Jackson Hole : les sourires figés de Yellen et Draghi, assis sur la bombe H financière

mardi 29 août 2017

Le week-end dernier a eu lieu, sous la houlette de la Réserve fédérale américaine (Fed), la réunion annuelle des banquiers centraux, dans le décor « carte postale » de Jackson Hole, dans l’État du Wyoming. Le moment tant attendu était la conférence de presse de Janet Yellen, la présidente de la Fed, et Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE) ; quelques sueurs froides leur parcourant le dos, les journalistes, les analystes et l’ensemble des marchés financiers attendaient anxieux des éventuelles annonces sur le maintien ou non de la politique monétaire de « quantitative easing » (« assouplissement quantitatif », c’est-à-dire une politique de taux d’intérêts bas et rachat d’actifs), scrutant et interprétant les moindres mouvements de cils des deux oracles de la finance. Yellen allait-elle annoncer la hausse des taux ? Draghi allait-il annoncer la fin du programme de rachat d’actifs (60 milliards d’euros injectés chaque mois dans les banques) ?

Mais, alors que les précédents présidents de la Fed, Greenspan et Bernanke, profitaient toujours de la tribune de Jackson Hole pour lancer des signaux sur les mouvements monétaires à venir, Yellen et Draghi n’ont absolument rien laissé entrevoir sur leurs intentions. Ils se sont contentés de faire un plaidoyer convenu contre le protectionnisme et la menace dérégulationniste de Trump, sans le nommer directement (car Janet Yellen espère bien se faire reconduire à la tête de la Fed en février prochain par le président américain). Et surtout, les deux banquiers centraux se sont tout de même accordés pour estimer que l’économie mondiale se portait mieux et ont fait part de leur optimisme... mesuré. « La reprise mondiale s’affirme », a affirmé Mario Draghi alors que Janet Yellen a estimé que « nous avons des raisons d’espérer que le système financier et l’économie affronteront moins de crises et s’en remettront plus rapidement ». Elle a toutefois mis en garde contre tout « optimisme excessif », notamment sur les marchés. Attention, une annonce trop encourageante pourrait provoquer un krach !

Banques zombies

Derrière les sourires figés de façade de leurs présidents, les deux banques centrales croulent sous des bilans hypertrophiés (4500 milliards de dollars pour la Fed et 2300 milliards d’euros pour la BCE), issus des rachats des actifs de moindre qualité des banques depuis la crise de 2007-2008 ; tout le monde sait que le maintien des banques sous perfusion ne va pas pouvoir durer longtemps. Et, comme Jamie Dimon, le PDG de la banque JP Morgan, l’avait confié aux Échos début juillet, « la plus grande menace pour l’économie est la sortie de la politique monétaire expansionniste actuelle. Jamais dans l’histoire, on a mené une telle politique et jamais à fortiori on a expérimenté la manière dont on sort ! Ça crée une grande incertitude. »

Quelques jours avant l’interview de Jamie Dimon, la directrice des institutions financière de l’agence de notation Fitch, Bridget Gandy, avait déclaré à Londres : « des dizaines de banques grecques, italiennes, espagnoles et même allemandes ont un plus grand volume de créances problématiques [comprendre « pourries »] que la Banco Populare, ce qui les met face à un risque évident d’insolvabilité » et que « la plupart de ces entités pourrait se révéler insolvables si deux conditions n’étaient pas réunies : un État prêt à les soutenir et un organisme de réglementation ne les déclarant pas insolvables ».

Autrement dit, les banques sont en banqueroute jusqu’à la moelle et le système restera apparemment debout tant que les Yellen, Draghi et consort continueront de n’en rien dire tout en les maintenant sous perfusion, et tant que les États et les citoyens, qui constituent le bas de cette « pyramide de Ponzi », continueront de payer les dettes par l’austérité et par la baisse des coûts du travail. Comme l’avait souligné la banque JP Morgan dans sa note du 28 mai 2013 intitulée « Les ajustements de la zone euro : presque la moitié du chemin », le problème reste les constitutions des pays (la note évoquait en particulier les pays de la périphérie sud de l’Europe) tendant trop souvent à « montrer une forte influence socialiste, reflétant la force politique des partis de gauche après la défaite du fascisme », avec une trop grande propension à vouloir « assurer une protection constitutionnelle des droits des travailleurs ». On comprend mieux l’intention de la « loi travail » actuellement concoctée par le gouvernement Macron-Philippe...

Pression pour le Glass-Steagall

D’un autre côté, la conscience de plus en plus grande du retour du krach exerce une pression croissante pour rétablir la séparation stricte entre les banques, le Glass-Steagall Act, qui représente le seul véritable moyen de casser les mégabanques, d’assainir le système et de redonner la priorité à l’emploi qualifié, au pouvoir d’achat, à l’éducation et à la santé pour chaque citoyen.

Les médias, y compris français, se sont empressés de coller à Trump, comme l’ont fait Yellen et Draghi, l’étiquette d’horrible dérégulationniste, en même temps que protectionniste – sans paraître le moins du monde gêné par la contradiction – oubliant qu’ils avaient eux-mêmes constaté en mai dernier que l’administration Trump envisageait de revenir au Glass-Steagall. En effet, Le Figaro titrait le 1er mai « Trump menace de démanteler les grandes banques », pendant que Le Monde publiait le 13 mai un article intitulé « Les États-Unis envisagent de séparer à nouveau les banques de dépôt et les banques d’affaires ».

La réalité est qu’une bataille a lieu aux États-Unis entre les partisans de la séparation bancaire et le parti de Wall Street, représenté au sein de l’administration Trump par le secrétaire au Trésor Steve Mnuchin qui, tant qu’il sera présent à ce poste fera tout son possible pour saboter toute tentative de rétablir le Glass-Steagall.

Rien n’est joué, c’est une bataille en cours. A la suite de nos amis et collègues américains du mouvement de Lyndon LaRouche, qui sont à l’origine du mouvement pour le Glass-Steagall, plusieurs organisations syndicales et associatives ont appelé au rétablissement de cette loi. En France, où les campagnes de Jacques Cheminade ont mis le sujet sur la table, la mobilisation pour notre projet de loi « de moralisation de la vie bancaire » poursuit son cours.