Les réseaux du Russiagate recentrent leurs efforts vers l’Afrique

vendredi 28 juin 2019

Chronique stratégique du 28 juin 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Le nouveau paradigme des Nouvelles Routes de la soie s’étend et se développe à travers le monde, obligeant les forces impérialistes de Wall Street et de Londres à déployer tous leurs efforts pour l’empêcher. Plusieurs signes semblent indiquer que l’Afrique, qui se tourne de plus en plus vers la Chine et la Russie, est devenu à ce titre un enjeu stratégique majeur et donc une cible privilégiée de ces réseaux.

L’Éthiopie et l’Égypte dans le viseur

Le samedi 22 juin, une tentative de coup d’État, à travers une série d’assassinats, a touché l’Éthiopie, l’une des nations africaines les plus impliquées dans l’initiative chinoise de la Ceinture et la Route (ICR). Le président de la région d’Amhara, Ambachew Mekonnen, ainsi que son assistant, ont été assassinés lors d’un meeting dans la capitale de la région Bahir Dar. Le procureur général régional, Migbaru Kebede, blessé lors de l’attaque, est mort quelques temps après. Au même moment, à Addis Abbeba, la capitale éthiopienne, le chef d’état-major Seare Mekonnen a été assassiné à son domicile par son propre garde-du-corps. Le lundi suivant, les autorités éthiopiennes ont annoncé que le coup d’État avait été déjoué, et que l’un des principaux organisateurs, le général Asaminew Tsige, avait été tué par les forces de sécurité gouvernementales.

Asaminew était le co-fondateur et co-dirigeant du Ginbot 7, un groupe d’opposition qui prône le renversement du gouvernement éthiopien par la violence depuis les années 2000. Le Ginbot 7 est basé en Érythrée, et il dispose de bureaux à Londres, Washington et plusieurs autres capitales européennes. Emprisonné depuis la tentative de coup d’État de 2009, Asaminew avait été libéré en septembre 2018, dans le contexte de la politique de réconciliation générale du gouvernement.

Toutes les victimes de cette tentative de coup d’État venaient d’être nommées à des positions importantes par le Premier ministre Abiy, et elles étaient considérées comme ses plus proches alliés. Ambachew était par exemple son conseiller pour les infrastructures.

Mardi, une attaque djihadiste a frappé l’Égypte dans le Nord du Sinaï, causant la mort de six policiers et d’un officier. Le même jour, la police égyptienne a fait arrêter plusieurs hommes d’affaires au Caire, à Alexandrie et à Ismaïlia, les accusant d’être impliqués dans le financement d’un coup d’État. Le ministère de l’Intérieur a déclaré que les personnes arrêtées étaient liées aux Frères musulmans. La police a également fait arrêter Zyad el-Elaimy, avocat des droits de l’homme et personnalité politique, ainsi que plusieurs journalistes.

La présence de la Russie en Afrique inquiète

Au-delà de ces événements, sur lesquels nous ne disposons pas encore d’éléments probants pour dire si des forces extérieures sont impliquées ou pas, il est évident que la dynamique actuelle de coopération et de progrès encouragée par l’ICR sur l’ensemble du continent africain ne fait pas beaucoup d’heureux dans les capitales du complexe militaro-financier anglo-américain.

Que la Chine soit devenue le premier partenaire économique du continent ; qu’elle inspire partout une politique de dirigisme économique en faveur du développement industriel et technologique ; que le sommet Chine-Afrique de septembre 2018 ait réuni à Beijing la quasi-totalité des chefs d’État africains… Tout cela suffisait déjà à donner quelques sueurs froides à nos chers oligarques — nous avons pu en prendre la mesure à travers la propagande anti-chinoise et anti-Routes de la soie dans les médias occidentaux.

On conçoit alors aisément que la perspective d’un premier sommet Russie-Afrique, prévu en octobre 2019 à Sotchi, soit tout simplement insupportable pour ces gens-là. D’autant que l’implication de la Russie sur le continent va croissante : après s’être effondré à 760 millions d’euros suite à la chute de l’URSS, le commerce russe vers l’Afrique a atteint environ 5 milliards en 2010, pour dépasser les 20 milliards en 2018, en hausse de 70 % par an. De manière concrète, les Russes sont actuellement sur une dizaine de projets en Afrique, principalement dans les domaines de la géologie et des mines, de l’énergie, de l’industrie, de l’agriculture, de la pêche et des télécommunications.

L’un des projets les plus emblématiques est celui de la zone industrielle russe en cours de construction dans le canal de Suez en Égypte, dont la mise en œuvre est étalée sur treize ans, pour un coût total de près de 7 milliards de dollars avec, à la clé, la création de 35 000 emplois dont 90 % en Égypte.

Les services britanniques à la manœuvre

Le 11 juin, The Guardian a publié un article co-signé par Luke Harding et Jason Burke, intitulé « Des documents exposent les efforts russes pour exercer son influence en Afrique ». Rappelons que Luke Harding a pris part de façon active dans la campagne mensongère du (désormais totalement discrédité) « Russiagate » – une opération montée par les services britanniques et leurs compères américains du FBI et de la clique Obama-Clinton contre le président Trump, comme nous l’avons abondamment documenté sur ce site (Lire notre article du 20 décembre 2017 : Ce n’était pas la Russie mais bien le FBI et le MI-6 qui ont voulu manipuler les élections américaines). En 2017, Harding avait en effet publié le livre Collusion, ainsi que plusieurs autres articles accusant Trump et les Russes de collusion dans les élections présidentielles de 2016.

Preuve que, à la veille d’un G20 placé sous très hautes tensions stratégiques, les différents services sont très actifs de part et d’autre, le site de Sputnik News a publié le 24 juin un article très renseigné exposant les liens entre The Guardian et les services secrets britanniques. On y découvre comment le MI-6 et le GCHQ (équivalent anglais de la NSA) ont littéralement mis sous contrôle la ligne éditoriale du quotidien, qui jouissait, notamment lorsqu’il publia en 2013 les documents d’Edward Snowden, d’une réputation de porte-voix des milieux « anti-establishment ».

Mise à part l’implication de l’ancien rédacteur en chef du Guardian, Alan Rusbridger, et le rédacteur adjoint Paul Johnson, Sputnik souligne le rôle suspect de Luke Harding, en rappelant les allégations non vérifiées que ce dernier avait publié en décembre sur de prétendues rencontres entre Paul Manafort, l’ancien chef de campagne de Trump, et le fondateur de Wikileaks, Julian Assange.

Quoi qu’il en soit, écrit Sputnik, le fait que Harding entretienne des relations étroites avec des agents du renseignement n’est pas une simple spéculation. Son ouvrage Collusion, publié en 2017 et totalement discrédité, accusant Donald Trump d’entretenir une relation clandestine avec l’État russe depuis les années 1980, et d’avoir conspiré avec le Kremlin pour renverser la démocratie américaine, était en grande partie basé sur des briefings privés de Christopher Steele, l’ancien espion du MI6, devenu un professionnel de l’intelligence économique auteur du faux dossier sur Trump et la Russie.

L’échec patent du Russiagate, depuis l’aveu du procureur spécial Robert Mueller sur l’absence d’éléments prouvant une quelconque collusion entre Trump et la Russie, a porté un coup mortel au crédit des médias américains – et européens – qui ont propagé ces mensonges durant deux années. Il a également mis en lumière les manigances des services secrets anglo-américains, dans le but de saboter toute détente, entente et coopération entre les grandes puissances, et avant tout les États-Unis, la Russie et la Chine.

Le tigre est blessé. Il est temps de le mettre en cage, avant qu’il ne devienne mangeur d’hommes...

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