Et moi qui pensais que les municipales étaient finies !

jeudi 17 avril 2014

Jean-François Grilhault des Fontaines, candidat S&P aux élections municipales de Verlhac-Tescou (82), a obtenu 42,81 % des voix. Entretien.

Pouvez-vous vous présenter ?

Jean-François Grilhault des Fontaines (chemise bleu), candidat S&P aux élections municipales de Verlhac-Tescou (82)

Jean-François Grilhault des Fontaines : Je suis artisan et installateur de téléphones. Dans mon métier, je discute avec beaucoup de monde. Ainsi, il y a cinq ou six ans, j’ai pris conscience des énormes problèmes de surendettement que le citoyen lambda peut avoir avec les banques. Par exemple, pour monter leur propre entreprise, certains finissent par contracter des crédits à la consommation. Les abus bancaires sont flagrants. En creusant le problème, je me suis rendu compte qu’aucun mouvement politique ne répondait à mon souhait. Aucun parti, ni l’UMP, ni le PS, ni DLR, ni le PC, n’attaque le fond du problème. C’est en cherchant des solutions aux problèmes des gens qui m’étaient proches que j’ai fini par découvrir le site de S&P. Très vite, je me suis rendu compte que S&P avait anticipé depuis des années la problématique d’un système bancaire à la dérive. Les dossiers de fond sur son site m’ont convaincu que c’est la seule organisation à même de se battre efficacement sur ce terrain.

Et de fil en aiguille, vous vous êtes engagé dans le combat.

J’ai d’abord participé à la campagne des régionales de S&P en Bretagne et après la présidentielle, je me suis porté candidat aux législatives de 2012. Bon an, mal an, depuis six ans, grâce notamment aux échanges d’idées avec S&P, ça n’a fait qu’aller crescendo.

Lors de ces municipales, vous êtes-vous présenté sur une liste ?

Je n’ai pu m’engager que tardivement, donc je suis parti seul, sans pouvoir monter une véritable liste. J’ai voulu amener une question très politique, celle de la nécessité d’une séparation stricte des banques et d’un changement de tout le système de crédit. Cette question, j’ai pu l’évoquer avec une grande partie des habitants de mon village, Verlhac-Tescou (82), une commune de 473 habitants.

Il faut savoir que dans les communes de moins de 1000 habitants, on peut soit faire une liste, soit s’engager seul. A Verlhac-Tescou, le maire sortant a fait une liste de 11 personnes, c’est-à-dire de quoi constituer l’ensemble du conseil. Si la liste est élue, les 11 personnes désignent entre elles le maire.

Or sur 401 inscrits, 320 électeurs se sont exprimés. Pour être au conseil municipal, il fallait la majorité plus une voix, soit 161 voix. Pour ma part, j’en ai obtenu 137 (42,81 %). Je n’en suis pas passé loin ! Si j’avais eu plus de voix que le onzième de la liste, j’aurais été élu membre du Conseil.

Comment avez-vous pu réunir ces 137 voix ?

D’abord, j’ai violé les règles. Dans une élection municipale, on vous dit très souvent qu’il ne faut pas sortir des affaires locales, c’est-à-dire les problèmes de chemins ruraux et communaux. Mais moi, ce que j’ai tenu à faire, c’est d’éveiller les gens aux grands problèmes mondiaux. Ce que la liste en face m’a reproché, c’est que je voulais faire trop de politique. Mais c’était bien nécessaire. Il y a eu de très longues discussions, parfois de plus d’une heure, avec les électeurs. Sur les quelque 220 maisons du village, j’en ai visité 180. Pendant trois semaines, j’ai fait du porte-à-porte à plein temps. J’ai été extrêmement bien reçu, les gens ont été très attentifs, voire même demandeurs. Ce genre d’action m’a permis de mieux connaître ma commune et les gens qui m’entourent, de trouver chez eux plein d’idées que je vais pouvoir travailler, et grâce à ma démarche, l’abstention dans ma commune n’a été que de 18,45 %, contre 25 à 30 % dans les communes avoisinantes [elle a même baissé de 1,28 % par rapport à 2008, Ndlr]. Je pense que mon action y est pour quelque chose.

Les gens ont compris le lien entre la nécessaire séparation des banques et la capacité retrouvée de lancer de grands travaux. Et que sans cela, l’austérité budgétaire devient une fatalité. Le village est habité en partie par des retraités, mais également des personnes travaillant dans l’aérospatial à Toulouse ainsi que quelques agriculteurs.

A part la séparation des banques, avez-vous pu aborder d’autres sujets ?

L’élection se déroulait au moment le plus chaud de la crise ukrainienne. Si les gens avaient du mal à comprendre la menace des mouvements fascistes en Ukraine, il comprenait très bien que l’Accord d’association proposé par l’UE à l’Ukraine pouvait ruiner aussi bien ce pays que la PAC dont vivent pas mal de gens ici. Du coup, les dossiers du journal Nouvelle Solidarité et du site m’ont beaucoup servi pendant la campagne. Je me suis aussi servi de « l’Appel des six » avec l’ancien Résistant Charles Paperon, qui m’a permis de mobiliser d’anciens communistes de la région.

Vous semblez confirmer ce qu’on nous dit par ailleurs : le monde rural étant moins « tenu » par les mafias du pouvoir, S&P pourrait plus facilement y faire une percée que dans les grandes métropoles.

Sans doute. Beaucoup de gens me disent qu’ils ne font aucune confiance à ce qu’on leur raconte à la télévision, notamment à propos de l’Ukraine. Ce qui fournit évidemment un bon point de départ pour engager une discussion.

Quel message de votre part pour les autres candidats et militants S&P ?

Je n’ai pas de conseil particulier à leur donner parce qu’ils se débrouillent très bien. Ce qui est certain, c’est qu’il faut occuper le terrain en faisant beaucoup de porte-à-porte. Évidemment, c’est plus facile d’aller voir les gens chez eux lorsqu’il y a des élections. C’est très enrichissant. Ces gens ont souvent lutté, à leur manière. Je ne m’en rends compte que maintenant. Chaque personne que j’ai rencontrée m’a offert une idée, un texte, un livre, etc. On m’a prêté par exemple le livre du combattant politique paysan Paul Ardouin, Carnet de mémoire et de luttes. Une personne m’a rappelé, deux autres m’ont croisé en me disant : « Maintenant, tu représentes 137 personnes, donc tu peux aller voir le maire et lui dire des choses car il faut qu’il t’écoute. »

Et moi qui pensais que c’était fini et qu’on allait passer à autre chose ! Cela me conforte dans l’idée que maintenant je pourrais faire voter un vœu pour la séparation des banques. J’ai vu des membres du Conseil avant les municipales. Ils ne sont pas négatifs mais maintenant je vais pouvoir les revoir et les mettre en action.

Pour finir, permettez-moi de vous raconter une belle histoire. Lors du porte-à-porte, je suis tombé sur un syndicaliste en fauteuil roulant. Il m’a fait entrer chez lui et la discussion s’est vite engagée sur Glass-Steagall et Roosevelt. Il a dit : « Roosevelt ? Il avait la polio comme moi ! » Et c’est lui qui vient de me rappeler après les élections pour bosser ensemble.

Propos recueillis le 2 avril 2014 par Karel Vereycken