OTAN, UE, Euro : le courage de dire non

mardi 2 septembre 2014, par Christine Bierre

Jardins du Palais de l’Elysée.
Wikipedia Commons

Le monde n’a jamais été aussi près de basculer dans une situation où les risques pour l’humanité sont effroyables. La guerre, la crise économique, les épidémies enveloppent de plus en plus notre planète dans le manteau noir de l’irrationnel, de la violence et de la criminalité.

Est-ce la faute à la Russie, à la Chine, à l’Islam, comme nos médias et nos figures politiques nous le rabâchent tous les jours ? Il faut se bander les yeux trois fois ou être d’une malhonnêteté intellectuelle et politique certaine pour ne pas voir que tous ces malheurs proviennent aujourd’hui de « notre » camp, occidental, sous la conduite d’hommes qui ressemblent de plus en plus à des Néron.

La folie « occidentale » est telle que 40 % de la planète vient de s’unir, au sein de l’organisation des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), pour organiser sa défense et planter les germes d’un monde où la recherche de la paix et du bien-être économique pour tous redeviendra la règle.

Et en France ? Aucun débat à la hauteur des circonstances. Comme en 40, dirait-on ! Un tiers du peuple est ainsi condamné à se tourner vers les extrêmes que la violence de la crise et du désespoir, et non les compétences ou les programmes, pousse aux fenêtres de l’histoire tels des sauveurs.

A droite, les principaux chefs de file réclament plus d’austérité, plus de ce même libéralisme financier anglo-américain qui nous a conduits à la faillite, François Fillon allant jusqu’à ériger Margaret Thatcher en modèle ! A gauche, côté majorité, de simples escarmouches nous sont présentées comme de véritables pugilats. Tels des personnages de Gulliver, on se dispute sur les mérites relatifs de la base arrondie de l’œuf par rapport à son bout pointu : va-t-on donner 41 milliards aux entreprises ou seulement 22,5 milliards, en redistribuer 5 ou plutôt 16,5 aux plus démunis, faire de « l’offre » ou plutôt de la « demande » ?

Côté frondeurs, la palme de l’incohérence revient à Cécile Duflot qui dénonce l’austérité, tout en réclamant la création de beaucoup d’emplois « avec un bas niveau de croissance » car sinon « nous n’arriverons pas à sortir de la crise » ! Pourtant, beaucoup des « frondeurs » la rejoignent sur ces emplois de la « transition énergétique », certains sachant, comme elle, que cette transition entraînera une forte chute du niveau de vie et le déclassement de notre pays, d’autres suivant comme des moutons de Panurge.

Face à cette défaillance générale, il nous faut retrouver cette capacité gaullienne de rompre avec les politiques de pillage financier et de fuite en avant dans la guerre de « nos alliés ».

1. Rompre avec l’ordre de la City et de Wall Street

Nous ne sommes pas devant une crise de l’offre ou de la demande, mais devant une crise systémique. Le krach de 2008 a révélé que le cœur du système bancaire de la zone transatlantique était en faillite, après s’être goinfré de spéculation boursière et financière. Bear Sterns, Merryll Lynch, AIG, Lehman, Northern Rock, Dexia, Fortis, IKB, HypoReal Estate, voilà quelques-uns des cadavres bancaires qui attestent encore de l’ampleur de cette crise. D’autres « too big to fail » ont survécu, mais jusqu’à quand ? Plus on retarde l’heure de vérité, plus les dégâts sur l’économie et les populations seront importants.

Car la crise continue de plus belle, comme l’attestent la faillite de Banco Espiritu Santo au Portugal et deux nouvelles injections de 400 milliards chacune, dont la BCE a gratifié les banques en juin et en septembre. Les caves de la plupart de ces banques sont, en effet, toujours remplies de titres toxiques invendables dont la dépréciation continue inexorablement. Ce niveau d’endettement les empêche de prêter à l’économie et aux particuliers, et les contraint à poursuivre la spéculation folle d’avant la crise : 710 000 milliards de dollars de produits dérivés fin 2013, selon la BRI, 20 % de plus que le record précédent de… 2008.

Couplé à l’austérité draconienne imposée aux populations, cet ensemble de données a provoqué non la relance, mais la déflation. Impossible de faire marcher une politique de « l’offre » avec des banques virtuellement en faillite, et des entreprises qui peinent à emprunter et à vendre dans une zone transatlantique déprimée. Impossible de relancer la demande, alors qu’on a ponctionné les ménages et que les entreprises n’ont ni crédit, ni marché pour investir. Par contre, ce qui est toujours florissant est la corruption. Des bénéfices gigantesques ont été distribués aux actionnaires au deuxième trimestre 2014 : plus de 30 milliards d’euros rien qu’en France, un record, et en Espagne, cette manne est en hausse de 75 %. On voit bien où va l’argent public destiné à stimuler l’économie, les CICE et autres LTRO de la BCE !

Dans ce contexte, la seule véritable fronde à mener est celle qui consiste à faire la stricte séparation des banques, comme le propose toujours Solidarité & Progrès, car outre le fait de garantir les dépôts, elle révélera l’ampleur des titres toxiques détenus par les banques, permettant ainsi d’organiser la faillite contrôlée de ces titres, puis de reconstruire.

2. Rompre avec l’OTAN
avant qu’il ne soit trop tard

Sur les questions militaires, notre incapacité de rompre avec l’ordre de choses devient criminelle, tellement la pestilence des guerres menées par nos « alliés » au Moyen-Orient et en Ukraine nous frappe en plein visage.

Que fait-on encore dans l’OTAN ? Peut-on trouver un seul point d’accord avec nos « alliés » pour justifier notre adhésion à cette institution ? Les avantages qu’on tire du partage des équipements dans tel ou tel théâtre, on les perd mille fois dans le déshonneur de devoir participer aux opérations de chaos, de destruction et de mort qui se mènent en Syrie, en Irak et en Ukraine.

Laurent Fabius n’est pas sans savoir que ce sont encore « nos alliés » qui ont entraîné et financé, à l’aide du Qatar et de l’Arabie saoudite, l’Emirat islamique qui met actuellement l’Irak à feu et à sang. C’était pour chasser Bachar al-Assad en Syrie. Et aujourd’hui on devrait armer aveuglément les Kurdes pour combattre ces djihadistes, préparant par là-même les guerres que ces Kurdes mèneront plus tard contre les quatre pays qui les abritent ?

Quant à la politique menée par « nos alliés » en Ukraine, même John J. Mearsheimer, du Conseil des relations étrangères de New York, reconnaît dans Foreign Affairs (sept.-oct. 2014) que « la crise ukrainienne est la faute de l’Occident », que Ianoukovich a été évincé par un « coup d’Etat » et que l’Occident a mis au pouvoir un régime « dont quatre des principaux membres peuvent être légitimement appelés néo-fascistes » !

Or cette crise peut se muer en guerre mondiale, y compris nucléaire. Les militaires le disent désormais : une guerre nucléaire limitée n’est plus une vue de l’esprit. La miniaturisation et la plus grande précision des charges nucléaires, combinée aux progrès réalisés dans la protection des boucliers anti-missiles déployés en conjonction avec les armes de la cyberguerre, ouvrent à nouveau cette possibilité terrifiante. Et certains de « nos alliés » sont prêts à prendre ce risque. Comme le très influent Edward Lucas, rédacteur à The Economist, qui écrit le 16 août :

Si nous choisissons de résister à Poutine (et il y est favorable) je ne pense pas exagérer en disant que ceci pourrait nous amener au bord d’une guerre nucléaire.

Or, le 4 septembre prochain, au sommet de l’OTAN, « nos alliés » tenteront de poursuivre l’escalade contre la Russie. Jetant encore de l’huile sur le feu, Piotr Porochenko, le Premier ministre ukrainien, a été invité à une réunion en marge du Sommet. En chœur, le Premier ministre britannique David Cameron, le chef de l’OTAN Fogh Rasmussen et le commandant des forces alliées, Philip Breedlov, appellent à « revoir » la relation à long terme avec la Russie, qui voit désormais « l’OTAN comme un adversaire ».

Dans le Wall Street Journal du 17 août, Rasmussen et Breedlove ont proposé, sous prétexte de « rassurer » les pays Baltes, de resserrer l’étau autour de la Russie. Ne pouvant déployer de troupes chez les voisins de la Russie, car le traité Russie/OTAN l’interdit, ils proposent de renforcer la force de réaction rapide et de pré-positionner de l’équipement sur place.

L’OTAN, créée pour défendre l’Atlantique Nord, s’arroge-t-elle désormais un rôle planétaire et prépare-t-elle déjà une guerre mondiale ? L’invitation de 67 chefs d’Etat au prochain sommet, pour discuter de menaces incluant « l’arc d’instabilité qui s’étend depuis l’Afrique du Nord au Moyen-Orient », permet de poser la question.

Notre salut : les BRICS

Au bord de l’abîme, nous devons retrouver notre souveraineté, quitter l’OTAN sans plus tarder et reprendre notre liberté de parole envers « nos alliés ». Nous devons ensuite trouver un point d’appui auprès des BRICS, pour défendre une réforme ambitieuse de notre Europe. Une dynamique de croissance est possible, à condition de tourner le dos à l’Europe supranationale et financière de l’UEM, avec son euro, courroie de transmission chez nous de l’ultralibéralisme anglo-américain. Seuls une réforme bancaire en profondeur et le retour à l’Europe des patries et des projets de Gaulle/Adenauer, nous permettront de retrouver une dynamique de croissance et de recherche scientifique en phase avec les BRICS.

Bien sûr, ils sont loin d’être parfaits, ces BRICS. Mais que sommes-nous devenus ? Eux, cherchent à progresser ; nous nous employons à creuser notre déclin. En cette année Jaurès, une « évolution révolutionnaire » s’impose, à la fois de notre politique internationale et de notre politique intérieure. Par delà et en dehors de l’OTAN, de l’euro et de l’Union européenne telle qu’elle est devenue !