Les éditoriaux de Jacques Cheminade

C’est l’économie, franchouille !

mardi 7 décembre 2004

Le « oui » du Parti socialiste au traité constitutionnel européen est accueilli avec satisfaction par toute la classe politique officielle, à l’exception du Parti communiste. Comme si une vanne était levée pour que puisse se déverser le néo-libéralisme financier et emporter ce qui reste de « l’exception française ».

Cependant, ceux qui pensent ainsi ne voient pas ce qui pourtant les aveugle. L’économie française fait la culbute avec une consommation en panne, un commerce extérieur en crise et un investissement retombé à plat. La combinaison de la hausse du pétrole, de la baisse du dollar et du mal allemand nous étrangle. En même temps, nous vivons sous la menace immédiate d’un Tchernobyl ou d’un Hiroshima financier international. A ceux qui restent obstinément fixés sur la ligne bleu-blanc-rouge de leur nombril politique, on serait tenté de dire : « C’est l’économie, franchouille ! »

En effet, alors que les Français n’ont jamais été aussi endettés depuis 1990 (60% de leurs revenus), ils se trouvent peu à peu dépourvus de service public. EDF va être progressivement privatisée dans un marché livré à la concurrence, ce qui lui permettra d’augmenter ses prix : tout bénéfice pour ceux qui mettent la main sur la propriété publique, à valoir sur les consommateurs ! Le trou de la Sécu, géré par la Cades (Caisse d’amortissement de la dette sociale) se trouve placé sous forme de bons dans les paradis fiscaux. Emmanuelle Mignon, l’une des principales collaboratrices de Nicolas Sarkozy, « croit à la main invisible du marché » et s’affiche « pour une privatisation totale de l’Education nationale ». Devant les « patrons de l’Etat », le 3 novembre, celui-ci déclare que « notre responsabilité est de réformer la culture de l’administration. Notre objectif : installer une nouvelle mentalité ». Renaud Dutreil, pourtant chiraquien mais du même tonneau libéral, lui fait écho. Il faut, selon lui, gérer le service public « comme une entreprise », à l’américaine, en utilisant le discours alarmiste de Michel Camdessus pour faire avaler la pilule sociale. Enfin, la Banque de France annonce qu’elle se déleste d’une partie de son or (500 à 600 tonnes sur 3000 en cinq ans), s’insérant de fait dans un système monétaire international en ruines.

Côté rose, Julien Dray se dit convaincu que « la présidentielle se jouera, comme aux Etats-Unis, sur les valeurs ». Valeurs ou voleurs ? Ce qui se passe à Washington et ce qui précède ici conduit à faire glisser la voyelle.

Voici donc une France qui ne voit rien venir et dit « oui » quand on le lui souffle. L’on pourrait désespérer si on se laissait prendre aux apparences et commentait la partie assis dans un fauteuil. Cependant, pour nous, ce vide est au contraire une occasion à saisir, qui confirme le caractère nécessaire et unique de notre combat national et international. De Gaulle à Londres ne vit pas venir les élites qu’il attendait ; nous autres, avec notre mouvement de jeunes, nous les formons.