Macron en Chine : la planète des néocons s’affole

mardi 16 janvier 2018

Le voyage d’État du président français en Chine, où il a annoncé l’intention franche de notre pays et de l’Europe de participer aux Nouvelles Routes de la soie, représente une véritable percée. En France, aux États-Unis et ailleurs, les idéologues néoconservateurs de droite comme de gauche, les serviteurs du système géopolitique transatlantique, et autres idiots utiles, feront tout pour que cela ne se sache pas et pour en minimiser l’impact, voire tenteront de « remettre le dentifrice dans le tube ».

Forcée de prendre les devants, trois jours après le discours d’Emmanuel Macron à Xi’an, l’Union européenne a fait savoir par la voix de son ambassadeur en Chine, Hans Dietmar Schweisgut, qu’un « projet d’interconnexion pour le continent européen » était en cours d’élaboration, avec pour objectif de faciliter la coopération avec la Chine et les autres pays d’Asie participant à l’initiative de la ceinture et la route (Belt and Road Initiative – BRI). Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Lu Kang, a salué cette annonce, assurant que « la partie européenne est la bienvenue dans la BRI ; nous sommes prêts à travailler avec eux pour une coopération gagnant-gagnant dans l’interconnexion ainsi que dans d’autres domaines ».

En Allemagne, le voyage de Macron en Chine a sans doute aidé les trois partis (CDU, CSU et SPD) à accélérer les négociations afin de former une coalition gouvernementale. Car il est évident que l’Allemagne va vouloir jouer un rôle dans ces développements. Si la nouvelle coalition finit par s’installer à Berlin, les conditions d’une initiative franco-allemande en faveur d’une coopération européenne à la Nouvelle Route de la soie pourraient voir le jour. Les célébrations qui vont se dérouler à Paris et à Berlin le 22 janvier, pour le 55e anniversaire du Traité de l’Élysée de 1963, en offriront une occasion. Bien qu’on ignore le contenu complet des discussions, il est notable que durant les cinq jours de négociations pour la formation d’un nouveau gouvernement allemand, les trois partis se soient mis d’accord pour apporter un nouveau souffle aux relations franco-allemandes, et à l’intégration européenne.

En France, la Sorbonne a annoncé une série de onze séminaires sur la Nouvelle Route de la soie, dont le premier sera animé par l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin.

« On préférerait que vous continuiez à penser petit »

Dans une analyse intitulée «  L’irrésistible ascension de la Chine est facilitée par le retrait de Trump », le Washington Post tente de relativiser la visite de Macron en Chine, en affirmant qu’il ne fait que profiter du vide laissé par le président américain. « Le président français s’est délibérément plié au sens du passé de la Chine », écrit le journal, qui cite ensuite un prétendu expert selon lequel « parmi les puissances mondiales ayant dominé le XIXe siècle, seule la Chine a su régénérer son empire ».

Le rédacteur en chef du journal Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), principal quotidien libéral allemand, écrit à cet effet que la Chine est en train de devenir un État policier auprès duquel le 1984 de George Orwell fait pale figure. À la veille du discours de Macron à Xi’an, l’édition dominicale du FAZ a publié sur quatre pages une attaque au vitriol contre la Chine, l’accusant de dictature communiste numérique surveillant tout le monde, sans sembler le moins du monde gêné à l’idée d’apparaître, suite aux multiples scandales d’écoutes de masse de la NSA, comme l’hôpital se fichant de la charité.

En France, le journal Libération a publié le 10 janvier un article raillant la volonté de Macron de jouer dans la cour des grands. Intitulé « Leadership franco-chinois : Macron au pays des chimères », les journalistes Alain Auffray et Raphaël Balenieri notent qu’après la visite de l’impressionnante Académie de technologie spatiale, « alors qu’on lui demandait s’il n’était pas découragé par l’écrasante puissance de la Chine dans la high-tech et le numérique, il [Macron] s’est agacé de la propension au ‘misérabilisme’ et au scepticisme, un travers selon lui ‘bien français’ ». Puis ils posent la question : « Pourquoi la France pourrait-elle prétendre incarner ‘l’avenir’ au côté de la première puissance commerciale de la planète ? »

C’est bien la vocation de la France à agir pour la cause de l’humanité qu’Emmanuel Macron a remis à jour, en partie par opportunisme, mais aussi et surtout parce qu’il s’exerce en France « une pesanteur gaulliste », comme l’a dit Jacques Cheminade sur RT France le 9 janvier, pesanteur qui se fait d’autant plus ressentir après dix de néoconservatisme anglo-saxon à la sauce sarkoziste et hollandaise. Reste à savoir si Macron Jupiter aura le cran de sortir du « misérabilisme » face aux intérêts financiers de Wall Street et de la City de Londres, qui domine la classe politique française depuis une bonne quarantaine d’années...