Docteur Emmanuel et Mister Macron

lundi 28 août 2017

Plus embarrassé qu’avantagé par la puissance de sa foudre, notre Jupiter national est empêtré dans les équations impossibles de la mathématique budgétaire. Au lendemain des élections législatives, Jacques Cheminade avait déjà identifié le problème : « la grande contradiction de Macron, que notre mission est de faire éclater, est de prétendre faire quelques bonnes choses sans s’en prendre à l’argent qui l’a fait roi ».

Ainsi, le Docteur Emmanuel s’envole à travers l’Europe revêtu de son costume de défenseur du travailleur français contre le plombier polonais et de chantre d’une Europe protectrice et plus humaine, tandis qu’en France Mister Macron prépare une nouvelle « loi travail » qui livrera davantage le travailleur français au diktat du court terme financier et à la loi de l’actionnaire.

Cent jours à peine après son arrivée au pouvoir, le désenchantement est tel dans la population que même le discours de Macron devant la presse européenne à Bucarest est resté en travers de la gorge des Français, alors qu’il tentait seulement d’expliquer que le peuple français rejette toute idée de « se réformer pour répondre à un chiffre ou à une contrainte », parce que notre pays est fait pour « se transformer en profondeur pour retrouver le destin qui est le sien, emmener l’Europe vers de nouveaux projets », « porter l’universalisme ». Le laïus sur le bel universalisme est allé se perdre dans le vide intersidéral, et il ne reste plus que la phrase cynique « les Français détestent les réformes ».

Car, n’en déplaise au Docteur Emmanuel, pas besoin d’avoir fait l’ENA pour comprendre que les mesures économiques et sociales de ce début de mandat sont bel et bien motivées par la volonté de « répondre à un chiffre ou à une contrainte », en l’occurrence la barre des 3 % du PIB pour les déficits publics. Les Maires de France le comprennent bien, eux qui se voient administrer quatre coups de ciseaux consécutifs : baisse des dotations de 13 milliards d’euros, réduction des contrats aidés (qui bénéficient principalement aux associations et aux collectivités locales), fin de la réserve parlementaire, et suppression de la taxe d’habitation (dont la compensation reste à ce stade tout à fait hypothétique).

S’il ne rompt pas avec ce cercle vicieux de l’austérité, le piège se refermera fatalement sur le gouvernement Macron-Philippe, en beaucoup moins de temps qu’il n’en avait fallu pour le gouvernement précédent, menaçant de faire sombrer notre pays dans le chaos politique et social.

La séparation bancaire : un levier pour agir

« Depuis 2008, les gouvernements des pays développés n’ont pas réussi à réguler le système capitaliste financier. L’ensemble des acteurs demeure mû par un objectif premier, la recherche du profit maximal, les pratiques risquées se multiplient et les règles du jeu n’ont pas changé en profondeur ». Non, ce n’est pas Jacques Cheminade qui parle ainsi, mais Emmanuel Macron, écrivant en 2012 sous le nom de plume d’Eric Suleimann. « Plus grave », continuait-il, « la crise de l’endettement privé, qui avait présidé à la crise de 2008, s’est depuis transformée en une crise de la dette publique ; et elle est en train de devenir une crise bancaire. Cercle infernal qui menace de manière inédite le système financier international, l’épargne mais aussi le financement de nos économies. Depuis 2008, les gouvernements occidentaux n’ont pas réussi à domestiquer la finance. (...) Le système financier mondial et européen fait toujours courir à nos économies autant de risques ».

Celui qui était alors secrétaire-adjoint du cabinet de l’Élysée écrivait ces lignes au moment où le gouvernement Hollande ouvrait au Parlement le débat sur la réforme bancaire, issue de sa promesse du Bourget de lutter contre « le monde de la finance ». Sans défendre un véritable Glass-Steagall Act, Macron-Suleimann préconisait néanmoins dans sa tribune une séparation progressive des banques, assurant que « l’épargne des Français [ne serve pas] à alimenter, le plus souvent à leur insu, la spéculation sur les marchés (…) ». En juillet 2013, la loi Moscovici était votée, sans qu’aucune réelle séparation aient été mise en œuvre. Le gouvernement avait capitulé.

On ne peut donc pas dire que le président Macron soit ignorant du danger que représente la finance folle. Seulement, on peut légitimement douter qu’il prenne de lui-même l’initiative de se retourner contre celle qui l’a portée au pouvoir, sans qu’un environnement ne l’y pousse. C’est précisément cet environnement que nous comptons bien créer, avec notre projet de « loi de moralisation de la vie bancaire », que nous avons remis en juillet à tous les députés et sénateurs. Nous organisons actuellement un lobby citoyen faisant feu de tout bois pour trouver les parlementaires conscients du problème et prêts à agir en mettant ce projet de loi sur la table, afin que n’arrive le « tsunami financier ».

La séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires n’est pas un simple réarrangement technique à l’intérieur du système ; cela veut dire faire sauter le verrou financier et ouvrir la porte à une politique de crédit public et d’adhésion à la Nouvelle Route de la soie. C’est la condition permettant de garantir à chaque citoyen les quatre droits fondamentaux que sont l’emploi qualifié, l’éducation, le pouvoir d’achat et la santé. C’est aussi un levier pour organiser une véritable opposition autour de solutions pour nous libérer de cette occupation financière, contrairement à la contestation stérile qui est trop souvent proposé aux Français..

La situation est mûre, compte tenu de la chute de la popularité du tandem Macron-philippe dans l’opinion populaire, et de la volatilité de la majorité LREM au Parlement dont une partie importante croit avoir été élu pour « changer » la France et non pour poursuivre les programmes d’austérité des dernières présidences. En effet, même le quatrième vice-président LREM de l’Assemblée nationale Sacha Houlié, interrogé par Le Figaro, admet que « cette envie de renverser le système, nous la partageons avec les Insoumis ».

Alors, si ce n’est pas encore fait, signez et partagez la pétition soutenant le projet de loi, et interpellez votre député !