L’espace et l’atome, les deux fers de lance du futur

jeudi 1er août 2019

Chronique stratégique du 1er août 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Dans un contraste criant avec l’illusion d’un monde clos entretenu en Occident, une dynamique de progrès et de coopération gagne une partie du monde, en Chine, en Inde, en Afrique, etc, dans les domaines du nucléaire et du spatial, ouvrant de nouveau la perspective de porter l’humanité aux frontières de ses capacités.

Le 7 septembre prochain, la sonde indienne Chandrayaan-2 doit se poser sur le pôle sud de la Lune. L’Inde deviendra alors la quatrième nation, après les États-Unis, la Russie et la Chine à fouler le sol de notre satellite.

Le monde, vu depuis la Lune – ou depuis l’orbite terrestre, où se trouve actuellement Chandrayaan-2 – est radicalement différent de celui que l’on peut observer depuis la vallée des paumés qu’on appelle aujourd’hui la France.

Ici, nous nageons en plein catastrophisme millénariste vert, alimenté par une élite trop satisfaite de pouvoir se refaire une virginité morale, et convertissant son arrogance naturelle en culpabilisation anti-création humaine pseudo scientifique. Le journal Libération du 29 juillet offre par exemple généreusement sept pages, dont la Une, toutes entières consacrées à la « collapsologie », mettant couches sur couches pour convaincre ses lecteurs que le monde est « fini », et que l’humanité, insatiable consommatrice de ressources, a dépassé les limites fixées par Mère Gaïa. Rien de mieux pour paniquer ses lecteurs abêtis et, le cas échéant, les faire basculer dans la violence.

Depuis la Lune, l’homme se voit au milieu d’une galaxie peuplée de plus de 200 milliards d’étoiles, dans un univers lui-même peuplé de plus de 2000 milliards de galaxies. Une telle immensité à explorer et à découvrir réfute en soi la croyance en la finitude du monde, et le pessimisme écolo apparaît ainsi pour ce qu’il est vraiment : un caprice de bobo vivant en pays riche.

Coopération spatiale

Les quatre nations « lunaires » – États-Unis, Inde, Russie et Chine – portent désormais la responsabilité d’inspirer au reste de l’humanité la passion pour aller explorer plus loin notre système solaire, à partir de la « piste de décollage » que nous offre la Lune, et de lancer ainsi un processus de révolutions technologiques similaire à celui qu’avait induit le projet Apollo il y a 50 ans, et dont les bénéfices sociaux et économiques dépasseront largement le domaine spatial.

Une telle coopération obtiendra le soutien des agences spatiales japonaise et européenne, JAXA et l’ESA, et intégrera rapidement d’autres nations. Elle devra impliquer un programme à marche forcée, tel que l’avait défini John F. Kennedy à l’époque, dans le but de résoudre les multiples défis techniques et technologiques – fusées, sondes, atterrisseurs, sources d’énergie, matériaux, etc – que poseront les nouvelles destinations spatiales qui seront fixées.

La Chine, dont le programme spatial est le plus ambitieux et le plus dynamique, coopère déjà avec la Russie dans ce domaine, et elle a récemment appelé les États-Unis et l’Inde à les rejoindre. La réussite du plan de Trump visant à retourner sur la Lune en 2024 et d’aller ensuite vers Mars (la mission Artemis) dépend du fait d’intégrer les États-Unis dans une telle coopération.

Même le Time Magazine, dans un article publié le 18 juillet, reconnaît qu’une telle coopération entre la NASA et l’agence spatiale chinoise est non seulement nécessaire mais sera surtout bénéfique pour l’exploration de la Lune et de l’au-delà.

Bien sûr, il n’est pas nécessaire qu’il y ait une ‘course à l’espace’, écrit l’auteur ; la coopération internationale marche souvent mieux que la compétition. (…) Dans le contexte des tensions actuelles entre les États-Unis et la Russie, leur collaboration dans la station spatiale internationale a fonctionné comme une soupape de décompression, en particulier dès lors que les équipages doivent résoudre des problèmes ensemble. (…) Ce type de coopération va devenir de plus en plus importante, et l’espace est un bon moyen de bâtir la confiance.

La fusion nucléaire, pour ouvrir la voie vers les étoiles

Le nucléaire est l’autre domaine par excellence appelant à une coopération internationale. D’autant que son destin est intimement lié à celui de l’exploration spatiale. En effet, un voyage vers la planète Mars, avec les modes actuels de propulsion, prendrait quatre années aller-retour – ce qui réduit fortement les possibilités d’expédition humaine. Une mission habitée vers Mars implique de développer des fusées propulsées au moyen de la fusion nucléaire, que nous ne maîtriserons pas avant 20 ou 30 ans, si l’on ne change pas de braquet.

Le président russe Vladimir Poutine a appelé le 9 juillet à un programme crash international pour la fusion, avec pour objectif de réaliser une révolution technologique et scientifique qui bénéficiera à l’ensemble de l’humanité. Le projet de réacteur expérimental international ITER (Centre de Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône) est l’un des jalons de cette coopération internationale. Rappelons-nous qu’ITER a vu le jour lors du sommet des superpuissances, en novembre 1985 à Genève, lorsque, à l’initiative du scientifique russe Evgeny Vélikhov, l’idée de développer la recherche pacifique sur l’énergie de fusion dans le cadre d’une collaboration internationale fut proposée par Mikhaïl Gorbatchev au président américain Ronald Reagan.

Lors de ce discours, prononcé au sommet global de la Manufacture et de l’Industrie, à Iekaterinbourg, Poutine a déclaré :

Je pense que pour garantir l’accès à une nourriture, une eau et un air sains, c’est-à-dire à une meilleure qualité et espérance de vie, pour des milliards de personnes sur cette planète, nous devons offrir des technologies radicalement nouvelles et utiliser des moyens beaucoup plus efficients et écologiquement viables. (…) Cela peut paraître étrange au premier abord, mais l’énergie de fusion, qui correspond en réalité à la manière dont sont produites la chaleur et la lumière dans notre étoile, le soleil, est un exemple de ce type de technologies naturelles.

La fission nucléaire constitue une étape nécessaire vers la maîtrise de l’énergie de fusion. À ce titre, il est intéressant de noter, alors qu’en Occident on suit le chemin de la dénucléarisation – ce qui implique le recours à des énergies « carbonées », comme en Allemagne –, certains pays du Sud font le choix du nucléaire.

Le Kenya, par exemple, justement suite à des manifestions écologistes contre l’ouverture d’une centrale à charbon, a décidé d’abandonner ce projet et d’accélérer son programme nucléaire. L’Agence d’Énergie et de Puissance nucléaire kényane (NuPEA) a ainsi annoncé que la construction de la première centrale nucléaire du pays va être avancée de sept ans, pour être terminée en 2027. Représentant un investissement de 5 milliards de dollars, la construction devrait créer 5000 emplois nouveaux. NuPEA prévoit de former 29 ingénieurs kényans en coopération avec des universités en Corée du Sud, en Chine et en Russie.

Le Kenya a confié à la China National Nuclear Corporation la responsabilité de sélectionner le site sur lequel sera construite la centrale. Il pourrait s’agir du lac Turkana, – ce qui serait un juste retour de la création humaine dans ce qui fut le berceau de l’humanité il y a 3 millions d’années… Le regard tourné vers des étoiles qui se trouvent désormais beaucoup plus à notre portée.

Citons enfin Stephen Hawking :

Regardez vers les étoiles et pas vers vos pieds. Essayez de donner un sens à ce que vous voyez, et demandez-vous ce qui fait que l’univers existe. Soyez curieux. En toutes circonstances, il y a toujours quelque chose à faire, et à réussir. N’abandonnez jamais. Faites confiance à votre imagination. Faites advenir le futur.

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