Frappes en Syrie : un précédent extrêmement dangereux

mercredi 2 mai 2018

Il faut le dire et le redire : les frappes franco-américano-britanniques du 14 avril constituent une violation flagrante du droit international établi à l’issue de la victoire contre le nazisme et le fascisme, à la fin de la deuxième Guerre mondiale.

En s’engageant dans cette voie, le président français – qui, en arrivant à l’Élysée, avait dénoncé l’erreur de la guerre en Libye et promis de mettre fin à « dix ans de néoconservatisme importé en France » – a mis le doigt dans un dangereux engrenage. Aujourd’hui, la question se pose : alors qu’il se comporte comme un vulgaire zadiste en Syrie, quelle légitimité peut-il encore avoir lorsqu’il veut (en même temps) rétablir le droit et l’ordre républicain à Notre-Dame-des-Landes, dans les universités, ou dans les manifestations publiques ?

En Allemagne, alors que la chancelière Angela Merkel avait déclaré quelques heures après les frappes que l’opération était « nécessaire et appropriée », le service juridique du Bundestag, vient de rendre un rapport affirmant que les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont effectivement violé le droit international : « L’utilisation de la force militaire contre un État pour punir la violation d’une convention internationale commise par cet État est une violation de l’interdiction légale internationale de la violence », peut-on lire dans ce rapport de onze pages, élaboré à la demande de plusieurs partis politiques ainsi que par l’agence de presse allemande DPA.

La justification apportée par la Grande-Bretagne, faisant valoir que le droit international autorise des exceptions dans les cas où des souffrances humaines peuvent être évitées, y est également rejetée comme étant « peu convaincante ». Selon les chercheurs du Bundestag, ces conditions n’étaient pas remplies.

Illégitimité et inconstitutionnalité

Embarrassés par cette question de l’illégalité des frappes, les amnésiques d’aujourd’hui – c’est-à-dire ceux qui en 2003 ne croyaient pas aux mensonges sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein et s’opposaient à la guerre de Bush et de Blair en Irak – bottent en touche en reprenant l’argument de la « légitimité » invoqué par Macron.

Pourtant, cet argument n’est pas tenable non plus. Comme le fait remarquer Hélène Terrom, docteur en droit et maître de conférences en droit public à l’Université catholique de l’Ouest, dans sa tribune du 18 avril, la décision de l’opération était prise le dimanche précédant les frappes, c’est-à-dire à un moment où aucune preuve officielle de l’attribution de l’attaque chimique n’avait été apportée. De plus, l’usage de la force a été décidé avant même que les inspections de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) n’aient pu débuter à Douma.

Emmanuel Macron a donc engagé la France dans une opération illégale et illégitime au regard du droit international ; mais « a-t-il au moins agi dans le respect de la Constitution ? » demande enfin Hélène Terrom. Rien n’est moins sûr, car si selon l’article 15, le chef des armées (le président) est libre de décider d’engager les forces, « il l’est dans le cadre des missions qui lui sont dévolues par l’article 5 ». Et puisque l’intégrité territoriale de la France n’a pas été menacée par la République arabe syrienne, Mme Terrom se demande très justement si ce n’est pas plutôt l’indépendance nationale qui est menacée, en raison de la décision du président Macron de l’aligner sur la position anglo-américaine...

La vérité qui dérange

Depuis les frappes, les témoignages en provenance de Douma s’accumulent, confirmant sans exception que l’attaque chimique était une mise en scène, autrement dit une « attaque sous fausse bannière ». Dix-sept témoins, médecins et civils syriens, ont raconté cette mise en scène devant la tribune de l’OIAC à la Haye, le 26 avril.

Et, tandis que la quasi intégralité des grands médias – notamment français – continue de marteler la narrative de l’attaque chimique, la chaîne publique allemande ZDF a rompu le charme. Le 22 avril, lors du journal télévisé Heute, diffusé à une heure de grande écoute, le correspondant de la chaîne au Moyen-Orient, Uli Gack, a rapporté les témoignages qu’il a obtenu sur place : « l’attaque chimique de la Douma était plus que probablement une mise en scène, de très nombreuses personnes ici en sont convaincues », a-t-il affirmé. Il a également cité le célèbre journaliste du journal britannique The Independant Robert Fist, qui s’est rendu sur place et avait publié un reportage similaire.

Face à ce travail courageux du reporter, ou du moins honnêtement objectif, les autres médias comme le Bildzeitung et le magazine Focus, se sont déchaînés contre lui comme des véritables « chiens de garde », l’accusant de tomber dans « la théorie du complot », ce qui a conduit la direction de ZDF à prendre ses distances avec le reportage. Comme l’a noté Helga Zepp-LaRouche, la présidente de notre parti-frère en Allemagne le Büso, il s’agit là d’un exemple classique de « mise au pas », faisant référence au Gleichschaltung (souvent traduit par « synchronisation »), le terme historique indiquant le processus de purge mis en œuvre par le régime nazi entre 1933 et 1934 dans l’ensemble de la société allemande, suite à l’incendie du Reichtag – un précédent historique d’ « attaque sous fausse bannière ».

Il est temps de sortir les Français de l’engourdissement cérébral dans lequel ils se sont laissé aller. Nous ne devons pas permettre que le monde dérive dans une situation de non-droit où régneraient la loi de la jungle et la survie du plus fort. C’est une voie extrêmement dangereuse. N’oublions pas où nous ont conduit les précédentes guerres d’agression.