Dans un article paru le 27 octobre dans le journal russe Kommersant, Dmitri Trenin, directeur de l’Institut d’économie et de stratégie militaires mondiales de l’École supérieure d’économie, décortique les tactiques et la stratégie de Donald Trump, qualifiées de « montagnes russes virtuelles ».
S’il identifie bien les influences néfastes de son entourage et de ses vassaux européens, il fait l’impasse sur des périodes antérieures de relations positives, entre la Russie et FDR, JFK et même Reagan, sans parler de l’influence du travail de Lyndon LaRouche sur ces relations.
Ancien colonel du renseignement militaire russe, Trenin a servi pendant 21 ans dans l’armée soviétique et les forces terrestres russes, avant de devenir en 1994 le directeur du Carnegie Moscow Center, un groupe de réflexion russe.
Il est intervenu cet été lors de la grande conférence de Berlin, organisée par l’Institut Schiller, l’Académie de géopolitique de Paris et l’OVK.
Des montagnes russes virtuelles
par Dimitri Trenin
Au cours de l’année écoulée, les commentateurs russes se sont pour la plupart transformés en « trumpologues ». Toute déclaration du président américain (et il y en a souvent plusieurs par jour) fait l’objet d’un examen minutieux et de discussions animées. Étant donné que ses déclarations se contredisent souvent, suivre son raisonnement est une expérience fascinante, une sorte de montagnes russes virtuelles. C’est époustouflant.
Cependant, il ne faut pas trop s’emballer. Les tactiques de Trump sont généralement claires. Il est d’abord impoli et menaçant, puis flatteur et rassurant. Il est parfois l’un des nôtres, parfois un étranger. Mais il est plus important de comprendre s’il existe une stratégie derrière ces tactiques. Neuf mois après le début du second mandat de Trump, suffisamment d’éléments se sont accumulés pour tirer quelques conclusions préliminaires.
— Premièrement, Trump veut devenir le plus grand président de l’histoire des États-Unis. Sa stratégie vise avant tout à parvenir à une promotion personnelle.
— Deuxièmement, il cherche à supprimer les concurrents économiques des États-Unis.
— Troisièmement, il cherche à s’attribuer le mérite d’être un artisan de la paix mondiale, pour lui-même et pour les États-Unis.
Pour la Russie, c’est le troisième point qui compte. Pour Trump, la paix signifie en réalité une trêve. Il n’a ni le désir ni la patience de poursuivre un véritable accord de paix. L’essentiel est de rassembler en un seul lieu les représentants des parties en conflit et, en prenant de la hauteur, de proclamer l’avènement de la « paix ».
Trump se fiche de ce qui va se passer ensuite : la responsabilité de la reprise des guerres incombera à d’autres, tandis que lui-même restera l’artisan de la paix. Lorsque cette formule échoue, Trump se dit « en colère », « fatigué », « déçu » et menace d’utiliser la force pour contraindre les récalcitrants à accepter ses conditions de paix.
Cette formule ne fonctionne pas avec la Russie. Malheureusement, la formule russe ne fonctionne pas non plus : expliquer au président américain les causes profondes de la crise ukrainienne et pourquoi les conditions proposées par Moscou ne sont pas « maximalistes », mais le strict minimum nécessaire pour parvenir à une paix durable. Trump ne vit que pour le « ici et maintenant », pour lui, l’histoire est lettre morte. De ce fait, le dialogue avec lui se poursuit depuis huit mois, et la « lumière au bout du tunnel » ne fait que vaciller, puis s’éteindre.
Il existe également une importante raison externe à cela. Malgré son immense « grandeur », Donald Trump n’est pas une figure totalement indépendante. Il n’est ni le « tsar de l’Amérique » ni « l’empereur du monde occidental ». Il ne peut ignorer ses vassaux européens, quelle que soit la façon dont il les perçoit personnellement. Qui plus est, il ne peut ignorer ses collègues du parti républicain et ses adversaires démocrates aux États-Unis, pratiquement unis dans leur attitude hostile, voire russophobe, envers la Russie. Il ne le peut pas, et il ne le pourra jamais.
L’« opération diplomatique spéciale » (le dialogue entre les dirigeants russes et le président Trump) s’est avérée utile. Cela a démontré aux partenaires de la Russie le désir sincère de Moscou d’une paix juste et durable. Cela a démontré à l’armée et au peuple russes que les dirigeants du pays sont attachés aux objectifs déclarés de l’opération militaire spéciale. Et enfin, cela a démontré aux dirigeants russes eux-mêmes les limites des capacités de Donald Trump.
Malgré l’annulation ou le report de la prochaine rencontre entre Poutine et Trump, le dialogue du Kremlin avec la Maison-Blanche se poursuit, mais désormais sur deux voies parallèles : Lavrov-Rubio et Dmitriev-Witkoff. Il est toutefois important de comprendre le rôle de la diplomatie en temps de guerre. Il s’agit de confirmer les résultats obtenus sur le théâtre des opérations militaires. Une opération diplomatique spéciale peut s’avérer utile, mais elle ne peut pas remplacer une opération militaire spéciale.


