LaRouche dénonce l’utopie suicidaire d’une guerre nucléaire limitée

vendredi 27 février 2015, par Lyndon LaRouche

L’économiste et politicien américain Lyndon LaRouche a insisté il y a quelques jours sur le fait que même si l’oligarchie transatlantique, y compris l’administration Obama, ne cherche pas délibérément à déclencher une guerre thermonucléaire globale, elle entretient néanmoins la dangereuse illusion qu’une première frappe nucléaire et les représailles qu’elle provoquerait pourraient être limitées au continent eurasiatique, nuisant ainsi considérablement au développement de la Russie et de la Chine.

C’est ce que semble en effet indiquer la réorganisation, en cours depuis quelque temps déjà, des forces nucléaires tactiques déployées en Europe par les Etats-Unis.

Le gouvernement Obama avait décidé en 2013 de débloquer des fonds significatifs pour la modernisation de la triade nucléaire américaine, y compris l’arsenal des armes tactiques en Europe, et ce en dépit des multiples appels au retrait de telles armes par des spécialistes des deux côtés de l’Atlantique, en raison du danger et des coûts importants qu’elles représentent.

Concernées par ce processus de modernisation : les armes nucléaires tactiques B61, dont la conception remonte aux années 60. Elles verront leur portée et leur précision augmentées, violant ainsi l’esprit du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF), qui interdit le déploiement, tant par les Etats-Unis que la Russie, de missiles de croisière ou pouvant être tirés à partir du sol et ayant des portées de 500 à 5500 km.

Ce traité, qui avait pour objectif de faire baisser le niveau de tension associé au déploiement d’armes nucléaires en Europe au cours des années 1980 (en raison du court temps de vérification et de réponse lors d’une attaque présumée), a été signé en 1987 par Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev.

Ces vieilles bombes à gravité (qui ne sont pas des missiles de croisière mais ne font que planer vers leur cible, d’où l’idée qu’elle ne violeraient pas, selon les Américains, le Traité INF) sont dotées de charges nucléaires plus lourdes, de l’ordre de plusieurs centaines de kilotonnes, pour compenser la faiblesse de leur portée et leur précision.

180 engins de ce type sont actuellement déployés en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie et en Turquie. Les nouveaux B61, baptisés B61-12, verront donc leur portée et leur degré de précision augmentés, grâce à l’ajout d’une queue plus perfectionnée. En revanche, elles transporteront des charges ne dépassant pas la cinquantaine de kilotonnes.

Or, c’est ici que le bât blesse. Car il ne fait aucun doute dans l’esprit de ceux qui se sont battus pour ce programme qu’une meilleure précision, ainsi que le déploiement de ces bombes par des chasseurs furtifs F-35 devant faire leur apparition d’ici quelques années en Europe, contribueront à faire disparaître la frontière entre armes conventionnelles et nucléaires, et à abaisser le seuil de déclenchement d’une guerre nucléaire.

De nombreux critiques, dont le professeur Hans Kristensen de la Fédération des scientifiques américains (FAS), ont fait valoir que ce retour à l’idée illusoire d’une guerre nucléaire limitée à l’Europe et à l’Eurasie pose un sérieux danger d’escalade vers une guerre nucléaire globale.

L’utopie de la guerre nucléaire limitée

L’idée de guerre nucléaire limitée avait été considérée puis abandonnée au cours des années 1960 ; mais un courant utopiste de l’oligarchie anglo-américaine a décidé, dans son arrogance et sa folie destructrice, de la ressusciter.

Comme le raconte sur un blog spécialisé un ancien responsable des administrations Kennedy et Johnson, William R. Polk, « certains militaires et responsables civils des deux pays » avaient plaidé, à l’époque de la crise des missiles de Cuba, en faveur de l’idée que le côté opposé « flancherait » et renoncerait à lancer une contre-attaque suite à une première frappe nucléaire limitée.

Polk rapporte que peu après la crise des missiles de Cuba de 1962, il avait assisté à une simulation hautement confidentielle au Pentagone, conçue par le théoricien de la dissuasion Thomas Schelling, du MIT. Celle-ci « mettait en scène une séquence d’événements ayant lieu, ironiquement, près de l’Ukraine, et qui consistait à démontrer que l’URSS accepterait une attaque nucléaire sans riposter ». La simulation visait à démontrer, selon Schelling, « qu’il n’y avait pas lieu de craindre une réaction à une attaque nucléaire limitée ».

Polk rappelle qu’il avait répondu, ainsi que ses collègues, « que l’idée d’une guerre nucléaire limitée n’avait aucun sens », car aucun gouvernement accepterait de subir une attaque dévastatrice sans riposter, afin d’infliger de lourdes pertes à son attaquant. Il serait sinon renversé par ses propres institutions militaires. Une riposte appellerait bien entendu une contre-riposte, conduisant ainsi à une guerre généralisée. Une autre grande simulation effectuée en 1983 par le ministère américain de la Défense arrivait à la même conclusion : il n’y a pas de guerre nucléaire limitée dans une situation où les deux opposants disposent de l’arme nucléaire.

C’est pourquoi Polk demande à ce que soit « arrêtée toute intrusion de nos forces militaires dans les affaires ukrainiennes et russes, afin de faire baisser les craintes russes à l’égard d’une agression », et de « trouver une manière acceptable, aux deux parties, d’aider l’Ukraine à développer son économie, contribuant ainsi indirectement à la stabilité et la santé d’esprit du système de gouvernance ukrainien ».