6 juin 1944 — On avait dit : « Le fascisme, plus jamais ! »

mercredi 28 mai 2014

Le parti de l’Empire en Occident pousse à la guerre et engendre de nouvelles barbaries en Syrie et en Ukraine. La France, l’Allemagne, la Russie, pourront-elles les empêcher ? C’est notre pari.

Arrivée des troupes alliées à « Omaha Beach », l’une des cinq plages du débarquement de Normandie.
U.S. Army Center of Military History

Lettre ouverte de S&P aux chefs d’Etats, à l’occasion du 70e anniversaire du Débarquement

6 juin 2014, les commémorations du Débarquement en Normandie seront peut-être la dernière chance pour éviter un nouveau conflit mondial et renouveler, face à l’histoire, l’engagement de nos prédécesseurs à la fin de la Deuxième Guerre mondiale : le fascisme, plus jamais ça ! En tant que puissances les plus importantes de la planète, vous, M. Hollande, Mme Merkel, M. Obama et M. Poutine, tenez entre vos mains le destin de l’humanité qu’une nouvelle guerre à l’ère nucléaire pourrait tout simplement anéantir.

A la veille de cet anniversaire, le Président russe, conscient des enjeux, a montré la voie en demandant aux pro-Russes d’Ukraine orientale de surseoir à leurs référendums sur l’autonomie jusqu’après les élections présidentielles du 25 mai. Il a aussi fait preuve d’un grand sang-froid, face à des actes abominables comme l’exécution sauvage de dizaines de militants pro-russes à Odessa le 2 mai, par des nazis déployés par Kiev.

Vous aussi, Mme Merkel, quelles que soient les limites de vos politiques par ailleurs, vous êtes montée au créneau dans cette crise, jouant le rôle traditionnel de votre pays en tant que pont avec l’Est et en maintenant le dialogue avec Vladimir Poutine. Meurtri par deux guerres mondiales successives, votre peuple vous enjoint de ne pas céder aux sirènes de la guerre. Pas moins de trois anciens chanceliers, y compris celui qui a réunifié l’Allemagne, vous appellent à dialoguer avec la Russie. Dernier en date, Helmut Schmidt qui, dans un entretien au Bild le 16 mai, a mis en garde contre le danger d’une troisième Guerre mondiale, trop souvent agité par l’entourage d’Obama, et reproché à Bruxelles d’avoir contribué à aggraver la crise ukrainienne. Quant aux milieux d’affaires de votre pays, leur forte participation au Forum économique de Saint-Pétersbourg illustre leur rejet total de cette guerre.

Pour aller jusqu’au bout de la paix, cependant, vous devrez surmonter les craintes qu’a pu laisser un passé trop proche sous le joug soviétique, dans votre Allemagne de l’Est natale, et perdre vos illusions sur un allié américain que son déclin réduit à espionner ses alliés et à s’imposer par la seule force des armes.

Quant à notre pays, l’allié le plus soumis à Washington depuis l’élection de M. Hollande, un vent de révolte se lève aussi au gouvernement, après avoir gagné la plupart des responsables politiques. Acculée par la menace d’une guerre en Europe pouvant conduire à une escalade nucléaire, la France bloque le passage à la phase trois, économique, des sanctions contre la Russie. Aux Etats-Unis, M. Fabius a refusé de céder aux pressions de la « néo-conservatrice » Victoria Nuland et de John Kerry pour annuler la vente de Mistrals à la Russie. Il était temps de découvrir qu’on ne peut pas cloisonner son soutien à l’Empire : aider sa guerre contre la Syrie, mais refuser celle contre la Russie ; profiter des équipements de l’OTAN et ne pas subir son autorité.

Notre message à vous, M. Hollande, est que lorsque vous serez face à face avec Barack Obama, en Normandie, vous vous inspiriez de l’histoire du Débarquement, qui renvoie aux responsabilités particulières de la France, lorsque l’allié américain dévie de la voie républicaine pour prendre la route de l’Empire. De cette France, tenue à l’écart du débarquement par les États-Unis et l’Angleterre, qui, prétextant qu’il n’y avait pas d’autorités légitimes dans le pays, s’apprêtait à lui imposer un régime d’occupation, de Gaulle a dû exprimer toute la souveraineté au cours de deux séances houleuses avec Churchill et Eisenhower, les 3 et 4 juin, pour que nos « chers alliés » abandonnent cette idée.

Enfin, un sinistre personnage sera là aussi : la Reine d’Angleterre, représentante d’un Empire « off-shore » qui survit grâce à son réseau de paradis fiscaux et qui, pour maintenir son rang, murmure à l’oreille de son allié américain pour qu’il mette sa puissance militaire au service des intérêts britanniques.

Assurer la paix aujourd’hui signifie fermer les centres de pouvoir financier transatlantiques – la City et Wall Street – que la crise systémique pousse à étendre leur espace vital à l’Est.

Discours prononcé par Charles de Gaulle le 6 juin 1944

(extraits)

« La bataille suprême est engagée. Après tant de combats, de fureur, de douleurs, voici venu le choc décisif, le choc tant espéré. Bien entendu, c’est la bataille de France et c’est la bataille de la France. D’immenses moyens d’attaque, c’est-à-dire, pour nous, de secours, ont commencé à déferler à partir des rivages de la vieille Angleterre. (…) La France, submergée depuis quatre ans mais non point réduite ni vaincue, la France est debout pour y prendre part. (…) Cette bataille, la France va la mener avec fureur. Elle va la mener en bon ordre. (...) Le bon ordre dans la bataille exige plusieurs conditions. La première est que les consignes données par le gouvernement français et par les chefs français qu’il a qualifiés pour le faire à l’échelon national et à l’échelon local soient exactement suivies. (...). La bataille de France a commencé. Il n’y a plus, dans la nation, dans l’empire, dans les armées, qu’une seule et même volonté, qu’une seule et même espérance. Derrière le nuage si lourd de notre sang et de nos larmes, voici que reparaît le soleil de notre grandeur ! »