Wolfgang Schäuble : « après moi le déluge financier »

mardi 10 octobre 2017

Bientôt libéré de ses fonctions de ministre de l’Économie dans le gouvernement d’Angela Merkel, le monsieur « zéro déficit » de l’orthodoxie budgétaire vient d’ajouter sa voix au chœur montant en dissonance avec le refrain enchanteur de la reprise économique. Son interview au Financial Times survient d’ailleurs au lendemain des déclarations optimistes de la présidente du FMI Christine Lagarde sur la « reprise solide » se confirmant en ce début d’automne.

Schaüble souligne en particulier la menace de « nouvelles bulles » qui se sont formées à cause des milliers de milliards de dollars injectés par les banques centrales dans les marchés. « Les économistes à travers le monde sont inquiets du risque croissant que représente l’accumulation de masses de liquidités ainsi que l’augmentation des dettes publiques et privées », a-t-il dit au Financial Times.

Le ministre allemand rejoint ainsi l’analyse de la Deutsche Bank, qui a récemment critiqué la politique de rachat d’actifs (60 milliards d’euro injectés par mois, véritable « diarrhée monétaire ») disant qu’elle ne faisait qu’alimenter des bulles spéculatives. Ces propos font également suite à la mise en garde par l’ancien économiste en chef de la Banque des Règlements Internationaux (BRI) William White, qui a dit en septembre sur Bloomberg que « le système [financier] part dangereusement à la dérive. La situation est similaire à 2008, mais je vois plus de danger aujourd’hui qu’en 2007 ». White, un partisan d’un nouveau Glass-Steagall, est l’un des rares banquiers à avoir prévenu du danger posé par le système financier occidental, juste avant la crise de 2007-2008.

La bulle la plus inquiétante aujourd’hui est sans doute celle des dettes des entreprises (principalement celles cotées en bourse), qui alimente la bulle du marché des actions en bourse. Le journal Les Échos du 9 septembre présente à ce sujet un graphique (ci-contre) montrant l’évolution du cours des actions américaines sur deux décennies, les niveaux actuels dépassant presque du double les niveaux atteints au moment des krachs de la bulle internet en 2000 et de la bulle des subprimes en 2007 !!!

Pour résumer, les entreprises empruntent aux banques (qui disposent des liquidités des banques centrales) et avec ça elles rachètent leurs propres actions, comme dans le roman L’argent d’Émile Zola. Vous pensez que c’est du délire ? Et bien vous ne vous trompez pas. Quand certains « junk bunds » (les bonds « poubelles ») ont même des taux d’intérêts inférieurs aux bonds du trésor américain, on nage en effet en pleine folie psychiatrique caractérisée !

Le nouveau prix Nobel de l’économie, Richard Thaler, collaborateur du comportementaliste américain et ami d’Obama Cass Sunstein, qui analyse l’économie du point de vue des comportements psychologiques, risque bien d’y perdre la boule, si ce n’est pas déjà fait...

Contrairement à ce que pense la quasi totalité des responsables politiques, nous ne considérons pas que nous soyons démunis face à un tel phénomène, comme si nous devions subir les caprices de la providence. Après tout, si l’homme a inventé la médecine, c’est bien parce qu’il a pensé que le mal pouvait être soigné. Aujourd’hui, la médecine s’appelle le « Glass-Steagall Act », c’est-à-dire la séparation des banques de dépôts et des banques d’affaires, seul moyen de désolidariser les fonctions vitales du système bancaire – dépôts, crédits à l’économie réelle, etc. – de cette masse d’actifs et de dettes pourries, qu’on ira déposer en chambre froide.

Alors, si vous n’avez pas signé la pétition pour la « moralisation de la vie bancaire », c’est le moment !

AGENDA :

Mercredi 11 octobre, à 19h30 :
Conférence-débat de Jacques Cheminade : « le travail, c’est quoi ? »

Inscriptions : 01 76 69 14 50