États-Unis : vers un accord bi-partisan pour reconstruire les infrastructures ?

vendredi 10 mai 2019

Outre-Atlantique, dans le sillage de la fin de l’enquête du procureur spécial Robert Mueller – qui a dû admettre la nullité de l’accusation de collusion entre Trump et la Russie –, la voie s’ouvre pour le président américain tandis que les Démocrates sont divisés.

Comme le montre le fait qu’une pétition a réuni 10 millions de signatures pour la destitution de Trump, une partie de plus en plus radicalisée de l’opposition persiste dans la chasse aux sorcières contre Donald Trump, et tente de remettre debout le cadavre du Russiagate. D’autres Démocrates pensent qu’il est temps de mettre fin à ce suicide politique, surtout un an avant les élections présidentielles.

C’est ainsi qu’une douzaine d’élus démocrates du Congrès ont été reçus le 30 avril à la Maison-Blanche pour élaborer un plan de 2000 milliards de dollars sur dix ans pour les infrastructures – largement insuffisant, comme nous le verrons plus loin. À la sortie, la dirigeante de la majorité de la Chambre, Nancy Pelosi, et le dirigeant de la minorité au Sénat, Chuck Schumer, en dépit de plusieurs désaccords avec la politique de Trump, ont tous deux loué la « bonne volonté » du président sur cette question, et ont déclaré qu’un nouveau rendez-vous a été pris dans trois semaines à la Maison-Blanche, après que Trump aura proposé des moyens de financer le plan.

« Je vais prendre en main cela, a déclaré le président américain. Je souhaite faire quelque chose, et il se pourrait bien que cela ne soit pas typiquement [parti] républicain ». Désavouant le précédent plan de la Maison-Blanche pour les infrastructures, basé sur des partenariats publics-privés (PPP), Trump a déclaré : « Cette loi était stupide. C’était la loi de Gary [Cohn, son ancien conseiller économique, de Goldman Sachs, limogé depuis] ». Les PPP signifient que « vous vous faites avoir », a-t-il ajouté.

Bradley Bakeman, sur le site du journal The Hill suggère que Trump, en mobilisant le Trésor, pourrait émettre des obligations d’État pour les infrastructures (« MAGA-bonds »), une approche que le Président Franklin Roosevelt avait utilisé en son temps, et dans un contexte certes différent, en faisant voter par le Congrès, au profit de sa politique de « New Deal » , le budget de la Reconstruction Finance Corporation (RFC).

Une économie américaine mal en point

Les actuels conseillers économiques de Trump ne sont cependant pas plus brillants que leurs prédécesseurs. Larry Kudlow, qui a remplacé Gary Cohn, et Kevin Hassett, qui dirige le Council of Economic Advisors de la Maison-Blanche, sont tous deux apparus le 4 mai disant partout que l’économie américaine se trouvait dans un véritable « boom de prospérité » ; dans le même temps, la Maison-Blanche a publié une série de communiqués affirmant que l’économie est « en plein essor  » et qu’elle connaît un « torrent de nouveaux emplois ».

N’en déplaise aux néolibéraux et à leurs dupes, l’économie américaine n’est pas en bonne forme du tout ; les mesures fiscales de l’administration Trump, destinées à produire le fameux « ruissellement » cher à notre président Macron, n’y ont rien fait, et n’y feront rien. Et les statistiques glorieuses de l’emploi, brandies fièrement par le président américain, ne sont que le cache-sexe d’une réalité beaucoup moins glorieuse.

« Oui, les USA ont un taux de chômage bas. Mais à quel prix ? demande Denis Jacquet, sur le site Atlantico. Au prix de jobs mal payés, d’indépendants sortis des statistiques, qui ‘courent le cachet’, mais ne sont pas heureux pour autant, et qui ne voteront pas pour les Démocrates. Quand vous êtes mineur dans le charbon et que votre job, qui vous rapporte 100 000$ avec primes, est remplacé par un job de service à 25 000$, c’est votre vie et surtout votre avenir qui s’écroule. C’était ainsi au Royaume Uni avant le Brexit. Des économistes, toujours aussi éclairés, venaient sur les plateaux TV expliquer que tout allait bien en Angleterre, chiffre du chômage et de la croissance à l’appui, et ils furent bien dépourvus lorsque la sanction du vote tomba. Non, vous n’êtes pas heureux quand vous perdez 60% de votre pouvoir d’achat, et non, vous ne votez pas pour ceux qui ne vous ont pas protégé de ce déclin ».

La fracture territoriale, comme partout en Occident, creuse chaque jour un fossé plus béant entre l’Amérique des métropoles et l’Amérique périphérique. Les salaires, en particulier au bas de la pyramide, n’ont cessé de stagner : « Un ouvrier, corrigé de l’inflation et autres indices, ne gagne en 2018 que 4$ de plus de l’heure qu’en 1974 !  » écrit Denis Jacquet. 16 millions d’enfants sont en situation de malnutrition. Enfin, près de 20 millions d’Américains ont déserté le chômage, par désespoir de trouver un emploi, et sont sortis des statistiques – et la courbe de ce phénomène est exponentielle.

Un plan LaRouche

Les infrastructures américaines sont également dans un état de délabrement, plus avancé encore que dans la plupart des pays occidentaux, comme le montre l’American Society of Civil Engineers (ASCE) dans le diagnostic qu’elle publie chaque année depuis 1988. Les routes, aéroports, canaux, ponts, réseaux d’eau, écoles, hôpitaux, barrages, etc., se dégradent chaque jour, sous l’effet du sous-investissement dans la maintenance des infrastructures ; avec la double peine d’accroître au fur et à mesure le coût de la rénovation. Plus de 25 % des ponts ont plus de 50 ans, et près de 56 000 d’entre eux comportent des « déficiences structurelles » ; pas un seul des aéroports américain n’est classé dans le top 25 des aéroports les plus sûrs du monde ; les barrages ont 52 ans d’âge en moyenne ; selon le département du Transport, plus des trois quarts des routes américaines « ont besoin d’entretien et d’être rénovées ».

L’ASCE estime qu’il faudrait au moins 4500 milliards de dollars pour rénover l’ensemble des infrastructures existantes. Le plan de 2000 milliards de Trump est donc loin du compte. Comme le défend le Comité d’action politique de l’économiste Lyndon LaRouche (LPAC), il faudrait un plan d’investissement d’au minimum 10 000 milliards (pour remettre en état l’existant) et de 20 000 milliards (pour passer à une « plateforme supérieure »), associé à une vaste mobilisation de l’ensemble de la société – entreprises, collectivités, citoyens, etc – pour remettre sur pieds l’ensemble de l’économie américaine.

L’approche de LaRouche consiste à considérer l’infrastructure comme une « plate-forme économique » permettant à toute l’économie d’un pays de passer à un niveau supérieur. Cela implique :
 l’introduction de systèmes de transport utilisant des technologies nouvelles (comme le Maglev ou l’Aérotrain, qui permettent le transport rapide des passagers et le transport du fret à moindre coût) ;
 l’intégration de ces systèmes de transports et du réseau fluvial, avec la modernisation et la connectivité des ports intérieurs et maritimes ;
 le développement du réseau de gestion de l’eau à de nouvelles échelles et utilisant également des technologies nouvelles (comme le projet NAWAPA– pour North American Water And Power Management : dessalement de l’eau de mer, ionisation de l’atmosphère, etc) ;
 le développement de nouvelles capacités énergétiques avec les centrales nucléaires de quatrième génération et l’énergie de fusion.

Une telle approche nécessite bien entendu la mise en place d’un nouveau système international de crédit, basé sur de nouvelles institutions nationales de crédit public (comme nous le défendons ici avec la renationalisation de la Banque de France) et sur des accords entre les principales puissances économiques autour de projets communs, telles que les Nouvelles Routes de la soie.

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