La MerXXL : l’Institut Schiller apporte le vent du large

jeudi 1er août 2019, par Christine Bierre

Lors de l’exposition géante LaMerXXL organisée à Nantes début juillet, l’Institut Schiller a fait connaître les perspectives enthousiasmantes qu’offre le volet maritime de l’initiative chinoise Une ceinture, une route.

Avec près de 40 000 visiteurs, l’exposition géante La Mer XXL, organisée à Nantes début juillet sur le thème de la mer et de l’économie bleue, a relevé le défi.

Dans ce qui fut une véritable première, à part nos grands ports et nos armateurs, tout ce que compte le secteur (industriels, chercheurs, collectivités, écoles, ONG, etc.) avait répondu présent pour se retrouver et sensibiliser le grand public autour du sujet central : la mer, qui nous fait vivre, et les promesses qu’elle offre à l’humanité en vue d’un avenir plus sain et plus harmonieux.

Sur le thème « La France et la Route de la soie maritime : passé, présent, futur », l’Institut Schiller avait décidé d’y faire connaître les perspectives qu’ouvre le volet maritime de l’initiative chinoise Une ceinture, une route.

Durant douze jours, les militants ont pu alimenter sur leur stand des discussions animées et souvent fructueuses avec une bonne centaine de visiteurs, leur faisant découvrir à cette occasion leur dernière publication, un document de 484 pages intitulé Les Nouvelles Routes de la soie, pont terrestre mondial : pour en finir avec la géopolitique.

Passé, présent et futur de la Nouvelle Route de la soie maritime

Le 2 juillet, pour toute une après-midi, et alors que le public se faisait plutôt rare dans les 200 autres conférences qui se tenaient dans la même enceinte, l’Institut Schiller accueillit près de 60 personnes sur la même thématique, une assistance parfois venue de loin, notamment de Provence, du Luxembourg et même de Suisse.

Après les mots d’accueil prononcés par M. André Sobczak, conseiller municipal et vice-président de l’agglomération nantaise, Mme Anne Lettrée, conseillère de la Silk Road Business School et coorganisatrice de la conférence, transmit le message des dignitaires de l’Ambassade de Chine en France (malheureusement retenus pour des raisons protocolaires), suivie de Mme Chen Minghong, présidente fondatrice de l’Association européenne d’innovation et d’entrepreneuriat, ainsi que du Centre interculturel franco-chinois basé à Saint-Nazaire.

Passé et présent des Routes de la soie maritimes

Evoquant l’épave d’un navire arabe, datant de 826, retrouvée en 1998 en Indonésie et chargée de céramiques chinoises décorées de motifs persans, le journaliste Karel Vereycken ouvrit le débat en mettant en lumière cette réalité millénaire qui conduisit les peuples du continent eurasiatique à se rapprocher, s’entendre et coopérer. Pour lui, les Nouvelles Routes de la soie ne sont pas un projet sino-chinois, mais bien un « projet universel ».

Antoine Cid, professeur à l’Amolingua University, confirma cette réalité historique avec l’exemple des expéditions maritimes de l’amiral Zheng He sous la dynastie Ming, au début du XVe siècle. S’il y en eut d’autres à la même époque, la Chine met en avant ces missions diplomatiques pour souligner le caractère non colonial de sa politique étrangère.

Ayant joué un rôle de médiateur dans les relations franco-chinoises, Henri Tsiang, chercheur émérite de l’Institut Pasteur, apporta son éclairage sur les tensions actuelles en mer de Chine méridionale. L’abandon par les Etats-Unis du partenariat transpacifique (TPP) a fait naître d’autres initiatives commerciales dans la région, permettant de résoudre des disputes territoriales exploitées par l’Occident pour contenir la Chine.

Sébastien Goulard, consultant et coordinateur du site OBOReurope (One Belt, One Road Europe), s’employa ensuite à démystifier « le piège de la dette et autres fantasmes ». Sans ignorer les difficultés qui existent ici ou là en fonction des changements politiques survenant dans des pays participant au projet OBOR, il fit remarquer qu’entre la Chine et l’Occident, la notion du temps est radicalement différente : la Chine pense son action dans la durée, l’Occident se préoccupe, au mieux, de la prochaine échéance électorale. La Chine apporte des réponses nouvelles face à ce problème. Au Sri Lanka, le fait qu’une société chinoise aura pendant 20 ans la charge de construire le nouveau port de Hambantota le met à l’abri d’éventuels changements politiques provoqués par des pays rivaux de la Chine, l’Inde en l’occurrence. Ainsi, paradoxalement, la consolidation de la présence maritime chinoise au Sri Lanka conduit l’Inde à investir massivement dans l’aéroport d’Hambantota.

Sébastien Périmony, responsable du bureau Afrique de l’Institut Schiller, montra à son tour comment l’initiative chinoise est en train de stimuler l’Afrique dans sa volonté de s’industrialiser et de moderniser ses ports, de la Côte d’Ivoire à la Namibie et du Mozambique au Kenya, avec deux révolutions : celle des infrastructures, permettant aux ports et aux pays africains de se connecter et de commercer entre eux, et celle des manufactures, permettant au continent de garder et de transformer lui-même ses matières premières.

Témoignant des coopérations fructueuses nouées avec la Chine, le Pr Mohamed Jebbar, de l’université de Brest, présenta les recherches et l’historique de la création du Laboratoire international associé (LIA) franco-chinois de microbiologie des grands fonds (« Microbsea »). Au début, « personne ne voulait aller en Chine, confia-t-il. Aujourd’hui, on apprend les uns des autres ». D’ordinaire, à 5000 mètres de profondeur, on ne s’attend pas à trouver du vivant. Or, certains organismes, qui utilisent la chimiosynthèse, y vivent dans le noir absolu. Ces recherches franco-chinoises intéressent au plus haut point les exobiologistes de la NASA et de l’ESA. Un satellite chinois fut le premier à emporter une micro-algue intéressante, la spiruline, dans l’espace.

Mme Anne Lettrée décrivit ensuite son projet de Jardin des Titans, combinant santé, travail artistique, environnement et espace ludique. Mme Jane Han, représentante en France d’une grande société chinoise du photovoltaïque, confirma l’intérêt chinois pour ce projet qui doit démarrer en Normandie et ultérieurement en Chine.

Futur du maritime

Les perspectives d’avenir furent abordées par deux orateurs « en colère » de voir que la France, qui, avec 2 millions de km2, détient pourtant la seconde Zone économique exclusive (ZEE) maritime du monde, ne se mobilise pas en réaliser le potentiel.

Architecte et urbaniste, Michel Cantal-Dupart a bien appuyé là où ça fait mal : faute d’infrastructures ferroviaires et fluviales suffisantes, nos ports risquent l’asphyxie.

Bernard Planchais, ancien directeur opérationnel de la DCNS (aujourd’hui rebaptisée « Naval Group »), présenta un plan qui permettrait de mettre « en ordre de bataille » l’industrie française pour relever réellement le défi de l’économie bleue. Alors qu’il travaillait avec EDF et le CEA, cet expert de la construction navale avait été à l’origine du projet FlexBlue, un programme de construction de mini-centrales nucléaires immergées, abandonné faute de volonté politique.

Enfin, Odile Mojon présenta brièvement l’historique de l’Institut Schiller et la genèse du dossier qu’il vient de publier. Sortie en 2018 à la suite des versions anglaise, arabe, chinoise et allemande, la version française est de loin la plus complète et la plus à jour.

Vu la richesse et la profondeur de l’ensemble des interventions, nous ne pouvons que conseiller au lecteur de se rendre sur le site de l’Institut Schiller où les enregistrements vidéos sont d’ores et déjà accessibles.