


Chronique stratégique du 18 juillet 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)
Sans même remonter au rôle joué par Tony Blair pour entraîner les États-Unis dans la guerre d’Irak, il est désormais clair que, autant dans le cas de la Syrie que celui de l’Iran, ce sont à chaque fois les Britanniques qui, à coup de mensonges, de pressions et d’opérations clandestines (voir notre dossier sur la Henry Jackson Society), ont tenté de pousser l’administration Trump, et par conséquent le monde, vers l’affrontement.
La fraude des armes chimiques en Syrie
Avant de revenir sur la crise actuelle avec l’Iran, un rappel succinct des événements en Syrie s’impose :
- Le 7 avril 2017, le président Donald Trump annonça à son hôte, le président Xi Jinping qu’il recevait à Mar-a-Lago, qu’il venait d’effectuer deux frappes militaires en réponse à des attaques chimiques supposément perpétrées par le gouvernement syrien le 4 avril dans le village de Khan Sheikhoun, dans la province d’Idlib.
L’accusation venait des fameux « Casques blancs », une organisation de « défense civile » très médiatisée en Occident mais en réalité composée de terroristes posant en « secouristes ». Or, cette organisation a été fondée par « l’ancien » militaire britannique James Le Mesurier dans le but exclusif de discréditer le gouvernement syrien.
- Le 31 mars, soit une semaine avant les frappes américaines, le secrétaire américain à la Défense James Mattis et son homologue britannique Michael Fallon s’étaient rencontrés lors d’une conférence de presse conjointe à Londres. Pour Mattis, l’intervention russe, effectuée à la demande de Damas, était clairement « une agression », et pour Fallon, Bachar el-Assad, accusé de « massacrer son peuple », devait dégager.
- Le 11 avril, lors du G7 réunissant les ministres des Affaires étrangères et suite à un échange téléphonique entre Donald Trump et Theresa May, le Guardian notait : « De source parlementaire, nous pouvons affirmer que le Royaume-Uni a été instrumental pour gagner les États-Unis à l’idée que le départ d’Assad et de sa famille était le préalable à tout progrès ». Trump et May se sont accordés « sur l’idée qu’une fenêtre d’opportunité existait pour persuader la Russie que son alliance avec Assad n’a plus d’intérêt stratégique », précisait Downing Street.
Un an plus tard, le 7 avril 2018, alors que Daesh était au bord de l’effondrement dans la banlieue de Damas, et que le président Trump évoquait le retrait des troupes américaines, une nouvelle attaque chimique aurait eu lieu dans la ville de Douma, dans la Ghouta orientale, proche de la capitale. Déjà, début mars 2018, l’empoisonnement supposé de Skripal, un ancien agent russe vivant en Angleterre, avait tenté de rendre crédible la thèse que l’empoisonnement était « une vieille tradition » pour la Russie et ses alliés.
Une semaine après l’attaque chimique supposée, Trump lança de nouvelles frappes avec des missiles de croisière, cette fois-ci avec l’assistance des Britanniques et des Français.
D’après un communiqué de presse, le ministre britannique des Affaires étrangères de l’époque, Boris Johnson, était extatique à l’idée d’infliger une « punition » à la Syrie. Pour sa part, Theresa May publiait une déclaration affirmant que le renseignement britannique avait identifié la responsabilité d’Assad dans l’attaque chimique et que « ce mode de comportement doit être arrêté ».
Or, quelques semaines auparavant, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) avait rapporté que, lors des inspections qu’elle avait effectuées, notamment dans les installations bombardées le 14 avril par les fr-anglo-américains, elle n’avait trouvé aucune trace des gaz toxiques incriminés.
Grâce au rapport du Working Group on Syria, Propaganda and Media, publié le 26 juin 2019, nous savons désormais que les enquêteurs de l’OIAC n’ont passé que quelques heures à Douma et qu’ils n’ont interrogé aucun témoin. Nous savons également que certains des responsables de l’équipe, tous de nationalité britannique, ont fait en sorte d’ignorer tout élément de preuve tendant à contredire le récit officiel selon lequel le gouvernement syrien est responsable de l’attaque. Un rapport technique a notamment été supprimé, alors qu’il montrait que les bombonnes de gaz prétendument utilisés lors de l’attaque avaient été déposées par des individus sur le site au lieu d’être largués par les avions. Le rapport du Working Group a également démontré le rôle direct joué par le gouvernement britannique dans la promotion de ce mensonge (Lire notre chronique du 3 juillet : Attaques chimiques en Syrie : une "fake news" fabriquée à Londres).
Provocations dans le golfe
- Le 20 juin dernier, des forces iraniennes ont abattu un drone de reconnaissance entrant dans l’espace aérien iranien dans le détroit d’Ormuz. Quelques heures plus tard, dans la nuit, le Président Trump, dix minutes avant l’opération, renonça à donner le feu vert au lancement de missiles de croisières américaines sur des installations iraniennes. Apprenant que de telles frappes allaient tuer au moins 150 personnes, il les jugea « disproportionnées ».
- Le 24 juin, le ministre anglais des Affaires étrangères Jeremy Hunt déclara qu’en cas de frappes contre l’Iran, les Britanniques participeraient. Andrew Murrison, un autre responsable du Foreign Office, de retour d’une visite à Téhéran, affirma que le Royaume-Uni croyait que l’Iran « était sans doute responsable pour les attaques ».
- Le 4 juillet, à la demande de Washington, les commandos de la Royal Navy ont pris le contrôle d’un supertanker iranien, le Grace 1, devant Gibraltar. Le conseiller national à la Sécurité, l’ultra-conservateur John Bolton, a immédiatement félicité Londres pour cet acte de piratage. Selon Gibraltar, un territoire d’outre-mer britannique, les tankers transportaient du brut iranien vers la Syrie. Le ministère russe des Affaires étrangères a immédiatement qualifié cet acte de provocation délibérée.
- Le 10 juillet, il est apparu que le British Heritage, un pétrolier britannique dont le propriétaire est la British Petroleum, qui se trouvait en route vers l’Irak, s’est rendu devant le port saoudien de Dammam suite à l’annulation de sa mission initiale. Selon la chaine américaine CNN, le tanker a ensuite « éteint ses transpondeurs, échappant pendant 24h aux systèmes de surveillance », tout en se rendant dans le détroit d’Ormuz. Bizarrement, le pétrolier vide était escorté par la frégate HMS Montrose, le seul bâtiment de guerre du Royaume-Uni présent dans le golfe, alors que chaque jour entre quinze et trente navires de la marine marchande anglaise y transitent.
- Le 11 juillet, le ministère britannique de la Défense a affirmé que des navettes rapides des Gardes révolutionnaires iraniennes avaient pris le pétrolier de la BP pour cible, afin de se venger de l’arraisonnement du Grace 1 devant Gibraltar, qu’ils avaient cherché à l’emmener dans les eaux territoriales iraniennes.
- Le 12 juillet, lorsqu’il est devenu évident que cet incident ne faisait pas réagir les États-Unis, Jeremy Hunt a soudainement appelé au calme et proposé de rendre le Grace 1 en échange d’une promesse iranienne ferme de ne plus livrer du pétrole à la Syrie.
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Pour approfondir le sujet :
- Chronique stratégique du 27 avril 2018 : La toile d’araignée : le second Empire britannique
- Article de juillet 2012 : Comment la City de Londres a pris le contrôle de nos vies
- Document de fond de septembre 2017 : L’Empire britannique vent debout contre toute entente américano-russe
- Conférence de Jacques Cheminade de mai 2009 : Perfide Empire



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