« Flash-krach » des cryptos avant le krach de tout ?

vendredi 31 octobre 2025, par Jacques Cheminade

11 octobre 2025 — Commentaire et décryptage de Jacques Cheminade à propos de la crise financière qui vient.

Par Jacques Cheminade.

A propos de la crise financière, je vais vous dire des choses qui ne se trouvent que dans les médias réservés aux experts financiers. La première, c’est qu’il y a eu ce qu’ils appellent un flash-krach du bitcoin. Après avoir atteint un record historique, début octobre, le bitcoin a chuté de 122 000 dollars à 105 000 dollars. C’est une chute énorme, d’environ 13 % en quelques heures. Et c’est encore plus catastrophique pour les autres cryptos : Ethereum a perdu 17 %, Solana 24 %, XRP 72 %. Le marché des cryptos a corrigé 700 jours de marché, c’est-à-dire environ deux ans en quelques heures.

C’est arrivé d’abord parce que Trump avait décidé d’imposer des droits de douane de 100 % sur les produits chinois. Les marchés ont anticipé des difficultés pour l’approvisionnement en terres rares aux Etats-Unis et les gens ont commencé à vendre massivement des cryptos. Les petits et moyens porteurs ont vendu. L’effet de levier s’est alors transformé en engrenage à la baisse, et ce qui avait provoqué la hausse est devenu ce qui allait provoquer la baisse.

Mais, miracle ! Aux séances suivantes, tout est presque rentré dans l’ordre, parce que les gros investisseurs ont acheté au plus bas ce que les petits investisseurs et les petits traders vendaient à tout prix, et ils ont bénéficié de la remontée à la hausse. Ce sont des comportements de mafieux, de bandits en col blanc. Les dernières nouvelles – un retour à l’optimisme concernant les relations commerciales sino-américaines et l’anticipation d’une baisse des taux d’intérêt par la Réserve fédérale – sont alors le prétexte à d’incessantes spéculations.

Voici ce qui apparaît sur une plateforme qui s’appelle Hyperliquid : 20 minutes avant la publication du tweet de Trump sur les 100 % de droits de douane, quelqu’un (une « baleine ») a posé un « short », c’est-à-dire un pari à la baisse sur le bitcoin. Une heure plus tard, le bitcoin, qui était alors à 122 000, est tombé à 105 000. Il y a eu un gain d’au moins 200 millions pour celui qui avait fait ce pari. Et ce ne pouvait être qu’un initié au courant de ce qu’allait dire Trump et qui allait provoquer la baisse.

La deuxième chose, plus importante encore, c’est la folie de l’intelligence artificielle. On est dans un système pratiquement circulaire où les fournisseurs prêtent à ceux qui leur achètent, qui investissent à leur tour dans leur capital. C’est ainsi que Nvidia prête à Open AI pour qu’elle lui achète ses puces et amorce ainsi la ronde.

Presque tout le trading repose par ailleurs sur l’intelligence artificielle. Ce qui fait qu’avec les effets de levier, avec 10 % on peut jouer sur le prix de toute la valeur. Et si la valeur augmente de 2 %, les 10 % peuvent atteindre presque 20 %, c’est donc extrêmement spéculatif.

Dans ce système-là, l’intelligence artificielle pousse toujours à la hausse. C’est la raison pour laquelle on a vu une hausse constante des marchés financiers depuis environ deux ans, sous l’influence des algorithmes. Mais ce qui a provoqué la hausse risque très vite de provoquer la baisse. Si la tendance se retourne complètement, les coupe-circuits prévus pour bloquer la baisse ne fonctionneront plus parce que l’intelligence artificielle les fait sauter. Tout le monde joue dans le même sens et la hausse permanente « en marches d’escalier » que l’on connaît depuis plusieurs années risque de se transformer en chute verticale.

Il y aurait donc une baisse parce que l’intelligence artificielle utilisée par tous les opérateurs est pratiquement la même. Donc si JP Morgan vend, Tether vend, Goldman Sachs vend et ainsi de suite. Ce qui provoquait la hausse par multiplication des achats va alors provoquer la baisse par multiplication des ventes. Et ça, ça expose toute la fragilité du système, aggravée par le fait que ce sont des jeux qui se font à haute fréquence, c’est-à-dire à la microseconde.

En même temps, dans cette économie-casino, quelqu’un aux États-Unis a fait une évaluation d’un caddie de supermarché. Il y a deux ans, il était à 126 dollars. Aujourd’hui, le même caddie coûte 414 dollars. Il y a donc une énorme inflation. Ce ne sont pas seulement les « groceries », les produits alimentaires, qui sont atteints, mais c’est aussi le gaz, l’électricité, les assurances et tout le reste.

On commence à voir la même chose en France. La folie est d’autant plus grande que dans les derniers mois, on a vu monter ensemble la valeur de Wall Street et celle de l’or. Habituellement, l’or monte quand la bourse marche mal ou quand les taux d’intérêt sont bas, parce que ce n’est pas très rentable d’investir dans des obligations. C’est pourquoi les opérateurs préfèrent l’or. Mais aujourd’hui, on voit le prix de l’or monter, avec des taux d’intérêt élevés et Wall Street qui monte également ! C’est un autre signe de dysfonctionnement complet du marché.

Ces signes de dysfonctionnement traduisent une fuite en avant : ce n’est pas la hausse de l’or en soi, ce n’est pas la hausse de Wall Street en soi, c’est que tout le monde fuit les monnaies qui sont émises à tout va, sans contrepartie réelle dans l’économie physique. Les initiés savaient qu’avec la politique de Trump, le dollar allait fortement baisser. C’est effectivement ce qui s’est passé, sauf qu’il y a eu des interventions qui l’ont fait remonter depuis une semaine et demie.

Tous se livrent à une espèce de jeu. On se croirait vraiment dans un casino, où l’intelligence artificielle joue le rôle de croupier – pour ceux qui la détiennent, bien sûr ! C’est très important à comprendre sur la situation parce que cela exhibe sa vulnérabilité.

Répétons-le, tout ce qui gravite autour de l’IA tourne désormais à l’économie circulaire. Le fournisseur, celui qui vend, avance de l’argent à son client, celui qui achète, lequel prend une participation chez son fournisseur. Et tous deux jouent sur les marchés financiers et les cryptos, dans un système sous influence de l’IA. C’est une véritable économie circulaire qui se met en place.

Par exemple, je te vends pour 100 euros de n’importe quoi, et je t’en prête 100 pour que tu puisses l’acheter. Et avec ces 100 euros, tu prends une participation chez moi. C’est ça le deal. C’est complètement fou, du point de vue de l’économie réelle. Et ça se passe à la vitesse de la lumière. C’est un trading de haute fréquence et peu importe la nature du bien, ce qui importe c’est de profiter de ses variations de prix, à la hausse comme à la baisse. Le but est de jouer ce mouvement, pour ceux qui savent dans quelle direction il va, ou plutôt, qui organisent eux-mêmes ce mouvement.

C’est une logique de bulle, d’exploitation coloniale, si l’on peut dire, une arnaque dont l’économie réelle et le peuple sont les victimes. C’est très important de comprendre cette folie. C’est le fond des affaires cryptos, par rapport à ce qui se passe politiquement et à la politique américaine de Trump et de son entourage.

Evidemment, une telle politique, découplée de l’économie physique, de l’économie réelle, ne peut tenir éternellement. Heureusement, les pays de la Majorité mondiale s’en éloignent, et une économie de développement mutuel s’esquisse, pour se substituer au jeu autodestructeur des marchés occidentaux.