report en janvier de la date du Brexit (prévu pour le 31 octobre), mais il faut encore que la Chambre des Lords le vote. Ainsi, se précise le scénario redouté d’un Brexit sans accord (« no deal »). Les citoyens britanniques, qui se préparent à l’éventualité d’une pénurie alimentaire (un tiers de la nourriture consommée dans le pays provient du continent) ont déjà stocké pour 4 milliards d’euros de nourriture. Le 18 août, le Sunday Times révélait d’ailleurs l’existence d’une note de travail du gouvernement britannique prévoyant une situation préoccupante pour le pays s’il quitte l’Union européenne sans accord.

Il serait erroné de chercher à expliquer ce qu’il se passe en Argentine, en Grande-Bretagne, ou dans les autres points de crise, dans les termes particuliers de chacun de ces cas. Car ils s’inscrivent tous dans la dynamique de désintégration en cours du système financier. Comme le notait fin août le Süddeutsche Zeitung, tout le monde sait qu’un nouveau krach va bientôt avoir lieu, à la différence de 2008, où les politiciens et banquiers avaient été surpris. « L’effondrement économique serait donc une descente lente et volontaire dans une fosse aux serpents », écrit le quotidien allemand.

Le problème principal est donc l’absence de volonté des dirigeants de prendre le taureau par les cornes. Pire, le président américain se fait le défenseur invétéré de la politique de la « morphine monétaire » – abaissement des taux, « assouplissement quantitatif », pour inonder les marchés de liquidités –, croyant à tort que cela permettrait de faire repartir la bourse à la hausse et de relancer l’économie, et donc… de se faire réélire en 2020.

La Chine et les États-Unis sur le sentier de la guerre

Induit à raisonner de la même manière concernant les relations commerciales avec la Chine, Donald Trump se laisse entraîner dans le piège dressé par les impérialistes anglo-américains, qui veulent à tout prix préempter toute entente entre les deux grandes puissances et surtout empêcher que la Chine prenne une place de leader mondial dans le domaine des hautes technologies.

Le 1er septembre, en dépit des efforts de négociations engagés depuis le G20 en juin dernier à Osaka, les droits de douane américains de 15 % sont entrés en vigueur sur 125 milliards de dollars de biens d’importation chinois – en attendant une seconde phase de tarifs douaniers d’ici décembre. Et pour la première fois, les taxes vont toucher les biens de consommation, notamment les chaussures et produits textiles, contrairement aux promesses du président américain. La Chine a immédiatement riposté en imposant 5 à 10 % de taxes sur une première partie des 75 milliards de biens américains importés, en frappant le cœur du soutien politique de Donald Trump : les producteurs et exploitants agricoles du Midwest et du Sud du pays.

Le climat entre la Chine et les États-Unis continue donc de se dégrader. La situation est rendue d’autant plus dangereuse par les développements à Hong-Kong, qui sont un cas classique de « révolution de couleur », comme l’a qualifié notre amie Helga Zepp-LaRouche, la présidente internationale de l’Institut Schiller, lors d’une réunion avec ses associés :

Il y a donc eu une petite manifestation à Hong Kong, à laquelle se sont ajoutées quelques provocations, qui étaient manifestement là dès le début, a-t-elle expliqué. Les médias internationaux s’en sont emparé, et c’est le scénario de Gene Sharp qui s’est mis en branle, à l’identique de ce qui s’est déjà passé dans plusieurs pays, comme au Maïdan. Le NED (National Endowment for Democracy) a avoué qu’ils ont dépensé 1,7 million de dollars pour former ces gens. (…) Il ne faut donc pas se laisser tromper : il s’agit d’une révolution de la couleur classique, [une tentative de] changement de régime, qui va de pair avec la campagne contre le Xinjiang, la vente d’armes à Taïwan, les provocations en mer de Chine méridionale, ainsi que l’affaire Huawei, qui a tout à voir avec les questions soulevées par Edward Snowden.

Aux États-Unis, l’hostilité antichinoise a atteint un degré tel que les jeunes Chinois hésitent de plus en plus à venir y étudier. Dans un mauvais remake de la chasse aux sorcières maccarthyste des années 1950, les étudiants et chercheurs chinois sont harcelés, persécutés et même arrêtés, soupçonnés d’être des « espions » à la solde de Beijing. Les États-Unis interdisent même à 90 Instituts Confusius exerçants dans les grandes universités américaines de dispenser l’enseignement de la langue chinoise.

Toutefois, des voix s’élèvent contre cette dérive. Lee Bollinger, le président de la Columbia University, a publié le 30 août une tribune dans le Washington Post dans laquelle il s’insurge contre ce climat délétère : « Non, je ne vais pas me mettre à espionner mes étudiants d’origine étrangère », écrit-il. De plus, face à l’augmentation des prix des biens chinois importés, une partie grandissante de l’opinion américaine, et en particulier dans le monde industriel, se retourne contre la guerre commerciale.

Jeudi 5 septembre, le gouvernement a accepté – peut-être à cause de cette pression populaire – d’ouvrir un 13e cycle de négociations commerciales début octobre à Washington.

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