Communiqué de Jacques Cheminade

« C’est pas moi, M’sieur »

mercredi 19 juin 2002

Réponse de Jacques Cheminade à MM. Guillaume Dasquié et Jean Guisnel à propos de L’effroyable mensonge

MM. Guillaume Dasquié et Jean Guisnel viennent de publier L’effroyable mensonge pour s’en prendre à L’effroyable imposture, de Thierry Meyssan. M. Jean-Dominique Merchet, dans le numéro de Libération du 12 juin 2002, voit dans leur collaboration « &ce qui restera comme un modèle d’enquête ».

Il s’agit en fait d’un amalgame rédigé à la hâte, qui ne mériterait pas de commentaire de ma part si M. Lyndon LaRouche et moi-même n’y étions gravement mis en cause. Pour cette raison, un certain nombre de points méritent ici d’être clarifiés.

1) MM. Dasquié et Guisnel estiment que Lyndon LaRouche serait « l’inspirateur » de la « théorie du complot » de Thierry Meyssan, ce que reprend M. Merchet. L’un des sous-titres du chapitre 5 de L’effroyable mensonge va jusqu’à dire&n bsp ; : « LaRouche/Cheminade/Meyssan, même combat ». Les auteurs adoptent ainsi, sans scrupules intellectuels, une « théorie du complot » qu’ils s’empressent de dénoncer chez autrui.

Le comble du ridicule est atteint lorsqu’ils se servent de simples initiales (les miennes, J.C.) pour étayer leur thèse de ma collaboration avec M. Meyssan, alors que ni M. LaRouche, ni moi-même ne l’avons jamais rencontré. Au demeurant, M. Meyssan, pour des raisons que j’ignore, s’est livré lui aussi, il y a quelques années, à quelques élucubrations hostiles à mon encontre.

2) Certes, M. LaRouche et moi-même ne croyons pas à la fable suivant laquelle les attentats du 11 septembre dernier auraient pu être exclusivement organisés par M. Ben Laden et le réseau Al-Qaida sans complicités intérieures américaines. Pour ses propres raisons, M. Meyssan non plus. Il s’agit là d’un point indéniable de convergence.

Cependant, alors que M. Meyssan met en exergue de son ouvrage un certain nombre de faits spectaculaires - notamment le refus de croire qu’un avion se soit écrasé sur le Pentagone - M. LaRouche et moi-même avons formulé un jugement d’ensemble. Prenant en compte l’histoire récente des rapports de force aux Etats-Unis et évaluant les moyens nécessaires à mettre en oeuvre les crimes du 11 septembre, notamment l’attaque contre le Pentagone, nous en avons conclu que seules des complicités intérieures américaines pouvaient fournir une explication rationnelle à ces événements.

Surtout, nous avons établi le lien entre ce qui se passe actuellement aux Etats-Unis et la crise monétaire et financière internationale. Dans une situation d’effondrement du système, le « cancer financier » manifeste ses métastases politiques, militaires et idéologiques. Une fuite en avant vers l’illusion d’un empire américain se trouve ainsi ouvertement prônée par de nombreux conseillers de George W. Bush. C’est à ces milieux que profite le crime.

Et c’est conformément à leurs orientations que le président a pu annoncer le 1er juin à West Point, que les Etats-Unis adoptaient vis-à-vis de leurs ennemis extérieurs une doctrine militaire de frappe préventive, à l’opposé de leur comportement antérieur, et vis-à-vis de leurs ennemis intérieurs une série de mesures attentatoires aux libertés publiques.

3) MM. Dasquié et Guisnel affirment que Lyndon LaRouche serait « connu comme le loup blanc aux Etats-Unis pour ses délires antisémites » et qu’il y est « souvent accusé de néonazisme et d’antisémitisme ». Répercuter ce type de contre-vérités revient à tenter de noyer le chien en l’accusant d’avoir la rage. Attitude pour le moins servile vis-à-vis de sources faciles à identifier. En effet, les milieux qui accusent LaRouche aux Etats-Unis sont ceux qui, du même élan, affirment que la France est devenue un pays antisémite et peu fréquentable.

4) Un début d’explication au surréaliste amalgame de MM. Dasquié et Guisnel ne peut se trouver que dans leur crainte de voir l’explication officielle remise en cause. Cités par M. Merchet, ils affirment : « Une partie des Français adore ces hurluberlus venant leur dire qu’on leur cache la vérité. » Et encore, page 65 de leur ouvrage : « Un parti pris [celui de la « thèse du complot »] relativement répandu dans les services de renseignement français, où la paranoïa naturelle de nombreux agents secrets les conduit souvent à privilégier systématiquement l’existence de conspirations pour expliquer les événements qui échappent à leurs champs de compétence. »

« Une partie des Français », « relativement répandu dans les services de renseignement français » : l’épidémie se répandrait donc. C’est là qu’interviennent MM. Dasquié et Guisnel pour dire à leurs amis, américains ou autres, « c’est pas moi, M’sieur ». Et pour dédouaner les responsables politiques et du renseignement français, en montrant bien que les « gens sérieux », à Paris, n’envisagent pas un instant une « complicité intérieure américaine ». Seuls pourraient y songer MM. Jah, Rattier, Marty-Vrayance, Meyssan, LaRouche et Cheminade. Qu’importe s’il s’agit d’une énumération à la Prévert à laquelle il ne manque que le raton-laveur. Toute accusation est bonne à jeter, tout amalgame à faire, pour qui se trouve pressé de blanchir les siens.

5) Dans L’effroyable mensonge court constamment le thème des « faiblesses de nos démocraties ». Les auteurs souhaiteraient-ils autre chose ? A voir leur acharnement, leur méthode et leur attachement à une pensée unique, la question mérite d’être posée. Après tout, Samuel Huntington, l’auteur du Choc des civilisations, que MM. Dasquié et Guisnel estiment innocent de toute implication, même intellectuelle, dans les événements du 11 septembre et dans ce qui s’ensuit actuellement,, ne pense-t-il pas qu’il « y a aussi des limites désirables à... la démocratie politique » (rapport à la Commission trilatérale sur la gouvernabilité des démocraties, 1975) ?

C’est en tout cas dans une « effroyable confusion » que se trouvent les responsables français de la politique et des médias, et leur peur d’en arriver aux conclusions qui s’imposent et de réagir face à ce qui vient, leur fait jeter en tous sens une encre abondante, comme la seiche lorsqu’elle se sent menacée.