Accusations de cyberattaques russes : cent ans après 1918, on cherche de nouveau un prétexte ?

lundi 8 octobre 2018

Jeudi dernier, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, appuyés par l’Australie, et ensuite les États-Unis, le Canada, l’UE et l’OTAN, ont accusé le renseignement militaire russe (GRU) d’avoir mené une série d’attaques et de piratages cybernétiques contre l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), l’Agence mondiale antidopage, le Parti démocrate américain, etc.

Bien qu’il soit impossible d’affirmer si ces accusations sont fondées ou non, il est évident qu’il s’agit là d’une action concertée de guerre psychologique, dont le but est de nourrir le sentiment russophobe parmi les populations occidentales, et surtout américaine, afin d’accroitre le climat d’hystérie dans la campagne des élections de mi-mandat. Car personne n’ignore que la NSA américaine et son homologue britannique le GCHQ (« les grandes oreilles » de la couronne) pratiquent le cyberespionnage et les cyberattaques partout sur la planète, dans des proportions pharaoniques que rien ni personne ne saurait égaler.

Aux États-Unis, comme nous l’avons rapporté dans notre précédente chronique, une véritable démence s’empare d’une partie de la classe politique et de la population, exacerbée par une machine médiatique s’emballant dans la démesure et la bêtise.

Sur Fox News, l’animateur-vedette Tucker Carlson, horrifié par cette hystérie, rappelle qu’il a grandi dans un milieu libéral sur la côte Ouest, en Californie, puis à Washington D.C, où les gens étaient attachés à liberté d’expression, aux procédures judiciaires équitables et aux valeurs libérales fondamentales ; aujourd’hui, les mêmes personnes s’opposent à la liberté d’expression et accusent à tort et à travers, considérant que tout accusé est coupable tant qu’il n’a pas prouvé son innocence.

Pour Alan Dershowitz, célèbre professeur de droit, les accusations contre le juge Kavanaugh (qui vient d’être confirmé par le Sénat à la Cour suprême), constituent un précédent très dangereux de « maccarthysme sexuel ». Désormais, n’importe qui peut accuser n’importe qui de l’avoir violé cinquante ans auparavant, sans présenter aucune preuve, rendant coupable cette personne dans un environnement complètement malsain de lynchage populaire et médiatique.

Les élections de mi-mandat, un enjeu stratégique

Comme nous l’avons dit, les élections du 6 novembre aux États-Unis représentent un enjeu dont la portée stratégique sera mondiale. Un basculement du Congrès du côté des Démocrates redonnerait la main aux milieux néoconservateurs, qui engageraient rapidement une procédure de destitution contre le président. Et, quoi que l’on pense de Trump, cela aurait pour effet immédiat de miner les efforts laborieux de détente et d’entente entamés ces derniers mois entre la Russie et les États-Unis, notamment avec le sommet d’Helsinki, et de mettre le monde sur le chemin de la guerre.

Comme bien souvent, les développements décisifs ne se déroulent pas sous les feux des projecteurs médiatiques. En effet, l’ensemble du montage accusant la Russie de collusion et d’interférence dans les élections américaines de 2016 — le soi-disant « Russiagate » –, est en cours d’effondrement, et c’est un véritable compte-à-rebours qui se joue d’ici au 6 novembre.

Rod Rosenstein, numéro deux du Département de la Justice (DOJ), qui se trouve au cœur de la cabale cherchant à défaire la présidence Trump, sera entendu le jeudi 11 octobre par le Congrès, dans les Commissions de la Chambre menant la contre-enquête du Russiagate. Le 3 octobre, James Baker, ancien conseiller général du FBI, a admis devant les élus du Congrès qu’il avait reçu des documents de la part de Perkins Coie, le cabinet d’avocats du Comité national du Parti démocrate (DNC) et d’Hillary Clinton – documents qui ont ensuite été utilisés par le FBI et le DOJ pour mettre illégalement sous écoute des membres de l’équipe de campagne de Trump.

Dans le même temps, la pression se fait de plus en plus grande pour que soient déclassifiés tous les documents concernant le Russiagate, comme Trump l’a promis le 17 septembre. S’il est donné au public américain de voir ces documents, et que l’affaire du Russiagate apparaît pour ce qu’elle est vraiment — c’est-à-dire une interférence dans les élections de 2016 par le FBI, le DOJ, la machine Clinton et les services britanniques (lire à ce sujet notre article du 6 juin 2018) — alors le président américain sera libre de mener la politique qu’il entend dans la seconde partie de son mandat. Et surtout de remettre les relations américano-russes sur de bons rails.

Mais rien n’est joué, et le pire peut arriver.

L’OTAN roule des mécaniques

Du 25 octobre au 24 novembre, c’est-à-dire avant et après les élections américaines, l’OTAN dirigera l’opération Trident Juncture 2018. Il s’agit des exercices militaires les plus importants depuis la fin de la Guerre froide, qui se dérouleront en Norvège, en mer du Nord et en mer Baltique, avec la participation de 45 000 soldats, dont 10 000 Allemands ! Pour la première fois depuis la seconde Guerre mondiale, l’Allemagne se retrouvera en première ligne d’une attitude belligérante vis-à-vis de la Russie.

Ces dernières semaines, les provocations se sont multipliées à l’égard de la Russie, ainsi que de la Chine (lire notre chronique La géopolitique souffle sur les braises entre l’oncle Sam et le dragon chinois). Le 2 octobre, l’ambassadrice américaine à l’OTAN Kay Bailey Hutchison a accusé la Russie de violer le Traité de non-prolifération d’armes nucléaires à portée intermédiaire (INF), en affirmant que les États-Unis pourraient « s’emparer » de ces armes. Face à cette menace à peine voilée d’attaque préemptive, les médias se sont emballés, forçant Hutchison à revenir sur ces déclarations.

« On a l’impression que les personnes qui font de telles déclarations n’ont pas conscience du niveau de leur responsabilité et du risque que représente une telle rhétorique agressive, a déclaré Maria Zakharova, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères. Qui a habilité cette dame à faire de telles déclarations ? Le peuple américain ? Les citoyens américains savent-ils que de prétendus diplomates payés par leurs impôts se comportent de manière agressive et destructive ? »

Par la suite, ce fut au tour de Curtis Scaparrotti, commandant des forces armées américaines en Europe, de surenchérir en déclarant que l’OTAN était déjà en guerre avec la Russie, même s’il n’y a pour l’instant pas d’affrontement direct.

La réalité, aussi peu rassurante qu’elle puisse être, est que le président Trump représente aujourd’hui la dernière digue empêchant les États-Unis de se jeter des deux pieds dans une logique de guerre avec la Russie et la Chine, comme l’a récemment dit Willy Wimmer, un ancien responsable du ministère allemand de la Défense...