Les néocons à l’assaut de la paix mondiale

vendredi 26 janvier 2018

Syrie, Corée du Nord, Ukraine… En ce début d’année, les foyers de tensions se rallument dans le monde, mettant en évidence une offensive générale des forces néoconservatrices de Londres et Wall Street contre le potentiel de paix, qui n’a pourtant jamais été aussi grand. Face à l’échec du Russiagate, qui n’est autre qu’une tentative de coup d’État contre la présidence américaine, et dont l’objectif est de tuer dans l’œuf la détente amorcée tant bien que mal avec la Russie et la Chine, ces forces font tout leur possible pour prendre au piège Donald Trump, en exploitant ses (abondantes) faiblesses, et pour le pousser à rallier leurs plans.

C’est ainsi que Trump a adopté la nouvelle « stratégie de sécurité nationale », promue par les plus belligérants de son administration, comme le secrétaire à la Défense Jim Mattis et le vice-président Mike Pence, et qui définit la Russie et la Chine comme les principales menaces pour les États-Unis, avant même le terrorisme. Les dirigeants russes et chinois ont lancé plusieurs avertissements clairs sur les dangers implicites de cette nouvelle doctrine, tout en maintenant le dialogue avec les États-Unis à propos de la Corée du Nord, le Proche-Orient et l’Ukraine.

Mais combien de temps cela pourra-t-il tenir ? Dans un entretien avec le Financial Times en marge du Forum économique mondial de Davos, le dirigeant de la banque russe VTB Andrey Kostin, proche de Vladimir Poutine, souligne l’inquiétude des Russes vis-à-vis de la situation très dangereuse créée par les déploiements de l’OTAN en Europe de l’Est. « Nous sommes au début d’une nouvelle course à l’armement », dit-il. Kostin met en garde contre la menace de nouvelles sanctions contre la Russie brandie par le Congrès américain. « Toute sanction économique à l’encontre de nos institutions serait considérée comme un acte de guerre. Après cela, l’ambassadeur de Russie n’aura plus aucune raison de davantage rester à Washington et, de même, l’ambassadeur des États-Unis n’aura plus de raison de rester à nager dans les eaux froides de Moscou. Je pense qu’il s’agit d’une situation pire que celle de la guerre froide, ce qui est très dangereux. Le Congrès joue avec le feu, car la relation va de mal en pis et nous n’en sommes pas responsables ».

Réchauffer les vieux plats

À l’initiative d’un gouvernement français qui semble avoir oublié son engagement à en finir avec « un néoconservatisme importé depuis dix ans en France  », comme l’avait dit Macron en juin 1017, s’est tenue le 23 janvier à Paris la conférence pour le « Partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques », offrant un terrain idéal pour l’offensive des néocons. Le secrétaire d’État américain, Rex Tillerson, dont nous avons vu les errements quasi schizophrènes la semaine dernière à propos des opérations militaires américaines au Nord de la Syrie, a accusé la Russie de porter la responsabilité de la supposée attaque chimique survenue la veille dans la ville de Douma, à l’Est de Damas. Elle aurait violé, selon lui, l’accord passé en 2013 avec les États-Unis, où la Russie garantissait de vérifier que l’intégralité du stock d’armes chimiques détenu par le gouvernement syrien était bien détruit. Accusation tout à fait hasardeuse, alors qu’il n’a même pas encore été prouvé qu’il s’agissait bien d’une attaque aux armes chimiques.

L’ambassadrice américaine à l’ONU Nikki Haley, qui n’en rate pas une, a hurlé à « l’assassinat » du mécanisme d’enquête conjoint ONU-OIAC, disant que cela démontrait que la Russie « considère comme acceptable l’utilisation d’armes chimiques ».

La réponse de Moscou a été immédiate. Selon l’agence russe TASS, le vice-ministre des Affaires étrangères Sergey Ryabkov a déclaré que les remarques de Tillerson étaient « absolument inacceptables » et que « nous ne pouvons pas travailler avec les États-Unis sur cette base ». Ryabkov a ajouté qu’il espérait que Washington parviendra à « se calmer » et à prendre davantage en compte « ce qui se passe autour d’elle, y compris les propositions faites par les Russes ». Mercredi, le porte-parole du Kremlin Dmitry Peskov a ajouté que « nous ne sommes pas du tout d’accord avec l’approche adoptée par les Américains, qui ont mis sous le tapis toute véritable enquête sur les cas antérieurs d’utilisation d’armes chimiques ».

Côté britannique, où l’on prend d’habitude bien soin à ne pas trop apparaître en première ligne, le général Sir Nick Carter, chef d’état-major de l’armée, s’apprête à délivrer ce que le London Times décrit comme un « discours rare », dans lequel il appellera la Grande-Bretagne à se préparer davantage à une guerre contre la Russie, et demandera aux responsables du gouvernement d’accroître les investissements dans la Défense. Selon le London Times, le général « compter souligner la capacité du président Poutine à lancer des missiles à longue portée et à déployer rapidement un grand nombre de troupes de combat, ainsi que la menace posée par la guerre cybernétique. La Grande-Bretagne ne peut pas se permettre de rester les bras croisés ».

La toile de fond de tout cela est l’effondrement imminent du système financier international. William White, célèbre économiste de l’OCDE, a évoqué à Davos la situation inextricable actuelle, où la continuation comme l’interruption de la politique d’assouplissement quantitatif (QE) ne peuvent que conduire à une explosion. L’effondrement du système financier est par conséquent inévitable, comme il l’a expliqué dans son entretien avec le Daily Telegraph, à cause des politiques de renflouement menées par les banques centrales depuis 2008. « Tous les indicateurs des marchés sont actuellement très similaires à ce que nous avons connu avant la crise de Lehman [brothers], mais c’est comme si la leçon n’avait pas été retenue », a-t-il souligné. Selon William White, avec les programmes d’ « assouplissement quantitatif » (« quantitative easing », ou QE), « les banques centrales ont jeté de l’huile sur le feu ».

Le problème est que, hormis le représentant chinois Liu He, aucun des dirigeants politiques ayant participé au Forum économique de Davos, que ce soit Macron, Merkel ou le Premier ministre indien Modi, n’a évoqué cette question fondamentale. À nous de changer leurs priorités, avant que le krach ou la guerre ne s’en chargent !