Une ceinture, une route : l’avenir de l’humanité se joue à Beijing

vendredi 12 mai 2017, par Christine Bierre

C’est devant plus de 1500 personnes, dont 29 chefs d’Etat et de gouvernement, ainsi que des délégations de haut niveau venant de 110 autres nations du monde, que le président Xi Jinping a ouvert le 14 mai à Beijing, le Forum international de « l’Initiative de la ceinture et de la route » (Belt and Road Initiative - BRI), plus connue sous le nom de politique de la « Nouvelle Route de la soie » lancée par la Chine en 2013.

A terme, et grâce à de nouveaux modes de financement, il s’agit d’investir une somme représentant quelque 1000 milliards de dollars, soit, en valeur monétaire actualisée, l’équivalent d’environ 12 fois celle du plan Marshall que les Etats-Unis ont déboursée dans l’après-guerre pour la reconstruction de l’Europe.

En 2016, grâce à une myriade de nouvelles connections ferroviaires, 1700 convois de fret, parcourant plus de 17 millions de kilomètres, soit l’équivalent de 424 fois le tour du Globe, ont pu faire des allers-retours entre la Chine et les grands centres industriels autour de Rotterdam, Anvers, Lyon, Duisbourg et Venise. Tout au long de leur trajet, ces nouvelles routes engendrent de vastes couloirs de développement économique où émergent des écoles, des hôpitaux et des lieux d’échange entre les peuples.

Loin d’être une tentative par la Chine de promouvoir son hégémonie dans le monde, accusation portée contre elle par bon nombre de géopoliticiens occidentaux, l’ancienne Route de la soie qui s’étendait sur des milliers de kilomètres, a dit Xi Jinping dans son discours introductif, incarne « un esprit de paix et de coopération, d’ouverture et d’inclusion, d’apprentissage mutuel et de bénéfices réciproques ».

Un accord de coopération très important sera signé entre la Chine et 20 pays participants, définissant les principes et les objectifs d’une nouvelle plateforme internationale pour développer la science, la technologie, le commerce et les échanges en vue de former de nouveaux talents.

Cet événement historique vise aussi à consolider le processus lancé par le président chinois Xi Jinping en 2013, lorsqu’au cours d’un discours prononcé au Kazakhstan, il avait présenté sa stratégie de « Nouvelle Route de la soie ». Depuis, 70 nations ont signé avec la Chine des accords d’un type nouveau. A un ordre du monde où les rapports entre nations ne pouvaient être que des jeux « à somme nulle », nécessairement « perdant/gagnant », Beijing a substitué un nouvel ordre « gagnant/gagnant » où tous, petits ou grands, peuvent trouver leur intérêt.

La Chine a signé plus de 130 accords, notamment sur des projets bilatéraux et régionaux de transport. 356 routes internationales pour le transport de passagers et de fret ont été construites. Entre la Chine et 43 autres pays associés à la Nouvelle Route de la soie, le trafic aérien est en plein essor, avec 4200 vols directs chaque jour. Quant au rail, 39 trains acheminent désormais des marchandises entre l’Europe et la Chine, dont un partant quotidiennement de Chongqing vers une destination européenne.jh

Entretemps, six corridors terrestres de développement industriel et une route de la soie maritime ont vu le jour :

  • un corridor allant de la Chine à l’Asie centrale et occidentale, et devant s’étendre à l’Irak, la Syrie, la Turquie l’Europe et l’Afrique ;
  • un corridor allant de Chine vers l’Europe occidentale, reliant des villes telles que Chengdu, Chongqing, Yiwu ou Lianyungang à Duisbourg, Hambourg, Rotterdam, Lyon et Madrid ;
  • un corridor Mongolie-Chine-Russie impliquant 32 grands projets ;
  • le corridor économique Chine-Pakistan (CEPC), dans lequel la Chine a déjà investi 46 milliards et qui devrait créer pas moins de 700 000 nouveaux emplois au Pakistan ;
  • le corridor Bangladesh-Chine-Inde-Myanmar (BCIM) reliant toute l’Asie du Sud-est ;
  • le corridor péninsulaire Chine-Indochine.

Sans oublier le vaste réseau ferroviaire en construction en Afrique centrale et de l’Est.

Et les pays du secteur avancé ?

Malheureusement pour ceux d’entre nous qui nous battons pour faire sortir de la crise les pays dits « industrialisés » et mettre fin aux guerres interminables qui s’enchaînent depuis la chute du mur de Berlin, parmi les 29 pays représentés à ce sommet par leur chef d’Etat ou de gouvernement, on ne compte pratiquement aucun des principaux pays du monde !

Hormis Vladimir Poutine, qui a été l’invité d’honneur, seul le Japon a envoyé un responsable de haut niveau en la personne du secrétaire général du Parti libéral-démocrate (PLD), Toshihiro Nikai, deuxième personnage de l’Etat après le président Shinzo Abe.

Bien que le président Xi Jinping ait expressément invité le président Trump à ce sommet lors de leur rencontre en Floride, ce n’est qu’à la dernière minute que le Département du Commerce a publié un communiqué annonçant que les Etats-Unis « reconnaissaient l’importance de l’Initiative de la ceinture et la route proposée par la Chine et qu’ils enverraient des délégués pour assister au Forum ».

Vu le chemin parcouru depuis l’élection de Donald Trump, l’envoi de cette délégation est déjà un grand pas, notamment pour nos amis du Comité d’action politique de LaRouche qui ont fait pression pour l’obtenir.

Autre décision pouvant contribuer à changer la donne dans nos pays, la délégation française sera conduite, à la demande du nouveau président élu Emmanuel Macron (dont l’investiture avait lieu le même weekend), par l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui depuis des années travaille d’arrache-pied à développer d’excellentes relations commerciales entre la Chine et la France.

Son entretien accordé aux médias chinois, le 4 mai, montre une compréhension profonde des enjeux :

Je suis inquiet de l’imprévisibilité des Etats-Unis, de ce qui se passe en Syrie, en Irak. [...] la Chine a des projets et des stratégies, elle veut le multilatéralisme, défend l’ONU et l’UNESCO et apporte ainsi de la paix dans un monde dangereux.

Quant aux relations franco-chinoises, M. Raffarin a rappelé que les deux pays étaient liés par une amitié durable : « Nous avons toujours fait en sorte, depuis le général de Gaulle, que la relation France-Chine soit au-dessus des partis politiques, et l’élection présidentielle en cours ne joue aucun rôle dans la détérioration de cette relation. Nous voulons une bonne relation, il y a un consensus sur cela. »

Après ce sommet, l’urgence sera pour nous de faire en sorte qu’à travers cette initiative de la Chine, « l’Occident » tourne définitivement le dos au règne des rapports de force et de la géopolitique pour entrer dans ce nouvel ordre économique de rapports gagnant/gagnant.