Emission de France3 : Une « pièce à conviction » dans le procès contre la banque universelle

mercredi 29 mai 2013

Par Antoine Beils, militant Solidarité et Progrès, Paris

Pièces à conviction : « Banquiers – Ils avaient promis de changer »

En diffusant le mercredi 15 mai 2013 à 23h00 le centième épisode de « Pièces à conviction », intitulé « Banquiers – Ils avaient promis de changer », France 3 a fait ce que les partis politiques auraient dû faire depuis longtemps...

La sentence est prononcée : « le Glass-Steagall Act ! »

Le programme, reprenant les discours anti-finance prononcés depuis 2007 par Sarkozy, Obama et Hollande, décrit comment ces dirigeants, après avoir promis de contrôler la finance débridée au moyen de réglementations strictes, n’ont en réalité rien fait.

En ce qui concerne la loi de réforme bancaire de Hollande, le programme met en évidence que la réforme bancaire du gouvernement français ne correspond pas du tout à une réelle séparation des banques. Encore mieux, le programme démontre comment la volonté initiale de Hollande a été renversée par le lobby bancaire français composé de BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et autres, de la manière exacte dont Solidarité & Progrès l’avait expliquée.

Qui gouverne ?

Résultat : Frédéric Oudéa, patron de la Société Générale, annonce triomphalement le chiffre de 0,75%, devant les membres gênés de la commission des Finances du Parlement français, comme pourcentage d’activités bancaires filialisées par la nouvelle loi bancaire. Il n’y a que Pierre Moscovici, en charge de la loi de séparation bancaire promise par François Hollande, pour contester, face camera, le chiffre du PDG de la Société générale. Le ministre de l’Economie et des finances ajoute : « Le ministre dans sa fonction [c’est à dire lui-même] a cette paire de ciseaux, qui lui permet de passer, s’il estime que c’est nécessaire, à 1, 3, 4, 5 [%]. »

Comme le souligne très ironiquement Thierry Philipponnat de Finance Watch, la réforme bancaire ne pourrait-elle pas être renommée « loi de création d’une filiale vide » ?

Un chien ne mord jamais la main qui la nourrit

Olivier Pastré qui, en tant qu’économiste à tout faire de la Fédération bancaire française, affirme tout de go que « le Glass-Steagall Act […] était une connerie majeure », pourrait certainement apporter un contre-point intéressant dans le débat, s’il ne perdait pas ses moyens quand le journaliste lui demande si le salaire qu’il reçoit de son travail en tant qu’économiste est supérieur ou non à la rémunération qu’il reçoit de ses activités en tant que PDG d’IM Bank, la plus grande banque d’investissement privée en Afrique du Nord…

Pierre Moscovici assure que « les banques ne peuvent plus faire d’opérations qui ne soient pas utiles à leurs clients ». Dommage que le journaliste ne demande pas ce que le ministre des Sophismes entend par « opérations utiles aux clients ». Est-ce « conseils et crédits aux entreprises et aux ménages » ? Ou plutôt « paris pour des fonds financiers hébergés dans des filiales off-shore » ?

En réalité, Jérome Cazes, ancien banquier de Natixis intervenant dans le débat final face à Pierre de Lauzun, a raison d’exiger la fin de la garantie implicite de l’Etat envers les 40% d’actifs engagés sur les marchés financiers par les banques françaises pour le compte de leurs « clients ».

Le Glass-Steagall, c’est « couper les banques en deux », insiste la voix-off, reprenant en cela la formule des campagnes de Jacques Cheminade et de S&P, avec de notre point de vue un double objectif : mettre la spéculation en faillite et arrêter la destruction socio-économique, au lieu de détruire les pays et les banques on-shore comme à Chypre, pour sauver un système offshorisé dans les paradis fiscaux du Commonwealth. Même un Pierre de Lauzun, directeur général adjoint de la Fédération bancaire française (FBF), évoque à demi-mot cette responsabilité de la Couronne britannique.

Enquête sur les paris sur la mort et les emprunts toxiques

Le téléspectateur est choqué en découvrant le principe d’un « Life Settlement », système américain de rachat de polices d’assurance-vie. C’est l’équivalent d’une opération viagère appliquée à l’assurance-vie de personnes gravement malades. Pour les représentants de fonds spéculatifs américains, il s’agit d’une « opportunité pour le consommateur américain de profiter de la valeur d’un actif ».

Jusqu’à cette dérangeante intrusion journalistique de la part des auteurs de l’émission : le Crédit agricole et la BNP Paribas hébergeaient, respectivement dans leurs filiales du Luxembourg et de Guernesey, les actifs macabres de certains de ces fonds vautours.

Emprunts toxiques pour tous

Ensuite, on apprend comment des établissements tels que la BNP Paribas, le Crédit mutuel et le Crédit agricole, ont renoncé en 2010 à la commercialisation auprès des collectivités d’emprunts en franc suisse, monnaie dont la valeur fluctue constamment vis à vis de l’euro, pour recommencer ensuite avec des milliers de particuliers français. D’après Emmanuel Fruchard, expert en emprunts toxiques des collectivités et des particuliers, les banques ont failli dans leur devoir de conseil et d’information vis à vis de leurs clients. Pire, les banques ont présenté des informations trompeuses pour piéger leurs clients.

Faute de système judiciaire digne de ce nom en France, reconnaissons que cette partie du reportage a le mérite de chercher à confronter les dirigeants des banques sur des éléments factuels. Mais en orientant leurs investigations sur le scandale du Life Settlement, relativement éloigné de notre pays, et sur le scandale des emprunts toxiques aux particuliers, les journalistes ouvrent la possibilité à un Pierre de Lauzun, de réduire le gros problème des activités de marché au sein de la banque universelle française, à ces petits « problèmes à la marge ».

Les paris sur la mort d’autrui, choquants et presque caricaturaux, vous donnent néanmoins une image tout à fait sensée de ce que sont les Credit Default Swaps (CDS), assurances sur le risque de défaut de paiement, dont le volume actuel et de 12 fois le PIB mondial. Ajoutez à cela le principe de violation du devoir de conseil par les banques, tel que dans le cas des emprunts toxiques aux particuliers, et transposez cela aux cas où les États sont les clients des banques.

En vérité, seule une véritable commission d’enquête, dotée de pouvoir de réquisition et de perquisition, pourra mettre à plat les responsabilités juridiques des milieux de la finance et de leurs relais politiques dans la crise mondiale.

Tenant une table militante au cœur de Paris le jour suivant ce programme, l’auteur de ces lignes alpague les passants sur le thème de la « spéculation sur la mort ». Signe que les temps changent, un homme lui répond : « Je suis cadre supérieur d’une grande banque. Vous regardez trop la télévision. »


>> Solidarité & Progrès présente sa proposition de loi pour couper les banques en deux !