La fusion, prochain stade de l’évolution humaine

jeudi 19 septembre 2013, par Benoit Odille

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Jean Robieux et de Gaulle estimaient l’avènement civil de la fusion par laser pour les années 2000... En 2014, le Laser Mégajoule du CEA servira essentiellement à la recherche militaire.
P.Stroppa/CEA

Si l’oligarchie financière ne nous tue pas par la guerre, elle voudra nous condamner à l’extinction par l’écologisme. Je parle évidemment de cette écologie malthusienne promue par l’oligarchie, qui refuse l’hospitalité à plus d’êtres humains sous prétexte que les ressources sont limitées.

En même temps, je conçois qu’il y a de quoi paniquer : même si l’on échappe à la guerre mondiale, comment contrecarrer l’épuisement des ressources (pétrole, gaz, eau, minerais) qui mènera fatalement... à la guerre ? Certains répondront : « Sobriété, décroissance, arrêt du nucléaire ! »

Et on peut les comprendre. C’est une réaction « normale » de vouloir détruire un système de consommation futile, dopé au financier. Mais le futur n’appartient pas aux gens « normaux ».

Le futur exige des hommes et des femmes de caractère qui n’ont, pour ainsi dire, pas peur du feu. Ce feu du XXIe siècle sera nécessairement un « feu nucléaire », car lui seul peut soutenir un accroissement de la population humaine et, en même temps, un progrès social. Pourvu qu’il soit compris par tous !

La France, pionnière de la fusion par laser

La génération de Mai 68, trop occupée à d’autres feux, n’a pas réussi à rendre possible l’avènement de la fusion thermonucléaire contrôlée (cf. encadré). Pourtant, dès 1962, le physicien français Jean Robieux [1] obtint à l’arrachée du général de Gaulle une enveloppe pour financer ses recherches sur la fusion par laser. La France devint pionnière de cette technologie et Robieux alla même enseigner ses secrets en Amérique. Malgré des percées théoriques et expérimentales, un coup d’arrêt fut donné au projet dans les années 90. Les militaires, l’austérité budgétaire et une opinion publique gagnée à l’idéologie postindustrielle en furent les fossoyeurs. Le problème fut donc politique et non pas scientifique.

La fusion, c’est fantastique !

Que nous apporterait la fusion thermonucléaire ? Tout d’abord, le défi scientifique est tel que les chercheurs seront obligés de révolutionner la science physique des dizaines de fois en quelques décennies. La physique des plasmas [2] et les lasers de haute puissance sont, par exemple, deux domaines de pointe qui engendreront des centaines de découvertes et les technologies « normales » du futur. Surtout, l’énergie libérée par une réaction de fusion est sans commune mesure avec les combustibles « classiques » : un litre d’eau de mer contient assez de deutérium pour créer l’équivalent énergétique de 300 litres de pétrole ! Pas besoin d’encombrer la Terre avec les « renouvelables » : avec un peu d’eau (et d’amour), toute nation pourra accéder à l’indépendance énergétique ! De plus, la chaleur dégagée par la fusion peut atteindre des dizaines de millions de degrés. A cette température, toute matière se décomposerait en ses éléments primordiaux et il suffirait de les séparer par leur masse pour les récupérer chacun de leur côté. C’est le principe de la torche à plasma, avec lequel on peut faire de tous les déchets ménagers une vraie mine ! L’extraction minière serait simplifiée car même une motte de terre de votre jardin regorge d’éléments précieux. Ces hautes températures peuvent également servir à produire de la vapeur pour l’industrie chimique, des arcs de plasma pour la soudure et la métallurgie, des carburants de synthèse comme l’hydrogène et à dessaler l’eau de mer. La puissance instantanée de la fusion est suffisante pour alimenter des lasers qui déchargent leur énergie en quelques milliardièmes de seconde (les lasers Petawatts) et qui seraient indispensables pour le recyclage des déchets nucléaires par transmutation [3] ou pour la production massive d’isotopes [4] utiles à l’industrie des matériaux. Enfin, les progrès dans la fusion seraient intimement liés à ceux du spatial : l’hélium 3 sur la Lune serait un parfait combustible, l’énergie de fusion serait un très bon propulseur pour les voyages interplanétaires, les lasers et les plasmas seraient un bon moyen de défense contre les missiles balistiques et les astéroïdes.

La vraie transition énergétique

L’évolution humaine présente toujours ce paradoxe qu’il faut accroître sa puissance énergétique pour passer à une puissance supérieure en qualité, qui réduit ensuite massivement les coûts de production de la société.

Pour assurer sa survie, l’humanité doit accroître sa densité d’énergie (cliquez pour agrandir).
Fabien Ramel - S&P

Pour mettre en marche une centrale à fusion, il faut d’abord injecter une énergie phénoménale. La réaction de fusion doit alors donner plus d’énergie qu’elle n’en consomme. En trente ans de recherche, le critère de Lawson, qui mesure ce bilan, a été amélioré d’un facteur 10 000. Ne reste plus qu’à l’améliorer d’un facteur 10 pour obtenir un bon rendement. Les nations du monde doivent donc impérativement lancer dès maintenant un nouveau « Projet Manhattan » international pour maîtriser la fusion d’ici une quarantaine d’années. Cela nécessitera d’abord un abandon du « Pays des merveilles » vert et un investissement massif dans la vraie transition énergétique de la fission nucléaire de 4e génération. C’est à ce prix que l’on pourra accueillir dignement les générations futures, sauvegarder le bois pour nos meubles et nos maisons, épargner le pétrole pour fabriquer nos plastiques, et tuer dans l’œuf l’impitoyable « guerre de l’eau » qui se profile. Cette révolution est à notre portée. Alors arrêtons de penser petit : pensons infiniment petit et nous ferons de grandes choses !

Qu’est-ce que la fusion ?

La fusion thermonucléaire, c’est « l’énergie des étoiles ». Mais il a fallu attendre Marie Curie et Albert Einstein pour faire l’hypothèse que le Soleil se chauffait de cette manière.

Le rendement de l’énergie de fusion est sans commune mesure avec les énergies « classiques » : un litre d’eau de mer contient assez de deutérium pour créer l’équivalent énergétique de 300 litres de pétrole !

Par opposition à la fission – la séparation en plusieurs morceaux des atomes lourds (dont le noyau contient beaucoup de protons et de neutrons, tels l’uranium, le plutonium, le thorium) – la fusion est l’assemblage d’atomes légers (hydrogène, hélium). Lorsque deux isotopes d’hydrogène sont fusionnés (par exemple un atome de deutérium et un de tritium), la réaction produit un atome d’hélium et un neutron (cf. schéma). Une énergie E est libérée (selon la célèbre formule E=mc² ) car la somme des masses des produits est inférieure à celle des deux isotopes originaux ( m est donc la différence des masses). Comme quand deux entreprises fusionnent, l’économie d’échelle réalisée oblige à licencier et les chômeurs deviennent une énergie libre qui peut et doit être réemployée dans une activité plus productive !

La densité d’énergie du deutérium atteint des millions de fois celle du charbon, du pétrole ou du gaz naturel : avec beaucoup moins de matière, on génère la même quantité d’énergie. Le deutérium est présent en abondance dans l’océan, ce qui fait de la fusion une énergie quasi-illimitée.

La fusion nécessite néanmoins une température de l’ordre de 100 millions de degrés pour s’amorcer. Dans le cœur du Soleil, cette température est atteinte. Mais dans un laboratoire terrestre, l’opération est plus délicate car le plasma ultra-chaud créé doit être contenu dans un récipient. Or aucun matériau n’est capable de résister à de telles températures !

L’être humain a malgré tout relevé certains défis et aujourd’hui plusieurs principes sont à l’étude : la fusion par confinement magnétique (un énorme aimant maintient le plasma en « lévitation » sans qu’il touche les parois du récipient), la fusion inertielle par lasers (une centaine de lasers synchronisés compressent une cible pour amorcer la réaction), etc.

Ce qui rassure, c’est que la fusion est partout dans l’Univers : cent milliards d’étoiles dans notre Galaxie l’utilisent comme carburant. La nature a fait un choix pour elle. Ne la décevons pas !

B.O.

Revue de film - « Petit central »

Comment peut-on avoir une société basée sur l’atome dans une culture hédoniste ? C’est la question que nous a inspirée le film Grand Central , dont on s’étonne peu qu’il fût plébiscité, vu la propagande anti-progrès. Sexe sans dialogues, loose et « adulescents » inaptes à assumer leur vie personnelle, sur fond de crainte de la « dose » radioactive : rien qui n’élève notre densité morale et intellectuelle, pourtant si nécessaire à l’augmentation de notre densité énergétique !

M.M.

[1Disparu en 2012, Jean Robieux nous avait accordé une entrevue enthousiasmante : « La science au service du peuple ».

[2Matière désordonnée, à très haute température, ionisée et conductrice d’électricité.

[3Transformation d’un élément chimique en un autre par ajout de protons dans le noyau. Aujourd’hui on sait changer l’or en platine.

[4L’isotope d’un élément est un atome qui a le même nombre de protons mais un nombre de neutrons différent.