Vive la recherche française en biologie !

jeudi 1er juin 2017, par Karel Vereycken

Une planctonaute amateure, Anne-Kristell à bord du « Tethys », avec le filet de pêche du plancton.
Plankton Planet

Etonnant vivant.
Découvertes et promesses du XXIe siècle.

Ouvrage sous la direction de Catherine Jessus, Institut des Sciences Biologiques (INSB) du CNRS, avec le concours de Thierry Gaude, directeur de recherches au CNRS.

Avant-propos d’Alain Fuchs, président du CNRS, et d’Yves Lévy, président-directeur général de l’INSERM. En partenariat avec l’INRA et le CEA.

Prix : 20 €
En vente sur le site CNRS Editions

A quelques semaines du scrutin, ce petit livre a été reçu par l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle. Alors que les candidats sont généralement inondés de longues lettres de plaintes et de revendications sectorielles, rien de cela dans ce livre.

En présentant de façon très dense les progrès extraordinaires accomplis tout récemment en biologie, on y trouve un simple message plein d’espoir et d’optimisme : la recherche française est vivante !

Reconnaissons son rôle et donnons-lui l’occasion d’apporter ses contributions !

« L’ouvrage que vous tenez entre vos mains est le fruit d’une démarche peu habituelle. C’est en effet la communauté des chercheurs français travaillant à déchiffrer le monde vivant qui l’a conçu, vous conviant à un voyage à travers les grandes découvertes et les promesses portées par les sciences biologiques de ce début du XXIe siècle », précise Catherine Jessus, directrice de l’Institut des sciences biologiques du CNRS.

Grâce à des progrès technologiques fulgurants (microscopes hyperpuissants, séquençage de l’ADN, utilisation des Big Data, etc.), la biologie, bien que de nouvelles questions ne cessent d’apparaître, a été capable d’apporter de nouvelles réponses à de vieilles interrogations.

Pour ne prendre qu’un exemple évoqué parmi tant d’autres dans le livre, la classification des espèces qui a bien changé depuis Linné, Lamarck et Darwin. Alors que pendant longtemps, seuls étaient pris en compte les critères morphologiques, paléontologiques et embryologiques, depuis plus de 30 ans l’analyse de l’ADN a bouleversé la donne.

Le séquençage du génome a permis d’identifier avec beaucoup plus de précision les vraies différences et similarités entre espèces. Ainsi, la comparaison de gènes hérités par tous les organismes vivants à partir d’un ancêtre commun a permis d’intégrer une plus large diversité d’organismes allant des bactéries aux animaux et aux plantes.

Un nouvel arbre de la vie

Le nouvel « arbre de la vie » ainsi obtenu révèle l’existence de trois grands groupes d’organismes : les bactéries, les archées (archéo-bactéries) et les eucaryotes. Alors que les deux premiers sont unicellulaires et sans noyaux (procaryotes), les eucaryotes renferment aussi des organismes pluricellulaires tels que les végétaux, les animaux et « nous »). Selon l’hypothèse la plus couramment admise, les bactéries seraient apparues les premières et auraient ensuite donné naissance aux archées et aux eucaryotes, formant ainsi les trois grands domaines de la biodiversité.

Toutes les nouvelles recherches confirment l’immensité de la biodiversité des formes vivantes, notamment microscopiques, et de la formidable ingéniosité dont elles font preuve pour coloniser les milieux les plus variés de notre planète, dont certains que l’on pensait impropres à la vie. C’est ainsi que des eaux glacées ou bouillonnantes, sur-salées ou hyper-acides, des terres de très haute altitude ou les fonds obscurs des abysses sont peuplés d’organismes vivants.

Cartographier les processus du vivant

Evoqué également, le succès d’une « rupture avec les approches du passé ». « Auparavant, nous avions étudié chaque partie, chaque composant, d’un organisme vivant, en espérant que leur somme révélerait son fonctionnement. Mais c’était illusoire. Cela donne au mieux une photo, sans qu’on ait accès au film. C’est l’étude de leurs interactions qui nous révèlera les règles qui les régissent. »

Cette nouvelle approche requiert

des modèles mathématiques prédicatifs alimentés par les outils de la physique et les données de la cartographie du vivant .

Cela a permis de découvrir que « les êtres vivants vivent presque toujours dans des êtres plus grands, ou contiennent des êtres plus petits, et ces associations sont essentielles à la vie d’ensemble ».

C’est le cas notamment de toutes sortes de micro-organismes. « A bord du navire de recherche Tara, les chercheurs de ce XXIe siècle se sont penchés sur les micro-organismes planctoniques marins et leur étude bouleverse l’état de nos connaissances (…) Plus de 60 % des bactéries de la planète vivent dans les océans, mais nous en connaissons… moins de 5 % ! »

Bio-optimiste, le livre rappelle également la responsabilité humaine, car, reprenant les termes du grand scientifique russe Vladimir Vernadski,

c’est aujourd’hui l’homme qui est devenu l’acteur biogéochimique majeur de la planète : acteur de sa modification, mais acteur possible de sa sauvegarde.

Biodiversité, spatial, océanique : un tout cohérent

Nouvelle Solidarité N° 22/2014. Pour vous abonnez cliquez ici.

A la question « qu’est-ce que le ‘vivant’ ? », le livre rappelle que « mieux connaître l’origine de la vie sur notre planète ainsi que ses limites permet d’étayer un raisonnement scientifique pour savoir où et comment la chercher dans le Système solaire et au-delà ».

En lisant ce livre, l’on comprend mieux à quel point la recherche spatiale, la recherche en biologie et la recherche océanique forment un tout cohérent.

« La recherche d’une vie extraterrestre n’a que très récemment été considérée avec sérieux par la majorité de la communauté scientifique. Ce changement de point de vue provient essentiellement des progrès de notre connaissance de la vie sur Terre et de son origine.

« Partant de l’axiome que l’eau à l’état liquide est indispensable (mais pas forcément suffisante) à l’apparition de la vie, Mars est une cible privilégiée (…) La mission ESA-Roscosmos ExoMars, en particulier ExoMars2020, qui emportera un robot capable de forer jusqu’à 2 m de profondeur, devrait fournir des données précieuses à ce sujet. »

Le temps long

Tout au long de leur exposé, les chercheurs rappellent leur besoin de temps long. Car, si la science a toujours marché sur deux jambes, à savoir la curiosité et, de plus en plus, « l’utilité », l’impératif qu’impose cette dernière ne doit jamais laisser « dans l’ombre de grandes découvertes, non programmées, imprévues, issues de la seule curiosité des chercheurs motivés par la soif de compréhension du monde. Ces découvertes, dont les applications ne sont pas perceptibles au moment où elles jaillissent, sont telles qu’elles impriment aujourd’hui un véritable tournant à la connaissance du vivant. C’est pour faire découvrir cette face des sciences du vivant qui échappe aux radars médiatiques que nous avons rédigé cet ouvrage, en espérant vous surprendre, vous émerveiller, et vous faire prendre de passion pour les questions palpitantes et porteuses d’avenir qu’elles soulèvent.

« Gardons-nous donc de nous enfermer exclusivement dans les voies d’une recherche entièrement programmée ciblant des résultats à des échéances trop courtes par rapport au temps de la recherche. C’est trop souvent de résultats imprévisibles que jaillit l’innovation, et très souvent longtemps après le moment de la découverte elle-même. Gardons-nous de la conduite de l’homme qui cherche ses clés sous le réverbère parce que c’est la seule zone éclairée. Allons explorer l’ombre, guidés par la curiosité de découvrir les richesses qu’elle contient. C’est non seulement un gisement pour l’innovation de demain, mais aussi la source de connaissances nécessaires à des sociétés éclairées, intelligentes, conscientes et responsables du monde dans lequel elles évoluent et qu’elles transforment, parce qu’elles le connaîtront mieux, parce que nous nous connaîtrons mieux nous-mêmes.

En attente d’une vraie volonté politique

« Ce sont les conditions d’une science qui ne veut pas se restreindre à être utilitaire, mais qui est par essence inéluctablement utile. (‘The usefulness of useless knowledge’ disait Abraham Flexner en 1939.) Ce rôle des sciences de la vie n’est pas dans les mains des chercheurs qui les servent, il ne sera rempli qu’en fonction d’une volonté politique et d’un consensus social. (…) Les sciences de la vie ont besoin de votre concours, de votre soutien. »