Les analyses de Jacques Cheminade

Pour un euro-or

vendredi 31 août 2001, par Jacques Cheminade

Nous sommes parvenus à un moment de l’histoire où la survie du système financier et monétaire international actuel ne peut que servir le « mal commun ». Il pille le travail, la production, les infrastructures, l’épargne populaire et la culture, en lui substituant un ordre prédateur : il ne peut continuer qu’au prix de la destruction de plus en plus sauvage des ressources existantes, au bénéfice d’une oligarchie de plus en plus minoritaire et à l’encontre de la majorité des peuples et des générations futures.

C’est dans ce contexte immédiat que nous devons accueillir favorablement les initiatives de certains pays - en particulier celles de la Russie et de la Malaisie - pour substituer un or-refuge à la fatalité du dollar-devise hégémonique. Le dollar « fort » - non pas fort économiquement, mais fort dans une politique de rapports de force financiers - a été fortement surévalué pour piller le reste du monde. Sauf à nier la réalité, ce règne du « dollar-fort » arrive aujourd’hui à son terme : le monétarisme (manipulation des taux et des marchés) n’embraye en effet plus sur la réalité.

La solution à long terme est bien entendu celle d’un nouveau Bretton Woods, au sens où Lyndon LaRouche utilise ce terme, c’est-à-dire en revenant aux disciplines - système de changes fixes, contrôle des capitaux, protectionnisme en faveur des industries naissantes - d’avant le 15 août 1971, tout en éliminant certains de ses abus. Pour cela, les chefs d’Etat du monde entier doivent se réunir et décider, dans l’intérêt commun de leurs peuples et de leurs Etats-nations, de tirer un trait sur le désordre oligarchique actuel. Ce dont l’économiste hongrois Polianyi avait crédité l’œuvre de Roosevelt doit être aujourd’hui repris, sous forme d’un « Global New Deal », sans visée impérialiste, sans privilège-dollar ni privilège colonial ou néo-colonial. Cependant, à court terme, la Malaisie - aujourd’hui comme il y a trois ans, lorsque tout le monde critiquait son refus de l’ordre du FMI - a raison. L’or-refuge contre l’effondrement du système - et non une crise cyclique, car c’est le système qui est à bout - est une initiative temporairement nécessaire, une manière de dire au système d’abattre ses cartes.

C’est pourquoi je propose que les autorités financières et monétaires européennes étudient et mettent en oeuvre rapidement un euro-or, assurant notre nécessaire protection face au système-dollar en voie d’effondrement. Après cette mesure « négative », l’idée est bien entendu de porter le fer là où il sera ainsi rendu chaud, et de proposer aux chefs d’Etat du monde de se réunir pour mettre en oeuvre le nouveau Bretton Woods, comme « communauté de dessein » favorable à tous - contre le système sans avenir de l’oligarchie, si ce n’est sous la forme d’un désastreux « nouveau fascisme ».

L’euro-or serait ainsi un pont pour un nouveau Bretton Woods. J’attends que, sur ce point, les autorités de mon pays se prononcent, rejetant enfin l’idée ridicule que nous subissons un simple « trou d’air », un « ralentissement », alors que nous ne sommes actuellement plongés ni dans une récession, ni dans une dépression, mais dans la phase finale d’une crise monétaire mondiale, la fin d’un système.