Assises de l’économie de la mer 2017 : l’appel du large

lundi 18 décembre 2017, par Karel Vereycken

Les Assises de l’économie de la mer (AEM) ont réuni près de 2000 personnes au Havre les 21 et 22 novembre.

Marine nationale, armateurs, responsables de ports, pêcheurs, lycéens, chercheurs, océanographes, industriels, tout ce qui compte dans le domaine maritime et de l’économie bleue était au rendez-vous. Sur place, un participant me confia :

Lorsqu’on affirmait il y a dix ans que l’avenir de la France passait par la mer, les gens souriaient ; aujourd’hui, l’idée fait mouche.

Avec l’espace et l’émancipation de l’Afrique, la mer reste en effet l’une des nouvelles frontières où l’humanité forgera son destin.

Santé, alimentation, ressources : comme l’affirmaient les 327 experts consultés en 2009 lors du Grenelle de la mer, l’océan contient « la quasi-totalité des solutions » pour un avenir « plus que durable, désirable ».

Le potentiel est énorme, notamment pour la santé. Ainsi, lors de ces AEM, Frank Zal, patron de la société de biotechnologies Hemarina à Morlaix (Finistère), a évoqué un ver marin (l’arénicole) doté d’une hémoglobine qui pourra servir un jour de substitut au sang humain et sauver de nombreuses vies.

Au Havre, la France attendait l’annonce – enfin ! – d’une « grande politique maritime ». Or, le Premier ministre Edouard Philippe, lui-même fils de docker et ancien maire du Havre, en fut réduit à entonner la chanson « j’voudrais bien mais j’peux point… ». Son indéniable bonne volonté a de quoi nous laisser sur notre faim.

Difficile en effet, avec la politique de soumission aux marchés financiers choisie par Macron, d’offrir autre chose que « faire mieux » avec l’existant.

Difficile aussi, dans le cadre d’un refus quasi-systématique de l’UE de s’ouvrir à la grande politique des Nouvelles Routes de la soie terrestres et maritimes que nous propose le reste de l’Eurasie, d’envisager autre chose que le gel de tout nouveau grand projet…

Pourtant, l’heure est à l’action. Pour gagner en compétitivité, nos grands ports (Marseille, Le Havre et Dunkerque) réclament de toute urgence un investissement conséquent dans leurs dessertes fluviales et ferroviaires.

A l’heure actuelle, ce sont deux conteneurs sur trois, entrant ou sortant de France, qui passent non pas par Le Havre ou Marseille, mais par Anvers, Hambourg et Rotterdam ! « Nos ports sont des culs-de-sac, mal reliés à l’intérieur des terres. Les désenclaver est l’enjeu national le plus structurant pour l’avenir maritime du pays », martèle Christian Buchet, directeur du Centre d’études de la mer de l’Institut catholique de Paris.

Savez-vous que la région française la mieux reliée aux flux maritimes n’est ni la PACA, ni la Bretagne, mais... l’Alsace-Lorraine ? (car proche des trois ports étrangers mentionnés ci-dessus).

Or, l’Etat français, après avoir « refilé la facture » d’un canal Seine-Nord Europe (réduit à la portion congrue) aux collectivités territoriales, rechigne depuis 22 ans à investir 100 millions d’euros dans le port du Havre pour réaliser un accès fluvial direct (la « chatière »), permettant aux barges poussées (une barge = 250 camions) d’accéder à Port 2000, le terminal où des milliers de conteneurs sont mis à quai chaque jour.

Or, comme le note un expert maritime, dans le monde actuel où la course à la taille fait loi,

un pays incapable d’aligner 100 millions d’euros pour ce genre d’infrastructure n’inspire pas confiance sur tout le reste.

Si l’argent coule à flot dans un océan de spéculation financière, le désir de progresser, dans la sphère transatlantique, est en panne.

Pourtant, comme le souligne Christian Buchet :

Le seul élément qui nous manque, c’est l’élan, l’enthousiasme, la confiance en soi que les hommes de la Renaissance trouvaient dans la philosophie humaniste. C’est surtout vrai en France, engluée dans sa sinistrose. Pourtant, grâce aux océans justement, notre pays a toutes les cartes en main pour tirer le meilleur de ce nouveau monde !