Epidémie de grippe : le devoir de protéger

vendredi 13 janvier 2017, par Agnès Farkas

Tous les ans, des personnes atteintes du virus de la grippe meurent. Depuis novembre, 627 personnes gravement atteintes ont été admises en réanimation, parmi lesquelles 52 sont décédées. Les personnes très âgées font partie des populations à risque et 13 résidents d’un Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à Lyon sont décédées entre le 23 décembre et le 7 janvier. C’est vrai, ces nonagénaires étaient fragiles, mais certains décès auraient pu être évités. Osons aborder les questions qui fâchent.

Primum non nocerere

« D’abord, ne pas faire de mal » disait Hippocrate dans son Traité des épidémies. La question posée est ici de savoir si le médecin ou, aujourd’hui, le personnel soignant aurait pu éviter certaines nuisances pour le malade. Car il faut toujours faire un bilan des événements pour faire face à d’autres cas semblables.

Or, il s’avère que , si après la « grippe porcine » (H1N1), « 70 à 80 % du personnel soignant se vaccinait dans nos maisons de retraite », malheureusement « aujourd’hui, on a un taux de vaccination de 10 à 15 % » ce qui inquiète Philippe Duboé, directeur général de l’association Saint Joseph, qui gère cinq maisons de retraites dans les Pyrénées-Atlantiques. En effet en France, la moitié des infirmiers et des aides-soignants sont récalcitrants aux vaccins. Pourtant, ils savent qu’ils interviennent dans le milieu fragilisé des personnes de grand-âge.

Il faut le rappeler : ce n’est pas seulement pour soi qu’on se vaccine mais aussi et surtout pour les autres, notamment les plus fragiles, comme les grands malades, les enfants et les personnes très âgées (Les 13 morts de Lyon avaient une moyenne d’âge de 91,5 ans).

Or, dans l’Ehpad de Lyon, à peine moins de 50 % des pensionnaires avaient accepté de se faire vacciner et tard, fin décembre, lorsque l’épidémie avait déjà pris son essor. Ce qui est heureusement une exception, les résidents des Ehpad sont vaccinés à 90-95 % en France et à partir de fin octobre-début novembre (il faut environ trois semaines pour que le vaccin fasse effet).

Ainsi, on est bien obligé de se demander si les militants politiques qui lancent des campagnes idéologiques anti-science en mesurent toujours l’impact ! A contrario, comme le propose le directeur général de la Santé Benoît Vallat, on pourrait obliger le personnel soignant à se vacciner.

Ah bon ? Ne faut-il pas simplement appliquer le code de la santé publique dont l’article L3111-4 précise :

Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l’exposant ou exposant les personnes dont elle est chargée à des risques de contamination doit être immunisée contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe.

Et bien non, car, par le décret n° 2006-1260 du 14 octobre 2006, art. 1, signé par Xavier Bertrand et Dominique de Villepin a fait en sorte que :

L’obligation vaccinale contre la grippe prévue à l’article L. 3111-4 du code de la santé publique est suspendue....

Les virus ont apprécié...

Mesures de prévention

De plus, a-t-on réellement pris toutes les mesures de prévention nécessaires face à une menace épidémique, comme prévenir la population en amont (et non pas quand les catastrophes arrivent) des conséquences d’une couverture vaccinale de basse intensité ? Ce qui induit de l’en instruire bien des années avant. Il faut d’avantage impliquer la population dans les mesures de santé préventives pour la nation.

Déjà, lors de l’hiver 2014-2015, le virus a fait 18 300 morts car, suite à sa mutation rapide, il ne correspondait plus aux souches virales choisies pour le vaccin.

Cet hiver, le virus de la grippe qui sévit correspond bien au vaccin mis en circulation. Cependant, il s’agit d’« un virus particulièrement dangereux pour les sujets fragiles », affirme Daniel Levy-Bruhl, responsable de l’Unité Infections respiratoires et vaccination à Santé Publique France.

Ce qui fait dire à certains qu’on ne peut exclure 6000 à 10000 décès, d’où l’obligation pour les services de santé d’une vigilance et une précaution accrues, surtout dans un milieu où les personnes sont en grande fragilité. Car, en vieillissant, notre réponse immunitaire perd de sa vigueur.

Donc la propagation de la maladie doit être limitée, de prime abord, en empêchent le virus d’entrer et les visiteurs, les familles des pensionnaires et le personnel de l’Ehpad doivent en tenir compte.

Une vraie protection sociale

Marisol Touraine, notre ministre de la Santé, appelle à « tout mettre en œuvre » pour pouvoir accueillir l’ensemble des patients à des urgences « aux limites de leurs capacités ».

Mercredi, elle a ordonné aux établissements hospitaliers de faire de la place aux malades, en rappelant les soignants en congé, en repoussant des opérations chirurgicales programmées et en accélérant les sorties...

Pourtant, l’imprévu, il faut le prévoir ! Pour ne pas se laisser déborder par une vague grippale telle celle que nous vivons aujourd’hui, il fallait envisager une capacité d’accueil excédentaire de lits en cas de crise grave.

Or, la réduction des coûts préconisée depuis 40 ans a engendré la situation que nous voyons ici. Certains signes « laissent penser qu’on va atteindre le pic national » de l’épidémie de grippe « la semaine prochaine », précise François Bourdillon, directeur général de l’agence Santé Publique France

Le dévouement du personnel urgentiste restant après les divers plan de réduction du personnel y suffira-t-il ? 16 000 lits de médecine et de chirurgie supprimés pour 570 millions d’euros d’économies : cela reste l’un des objectifs du plan d’économies de trois milliards d’euros imposé par le gouvernement à l’hôpital entre 2015 et 2017 de Madame Touraine. « On a peut-être fermé trop de lits », reconnaît Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France.

De plus 37 % des Français ont renoncé à des soins pour des raisons économiques en 2016. On peut sans grande explication deviner que tout retard de soins dans une attaque grippale peut mener à des complications graves et bien sûr à un danger de contamination de son entourage. Et certains candidats à la présidentielle 2017 persistent à vouloir détricoter la Sécurité sociale...

Triste bilan pour une France pasteurienne qui s’est montré novatrice il y a moins d’un siècle et a été un exemple dans le monde grâce à sa recherche médicale universitaire. Mais rien n’est encore perdu, la France regorge encore de chercheurs, de médecins responsables et citoyens d’une république. Et nous avons le candidat qui saura les représenter. A vos devoirs citoyens pour le bien de tous !