Macron : sa transition énergétique et la nôtre

mardi 18 décembre 2018, par Karel Vereycken

Une première mondiale. Raccordé en juin avec succès au réseau électrique chinois, le premier des deux réacteurs EPR construits à Taishan, dans la province du Guangdong, est entré en service le 14 décembre.
EDF

Le 27 novembre 2018, Emmanuel Macron a présenté à l’Elysée sa politique en matière d’énergie pour les 10 ans à venir.

Prisonnier de son image de défenseur solitaire du frauduleux « accord de Paris » sur le climat (la COP21), le Président s’est livré une fois de plus à un dangereux exercice de rhétorique.

Pour respecter les engagements du gouvernement en matière de réduction des gaz à effet de serre d’ici 2030, et aller vers la neutralité carbone à l’horizon 2050, l’objectif de réduire la consommation d’énergies fossiles de 40 % d’ici à 2030 (par rapport à 2012) reste de mise.

Le coup de pouce accordé aux énergies vertes passera de 5 milliards par an à « 7 à 8 milliards », a promis Emmanuel Macron.

En pleine grogne sociale autour de la fiscalité écologique, le chef de l’Etat a martelé son exigence d’une énergie propre certes, mais pas trop chère :

Nous concentrons nos efforts sur le développement des énergies renouvelables les plus compétitives et, parce que nous veillons au pouvoir d’achat des Français, nous serons exigeants avec les professionnels sur la baisse des coûts.

Plus précisément, Macron a annoncé :

  • la réduction de la consommation de certaines hydrocarbures (notamment par la fermeture des quatre dernières centrales au charbon, des primes pour l’abandon des chaudières au fioul et un ensemble de mesures fiscales incitatives),
  • la réduction de la part du nucléaire dans le bouquet énergétique (qui passera de 71,6 % à 50 % d’ici 2035),
  • l’augmentation du photovoltaïque (multiplié par 5) et de l’éolien terrestre (multiplié par 3 d’ici 2028).

Le tout en prenant soin de ne pas faire trop de dépenses supplémentaires (UE et révolte fiscale obligent)... Or, toutes ces mesures passent à côté de l’essentiel : la réindustrialisation qu’attend notre pays.

« Electricité » n’est pas égale à « énergie »

Avant d’aller plus loin, voici quelques chiffres tirés du rapport Balances de l’Agence internationale de l’Energie (OCDE).

En 2016, avec 71,6 % de son électricité (et non pas de son énergie) d’origine nucléaire, la France se place toujours au 1er rang mondial. Le reste de son électricité provient essentiellement des barrages (10,1 %), de l’éolien (4,5 %) et de centrales thermiques fossiles (fioul, gaz, charbon).

Rappelons cependant que l’électricité ne représente que 25 % de l’énergie « finale » consommée. En clair, nous tirons notre énergie :

  1. de combustibles fossiles : 67,7 % (charbon 2,0 %, pétrole 43,5 %, gaz naturel 22,2 %),
  2. du nucléaire : 18,1 %,
  3. des énergies renouvelables : 14,2 % (biomasse-déchets 9,7 %, hydraulique 2,9 %, éolien 1,0 %, solaire 0,4 %, autres 0,2 %).

Sans souscrire ni à leurs analyses ni à leurs propositions, on comprend donc aisément que pour les écologistes qui fantasment sur la sortie totale du nucléaire, le compte n’y est pas. En effet, l’on ne voit pas comment, en multipliant le 0,4 % du solaire par cinq et le 1 % de l’éolien par trois, l’on créera les conditions pour « empêcher la fin du monde », c’est à dire réduire la consommation des hydrocarbures et abandonner le nucléaire…

L’héritage empoisonné de Martine Aubry

Cécile Duflot et Martine Aubry, artisans du désastre.

Sur le nucléaire, tout en retardant le calendrier, Macron, sans doute à contrecœur, ne fait que valider le « deal » signé en novembre 2011 sur un coin de table entre Martine Aubry et Cécile Duflot (EELV) pour rallier les écologistes à la campagne de François Hollande.

En signant ce « pacte de coalition », EELV, à qui on sacrifiait, sans motif réellement valable, un réacteur de la centrale de Fessenheim, acceptait de renoncer à la « sortie (complète) du nucléaire », se contentant d’une réduction de sa part à 50 % pour 2025. C’est là qu’est né le « plan prévoyant la réduction d’un tiers de la puissance nucléaire installée par la fermeture progressive de 24 réacteurs, en commençant par l’arrêt immédiat de Fessenheim et ensuite des installations les plus vulnérables ». Hollande, qui avait découvert le deal par la suite, avait approuvé cette petite cuisine tout en suggérant que pour les Français qui « veulent qu’il y ait une sortie du nucléaire, il y avait la candidature d’Eva Joly ».

Fermer 14 réacteurs nucléaires ?

Lors de son annonce, Macron a annoncé que son plan « commencera par la fermeture des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim, à l’été 2020 ».

Aussi bien sur le plan économique, financier, scientifique que technique, c’est du gâchis. Entrés en opération en janvier 1978, ces réacteurs n’auront fonctionné pendant seulement 42 ans alors qu’on a fait ce qu’il faut et investi pour prolonger leur durée de vie jusqu’au moins 60 ans.

Alors que le nucléaire émet très peu de CO2, le ministre de la Transition écologique, le lumineux François de Rugy a précisé que : « pour atteindre les objectifs de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, outre Fessenheim, il faudra fermer quatre réacteurs avant 2028. Plus éventuellement deux réacteurs supplémentaires avant 2030 ». Ensuite, six autres réacteurs de 900 mégawatts pourraient fermer d’ici à 2035. Cela fait 14 en tout :

  • Fessenheim, 2 sur 2 ;
  • Le Bugey, 4 sur 4 ;
  • Tricastin, 3 sur 4 ;
  • Dampierre, 1 sur 4 ;
  • St-Laurent-les-Eaux, 1 sur 2 ;
  • Gravelines, 3 sur 6.

Affirmation surréaliste et totalement incohérente lorsqu’on sait que le nucléaire offre une électricité à très faible impact sur le climat – comparable, voire inférieur (au MWh produit), à l’éolien, au solaire ou à l’hydraulique. Un avantage massif, au regard du charbon et du gaz, source de près de 70 % de l’électricité mondiale et dont la combustion émet du CO2, accusé par les catastrophistes de provoquer le chaos climatique. Le GIEC lui-même estime que le nucléaire peut jouer un rôle positif sur ce plan.

La bonne nouvelle, c’est que le gouvernement ne semble pas lui-même croire à ce qu’il annonce et pose des conditions assez contraignantes pour toutes ces fermetures :

Il faudra en effet remplir plusieurs conditions, précise le ministre de l’Environnement. D’abord, la sécurité d’approvisionnement en électricité devra être assurée. Ensuite, nous devrons nous assurer que les autres modes de production, à commencer par le renouvelable, auront bien pris le relais.

Traduction : si le niveau de production d’électricité est jugé insuffisant, la fermeture de certains réacteurs pourra être repoussée.

D’autant que l’on peut redouter dans les années à venir une nette augmentation de la consommation d’électricité, a justifié François de Rugy, du fait notamment de l’apparition de nouveaux usages, ou du développement de la voiture électrique.

Timidité nucléaire

Une autre annonce prouve que Macron n’est pas aussi stupide que ses propres annonces le font croire. Car le gouvernement a officiellement donné son blanc-seing à EDF pour qu’il travaille sur l’étape d’après.

L’EPR doit faire partie du bouquet technologique de demain, a déclaré Emmanuel Macron. Je demande à EDF de travailler à l’élaboration d’un programme pour le nouveau nucléaire.

D’après Le Parisien, EDF n’a pas attendu l’autorisation de l’Etat, son actionnaire principal (à 83,5 %), pour élaborer plusieurs pistes :

  • soit un EPR « bas de gamme », en revoyant le niveau de certaines exigences à la baisse ;
  • soit en développant le principe des SMR (Small Modular Reactor), des petits réacteurs modulaires d’une puissance largement inférieure (moins de 300 MW, contre 1 650 MW pour l’EPR), dont certains éléments peuvent être assemblés directement en usine. EDF s’est d’ailleurs récemment lancée dans une grande campagne d’acquisition de terrains autour de ses centrales pour préparer l’arrivée de ces nouveaux types de réacteurs.

Transition vers des énergies plus denses

Pour déclencher une réaction de fusion nucléaire, le laser jouera un rôle de premier plan.

Noyé dans un océan de démagogie, de confusion et d’incompétence, tout cela n’est pas à la hauteur des défis de demain.

Comme l’a exposé Jacques Cheminade lors de sa campagne présidentielle,la seule « transition énergétique » qui vaille, c’est celle vers des formes d’énergie plus denses et donc, par leur nature-même, plus économes, plus efficaces et moins génératrices de déchets durables.

L’énergie du futur reste la fusion nucléaire, une technologie de rupture permettant de dépasser l’épuisement fatal de nos ressources actuelles et le surpeuplement relatif qu’il engendre si l’on limite la présence humaine à la seule Terre.

Pour S&P, afin de « faire le pont » dans les trente ans à venir entre le nucléaire d’aujourd’hui (filière uranium/plutonium) et le nucléaire du futur proche (fusion thermonucléaire par confinement inertiel ou magnétique), l’EPR nouveau modèle et, dès demain, les réacteurs aux neutrons rapides (RNR) et la filière de réacteurs aux sels fondus utilisant le thorium s’avèrent incontournables.

Mis à part l’EPR, il s’agit là de véritables « technologies de rupture » permettant l’utilisation de températures plus élevées à des fins industrielles ainsi que l’utilisation d’une partie des déchets radioactifs existants comme combustible.

En ne faisant pas ce choix, la France, pays de Becquerel et des Curie, rate l’occasion de renouer avec sa vocation de leader dans ce domaine. D’autres pays travaillent dur pour prendre cette place.