Conférence de Paris du 8 et 9 novembre 2025

Diane Sare : comment le génocide contre Gaza bouscule la scène politique américaine

mercredi 19 novembre 2025

A la conférence de Paris, Diane Sare (à gauche) et la militante pacifiste Zenobita Maganga de la RDC.
S&P

Intervention de Diane Sare, ancienne candidate au Sénat américain pour la ville de New York, lors de la conférence internationale de Paris organisée par S&P et l’Institut Schiller, les 8 et 9 novembre 2025.

Bonjour.

Je vais commencer par ce qui vient de se passer avec l’élection du maire de New York, car c’est assez intéressant, et parce qu’un ami m’a lu ce que les journaux allemands en disent – je suis sûre que les journaux français ne sont pas aussi stupides !

Comme certains d’entre vous s’en souviennent peut-être, j’ai prononcé un discours en juillet dernier à Berlin, où j’ai déclaré que les enfants de Gaza sauveraient les États-Unis. Et je maintiens cette position : je n’ai jamais dit que Zohran Mamdani sauverait les États-Unis, je tiens à le préciser. Il y a une nuance. Cette nuance réside dans le principe poétique, qui nous anime. J’ignore ce que M. Mamdani compte faire, et même s’il réussit brillamment, il n’en reste pas moins le maire d’une ville, et non le président des États-Unis. Mais un élan poétique touche le cœur de l’humanité tout entière, et l’élection de Mamdani en est le reflet.

Un immigré musulman de 34 ans, né en Ouganda de parents indiens et se déclarant socialiste démocrate, a remporté l’élection à la mairie de New York, un poste considéré comme un tremplin vers la présidence (à laquelle il n’est pas éligible, n’étant pas né aux États-Unis). Il s’agit en effet de l’une des fonctions les plus importantes dans notre pays. Le budget de New York, qui s’élève à 115 milliards de dollars, dépasse le PIB de plus de 100 pays.

Comment cela s’est-il produit ?

Prenant prétexte des massacres du 7 octobre 2023, le régime sanguinaire de Netanyahou et ses complices britanniques, bénéficiant d’un financement et d’armes massifs fournis par les États-Unis, ont déclenché une guerre d’extermination contre la population civile appauvrie de Palestine.

New York est une ville d’immigrants. Plus de 150 langues sont parlées dans le Queens. Depuis de nombreuses années, le peuple palestinien, qui a été contraint de s’exiler, est désormais disséminé partout dans le monde. Ils dialoguent, utilisent les réseaux sociaux, documentent les crimes monstrueux commis contre des enfants et d’autres personnes sans armes et sans défense, et des millions d’Américains ont réagi, notamment des jeunes et des étudiants, en déclarant :

« Je ne veux pas que mon gouvernement soit impliqué dans un génocide. Je suis responsable de mon gouvernement, je suis responsable de la façon dont mon université dépense son argent, de ses investissements (les universités sont aujourd’hui comme d’immenses fonds spéculatifs) et je vais utiliser mon pouvoir de citoyen d’une république, d’étudiant dans un établissement d’enseignement, pour faire entendre ma voix. »

Des milliers d’étudiants ont donc envahi les rues de New York et occupé leurs campus. Le lobby sioniste, étroitement lié à Wall Street (pensez à Jeffrey Epstein) est devenu fou furieux. Ils ont commencé à arrêter des gens et à leur retirer leurs diplômes.

C’était une tactique habile : l’auteur juif et militant pour la paix Norman Finkelstein, dont les parents avaient tous deux été déportés dans des camps de concentration, avait anticipé que les manifestations sur les campus s’essouffleraient pendant les vacances d’été 2024 car, disait-il, les parents allaient s’en prendre à leurs enfants :

« Je n’ai pas dépensé 350 000 dollars pour te payer des études à Columbia pour que tu gâches tout en te faisant arrêter et en repartant sans diplôme ! »

Et l’on voyait des congressistes sionistes-fascistes, comme Elise Stefanik, de l’État de New York, convoquer des présidents d’université devant le Congrès pour les forcer à démissionner.

Après l’élection de Trump (et de nombreux musulmans ont voté pour lui, soit dit en passant, car comment auraient-ils pu voter pour Biden ?), des manifestants anti-génocide, ou même des personnes qui écrivaient simplement des tribunes libres, des étudiants titulaires d’une carte verte, bien qu’en situation légale, ont été arrêtés et menacés d’expulsion.

Le mouvement étudiant fut donc réprimé. Mais le processus électoral, lui, subsistait. En 2024, l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC, qui devrait être contraint de s’enregistrer comme groupe de pression étranger) dépensa des centaines de millions de dollars pour faire battre des membres du Congrès opposés au génocide. Cela provoqua la colère de nombreux électeurs, y compris de nombreux partisans de Trump, qui pensaient avoir voté pour « L’Amérique d’abord » et se rendirent compte qu’il s’agissait en réalité d’« Israël d’abord ».

On observe également une révolte contre le discours de l’AIPAC parmi les fidèles du parti MAGA du président Trump. A Las Vegas, pendant trois jours, la Coalition juive républicaine s’en est prise violemment à Tucker Carlson et Marjorie Taylor Green, les traitant d’« antisémites » et de menace pour le « mouvement conservateur ». Une querelle interne agite la Heritage Foundation, son président, Kevin Roberts, ayant refusé de prendre ses distances avec Tucker Carlson.

L’université Columbia est située dans l’Upper West Side de Manhattan, un quartier à forte population juive. Portant un badge « cessez-le-feu », j’y ai fait signer une pétition pour figurer sur les listes électorales de 2024. On m’a dit que les synagogues de ce quartier étaient partagées à parts égales sur la question d’un cessez-le-feu.

Or, selon Norman Finkelstein, 60 % des juifs américains pensent que Netanyahou commet des crimes de guerre et pour 40 % d’entre eux, il s’agit d’un génocide. 33 % des électeurs juifs de New York ont voté pour Mamdani.

Bien sûr, l’autre facteur important de l’élection était l’économie. La plupart des jeunes n’ont pas les moyens d’acheter une maison, ni même de louer un logement. Une voiture coûte en moyenne 50 000 $. Par comparaison, en 1973, mes parents ont payé 67 000 $ la maison de quatre chambres où j’ai grandi. Mamdani a fait campagne pour un gel des loyers et la construction de logements plus abordables.

On pourrait dire que le président Trump a involontairement apporté son soutien à Mamdani en publiant ce message :

« Tout juif qui vote pour Zohran Mamdani, un antisémite avéré et autoproclamé, est un imbécile ! »

Selon l’équipe de campagne de Mamdani, 104 000 volontaires ont fait du porte-à-porte auprès de 3 millions de foyers. Il a recueilli plus d’un million de voix, soit plus de 50 %.

Il a également reçu le soutien de quelques individus peu recommandables, comme le charlatan Bernie Sanders et la députée Alexandra Ocasio Cortez (AOC), sans oublier l’odieuse gouverneure pro-sioniste de New York, Kathy Hochul, qui se trouvait dans une situation délicate car elle avait évincé Cuomo du poste de gouverneur pour prendre sa place, et ne pouvait donc absolument pas le soutenir.

Voilà ce que j’entends par principe poétique. Mamdani lui-même pourrait se révéler exécrable. Ou alors il pourrait être de bonne volonté, mais systématiquement bloqué. Son élection reflète une dynamique qui a sa propre existence, indépendante de l’individu devenu maire. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ? Pour nous ?

Nous vivons une période révolutionnaire. Celle que Lyndon LaRouche (1922-2019) décrivait lorsqu’il disait : « On ouvre l’interrupteur, l’eau coule. On ferme l’eau, la lumière s’allume. » C’est ainsi que fonctionne le monde pour les élites milliardaires qui se croient omnipotentes. Tout ce qu’elles tentent pour sauver leur système, qu’il s’agisse de créer de la monnaie ou encore d’appliquer la censure, est voué à l’échec – et d’ailleurs, elles sont elles-mêmes en faillite. Vendredi dernier, la Réserve fédérale et le Trésor ont dû injecter 50 milliards de dollars dans les banques du jour au lendemain, simplement pour éviter le chaos.

Chacun d’entre nous a donc une tâche urgente, très personnelle. On ne peut pas se permettre de rester petit, on doit rapidement prendre de l’importance. LaRouche nous a dit un jour, à moi et à quelques-uns d’entre nous, alors que nous étions plus jeunes et candidats, que la marque d’un grand leader n’est pas de déambuler en donnant des ordres, mais de former d’autres dirigeants. Ce n’est pas une compétition !

Pensez-vous que la planète compte actuellement trop de dirigeants ? Je pense plutôt qu’il y a trop d’idiots prétentieux, qui se pavanent dans des mondes imaginaires et illusoires – mais de vrais leaders ? Non ! Nous souffrons d’un manque criant de leadership. Comment devenir un leader ?

Comme le pape Léon XIV nous l’a rappelé en évoquant Nicolas de Cues (dont Helga Zepp-LaRouche est la plus grande spécialiste mondiale), ce dernier, faisant écho à Socrate, considère que le plus important, pour guider autrui, est de reconnaître sa propre ignorance, que nous ne savons rien ! Il nous faut avoir la foi, car nous savons qu’il existe un principe de perfection : le Créateur de l’univers a créé la perfection, mais nous, dans le cadre de notre brève existence terrestre, ne pouvons que tendre vers elle. Nous devons nous ouvrir au joyeux processus d’apprentissage, qui nous conduit à une compréhension plus élevée. Aussi devons-nous être prêts, bien souvent, à abandonner des idées qui s’avèrent erronées. Le paradoxe fascinant pour nous tous est de savoir que la Vérité existe – il ne s’agit pas de « ta vérité » ou de « ma vérité », ni de ces absurdités. La vérité existe bel et bien, mais de notre vivant, le mieux que nous puissions faire est de l’appréhender de moins en moins imparfaitement, et c’est là le début de la sagesse.

C’est de ce point de vue que nous pouvons mettre fin à la guerre et nous concentrer plutôt sur nos ennemis communs, c’est-à-dire ce qui nous empêche de développer notre potentiel créatif : la pauvreté, la maladie, la guerre et la peur.

Voici un court extrait d’un discours prononcé par M. LaRouche en 2008 à Washington D.C. :

« Nous sommes des peuples de cette planète, issus de cultures différentes. Nous dépendons de notre appartenance à notre culture, ou à ce qui devient une culture commune, pour coopérer avec les nations d’autres cultures et définir des objectifs communs à l’humanité. J’en citerai un aujourd’hui. C’est une leçon que nous sommes censés avoir apprise en 1648, avec la paix de Westphalie : la victoire ne réside pas dans la guerre mais dans la paix. Dans la paix des peuples qui ont remplacé la violence par la coopération et qui utilisent leurs différences culturelles comme fondement de leur coopération, et non de leur conflit. Et qui n’emploient les armes de guerre que lorsque cela est nécessaire pour maintenir et défendre cet ordre pacifique, avec un minimum d’efforts et de conflits.
Au lieu de demander ‘qui est l’ennemi ?’, le moment est donc venu de vous le dire : ce sont les Britanniques. Bien sûr, il y en a d’autres. Comment vaincre nos ennemis ? Quel est le meilleur moyen d’y parvenir ? Les conquérir ? Non ! La conquête n’est pas la victoire ! Il s’agit de les dissuader de rester des ennemis ! Et comment cela s’est-il fait en 1648 ? Grâce à la paix de Westphalie, en faisant passer l’intérêt de l’autre avant le sien. Si l’on agit ainsi, on obtient un système de coopération, un système westphalien, comme on l’appelle. C’était l’intention de Roosevelt : créer un système westphalien mondial. On prend les principales nations du monde, les États-Unis, la Chine et la Russie (l’Union soviétique, à l’époque) qui étaient alors en conflit – des conflits très graves. Et on les rassemble en les faisant œuvrer, chacune pour le bien des autres, pour l’intérêt commun. »

Maintenant, en matière de politique, comment transformer toutes ces idées abstraites en politiques concrètes ?

De quoi les gens ont-ils besoin pour développer leurs talents ? Est-il utile d’avoir un logement, une alimentation suffisante, des soins de santé décents ? Qu’en est-il des enseignants ? Des bibliothèques ? Des grands artistes et scientifiques, des salles de concert et des laboratoires ?

Voilà ce à quoi ont été confrontés les fondateurs des États-Unis il y a 250 ans.

Comment créer un système de gouvernement qui permette à chaque individu de développer pleinement son esprit et de contribuer au progrès de l’humanité ? C’est pourquoi la Déclaration d’indépendance américaine affirme que nos droits inaliénables sont « la vie, la liberté et la recherche du bonheur », et non « la vie, la liberté et la propriété ». La propriété ? Quel « droit » absurde ! Elle disparaît à la mort !

Ainsi, des gouvernements sont institués parmi les hommes, tirant leur juste pouvoir du consentement des gouvernés, afin de régner. Qu’est-ce que cela signifie ?

Cela signifie que vous avez tout intérêt à étudier l’économie physique ! Vous devez savoir comment garantir que les générations futures seront plus nombreuses, plus intelligentes et plus heureuses, qu’elles vivront plus longtemps, subsisteront même après nous, ici à cette conférence – et nous devons maîtriser ces concepts rapidement !

Voilà ce que je crains. Aux États-Unis, nous avons actuellement un gouvernement rempli d’imbéciles qui se prennent pour des génies. N’est-ce pas le pire ? Être stupide, c’est une chose, ce n’est pas vraiment acceptable, mais on ne fait de mal à personne si on garde ça pour soi. Mais être stupide et se croire un génie, c’est très dangereux !

Je vais vous donner un exemple, et vous comprendrez ce que je veux dire.

Il y a quelques semaines, les Russes ont annoncé le succès du test du missile Burevestnik. Ce missile à propulsion nucléaire peut voler à basse altitude grâce à sa source d’énergie quasi illimitée, ce qui le rend indétectable. Il a parcouru 14 000 km. C’est une distance impressionnante !

Un imbécile de l’administration Trump a décrété que la Russie avait « testé un missile nucléaire » … Ils n’ont pas testé de missile nucléaire, espèce d’idiot ! Ils ont conçu un missile à propulsion nucléaire capable de faire le tour du monde, probablement plusieurs fois, avant même que quelqu’un ne décide de la cible. Et oui, certes, il peut transporter une ogive nucléaire, mais ce n’est pas nécessaire, car, comme pour l’Orechnik, à l’heure actuelle, aucun membre de l’OTAN ne peut l’arrêter.

Mais que répond le président Trump ? « Nous allons reprendre les essais nucléaires parce que la Russie et la Chine le font déjà ! » Quelle stupidité ! Sait-il seulement de quoi il parle ? Se soucie-t-il de la réaction du reste du monde ? Et puis, notre imbécile de secrétaire à la Guerre, avec ses tatouages, enfonce le clou et prononce un discours expliquant que cela renforce notre sécurité à tous, que les essais nucléaires vont garantir la sécurité de tous.

Vous voyez ce que je veux dire ? Ces gens sont stupides ! Et le fait qu’ils occupent des postes importants au sein d’une superpuissance nucléaire les rend très dangereux.

Il nous faut donc une campagne pour mettre fin à la stupidité au sommet de l’État ! (Et aussi au bas de l’échelle, mais ça viendra ensuite.)

Nous pourrions la nommer d’après l’œuvre majeure de Nicolas de Cues, « De la docte ignorance » en l’appelant la campagne « de l’ignorance savante », et nous pourrions nous réjouir en admettant qu’il y a tant de choses que nous ignorons sur notre univers ! Et à mesure que nous découvrirons des choses que nous ne comprenions pas auparavant, nous aurons plus de pouvoir sur la nature et nous pourrons améliorer le niveau de vie de nos semblables.

Organisons nos nations non pas pour être ennemies, mais pour reconnaître notre intérêt commun pour développer l’espèce humaine, conformément aux « Dix Principes » d’Helga Zepp-LaRouche, dont le dernier est que nous sommes tous, individuellement et collectivement, capables de devenir moins imparfaits demain. Il n’y a aucune raison d’attendre, nous pouvons commencer dès maintenant.