Helga Zepp-LaRouche : secourir Deutsche Bank, dans l’intérêt de la paix mondiale

samedi 16 juillet 2016, par Helga Zepp-LaRouche

12 juillet, 2016 – La menace imminente qui pèse sur Deutsche Bank n’est certainement pas le seul facteur capable de déclencher une nouvelle crise systémique du système bancaire transatlantique, d’une ampleur plus dévastatrice encore que celle de 2008. Cependant, cette situation offre un levier unique pour empêcher le système de sombrer dans le chaos.

Derrière le message de détresse lancé par l’économiste en chef de la Deutsche Bank, David Folkerts-Landau, en faveur d’un programme européen de 150 milliards d’euros pour recapitaliser les banques, se dresse le danger, ouvertement abordé dans la presse financière mondiale, de voir tout le système bancaire européen devenir, de fait, totalement insolvable, face à une montagne d’au moins 2000 milliards d’euros de « prêts non-performants » (NPL). Avec un encours de 55 000 milliards d’euros de produits financiers dérivés et un effet de levier de 40, Deutsche Bank en vient à dépasser Lehman Brothers au moment de sa chute, incarnant ainsi le talon d’Achille du système. La moitié du bilan de DB, une banque dont la capitalisation boursière a chuté de 48 % depuis un an et dont l’action ne représente plus que 8 % de ce qu’elle valait en 2008, est constituée de créances de « niveau 3 », soit environ 800 milliards d’euros de produits dérivés dont on ignore la valeur sur le marché.

S’il peut paraître surprenant que Lyndon LaRouche ait lancé un appel à sauver la Deutsche Bank par une injection ponctuelle visant à relever ses capitaux propres, cette option se justifie par les conséquences systémiques qu’aurait sa faillite incontrôlée. Ni le gouvernement allemand, avec son PIB de 4000 milliards, ni l’UE avec un PIB cumulé de 18 000 milliards, ne seraient en mesure de contrôler l’effet domino d’une faillite désordonnée.

Cette injection ponctuelle de capitaux, a précisé LaRouche, n’est qu’une mesure d’urgence qui doit être immédiatement suivie d’une réorganisation de la banque, revenant à la tradition en vigueur avant 1989 sous la direction d’Alfred Herrhausen. Pour superviser une telle opération, un comité de gestion doit être mis en place afin de vérifier la légitimité des engagements de la banque et mener avec succès cette réorganisation dans un délai donné. Ce comité aurait également la tâche de concevoir un nouveau plan d’affaires, s’inspirant de la philosophie bancaire de Herrhausen et exclusivement au service de l’économie réelle allemande.

Alfred Herrhausen fut, en vérité, le dernier banquier allemand réellement créatif et doté d’une certaine moralité. Il a défendu, entre autres, l’annulation de certaines dettes impayables des pays en voie de développement ainsi que le financement, à long terme, de projets de développement bien conçus.

En décembre 1989, il envisageait de présenter à New York un plan pour l’industrialisation de la Pologne, cohérent avec les critères utilisés par la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), la banque dédiée à la reconstruction de l’Allemagne après-guerre, ce qui représentait une perspective totalement différente de la politique dite de « réformes », la fameuse « thérapie de choc » prônée par Jeffrey Sachs.

Herrhausen fut assassiné le 30 novembre 1989 par la « troisième génération » de la Fraction armée rouge (« Bande à Baader »), dont l’existence reste encore à démontrer à ce jour. Deux jours avant l’attentat, le chancelier Helmut Kohl, dont Herrhausen était un proche conseiller, avait présenté un programme en dix points, prévoyant la réunification graduelle des deux Allemagnes. Savoir « à qui profite le crime » dans ce cas reste une des affaires les plus sombres de l’histoire allemande et une question à élucider d’urgence.

Le fait est que les successeurs de Herrhausen ont introduit un changement fondamental de paradigme dans la philosophie de la banque, la propulsant dans le monde sauvage de la maximalisation du profit à outrance, en commettant d’innombrables infractions à la législation [8000 litiges). Et seul le statut de banque systémique a permis aux auteurs de ces méfaits d’échapper aux poursuites judiciaires.

La transformation de Deutsche Bank en banque d’investissement et champion mondial des dérivés, de pair avec un resserrement du crédit au détriment des PME allemandes, est symptomatique de la folie qui a mené à la catastrophe actuelle.

Nous devons agir aujourd’hui avec détermination, mais pas de la façon que préconise (l’économiste en chef de Deutsche Bank) Folkerts-Landau, car une dose plus forte du même médicament achèverait sans nul doute le patient. Bien que, pour l’essentiel, Deutsche Bank ait été active sur les marchés de Londres et de New York, la banque est trop importante pour l’économie allemande et donc, in fine, pour le destin de toute l’Europe. Sa restructuration, respectant l’esprit de Herrhausen, est la clé, non seulement pour surmonter la crise bancaire, mais également pour prévenir le danger imminent de guerre.

Si l’assassinat de Herrhausen n’a jamais été puni, il reste cependant « la puissance redoutable qui juge ce qui est caché à la vue », sujet du poème de Friedrich Schiller, Les grues d’Ibykus.

En plus de sa famille, il nous incombe à nous tous, qui avons souffert de l’assassinat de Herrhausen, représentants du Mittelstand, de l’économie allemande et des institutions du peuple allemand, d’honorer cet héritage et de saisir l’occasion inouïe qui s’offre à nous de sauver l’Allemagne.

Nous sommes face à l’Europe du chaos, du désordre et de la révolution

Le 15 juillet, lors d’une émission du LPAC, Helga Zepp-LaRouche a précisé sa pensée :

Je pense que les enjeux sont parfaitement connus dans la communauté financière mondiale. Tous les gouvernements et hauts responsables politiques en charge de ces questions dans la zone transatlantique savent que ce que je dis est parfaitement vrai. En d’autres termes : les banquiers et responsables du système financier international savent tous que ce système est totalement en faillite. Nous sommes à la veille d’une explosion bien plus grave qu’en 2008, pour la simple raison que tous les clignotants observés avant la chute de Lehman Brothers et d’AIG, s’allument de façon encore plus virulente.

La fameuse « boîte à outils » qu’ils employaient, ou prétendaient employer en 2008, est vide : assouplissement quantitatif, taux zéro, taux négatifs, « argent hélicoptère », etc., il ne leur reste plus rien. A l’heure actuelle, et nous le tenons de sources très sûres au sein de la communauté bancaire, toutes les banques centrales font marcher la planche à billets à tout va, parce qu’elles savent parfaitement que l’argent hélicoptère n’est pas juste de l’argent électronique et qu’en cas de retraits massifs impromptus d’argents (bank run), le système se désintègrerait en un temps record, en quelques heures.

Nous voici au point où un effondrement incontrôlé et chaotique est plus que probable, car cela craque de partout. Et pas seulement Deutsche Bank. Vous avez le secteur bancaire italien au bord du précipice. Vous avez la situation anglaise après le Brexit. Tout le système bancaire européen frôle la faillite. Et, en cas d’effondrement incontrôlé, comme un banquier nous l’a avoué après avoir lu ma déclaration : « Si l’on ne prend pas rapidement le taureau par les cornes, nous sommes face à l’Europe du chaos, du désordre et de la révolution. »

Le plus grand danger, à part une troisième guerre mondiale, serait que toute la zone transatlantique sombre dans le chaos. C’est pour cela que mon époux (l’économiste et homme politique américain Lyndon LaRouche), qui s’est rarement trompé en termes de prévisions économiques, a fait cette déclaration étonnante disant que si Deutsche Bank, entre toutes les banques, devait être secourue une dernière fois, il fallait le faire mais pas de façon inconditionnelle : en la plaçant immédiatement sous une procédure de faillite ordonnée, avec une commission de gestion aux commandes. Et en retrouvant la vision d’Alfred Herrhausen, qui fut le dernier banquier européen doté d’une once de moralité et défendant une philosophie complètement différente.

Notre point de vue a suscité toutes sortes de réactions. Les banques sont beaucoup plus détestées qu’on ne le croit. Les gens s’écrient : qu’elles fassent faillite ! Pourquoi ne pas simplement les fermer ? Nationalisons-les, mettons-les en faillite ! On a vu une explosion de rage, y compris chez des industriels conservateurs et des hommes politiques qui, d’habitude, n’utilisent pas ce langage radical.

C’est facile de s’enrager sur cette question. Cependant, si cette banque s’effondre de façon incontrôlée, alors pour un grand nombre de gens, c’est l’épargne de toute une vie qui partira en fumée. On fera payer la majorité de la population, la précipitant dans la pauvreté et la misère. Je ne plaisante pas…

Il ne suffit pas d’être « contre » quelque chose, même si les banques ont eu un comportement criminel à l’origine. Deutsche Bank dépense actuellement des milliards en amendes pour avoir truqué le taux d’intérêt de référence, le Libor. Elle doit se constituer des provisions pour anticiper le paiement d’amendes pour toute une série d’opérations illicites et douteuses pour lesquelles elle s’est fait épingler.

Il ne s’agit donc pas de « faire une faveur » à Deutsche Bank. Pas du tout ! La question qui se pose, c’est comment trouver un levier. Comment remettre de l’ordre dans tout cela avant que cela ne finisse dans le chaos.