Aides publiques aux grandes entreprises, un trésor de 211 milliards

mardi 9 septembre 2025, par Christine Bierre

Le rapport de la Commission d’enquête du Sénat sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises, publié juste avant l’annonce par François Bayrou de sa proposition de coupe de 44 milliards d’euros, jette une lumière crue sur les dysfonctionnements de l’État face à ce qui est devenu le premier poste budgétaire : les aides aux entreprises.

Là, les sénateurs ont fait preuve, il faut le noter, d’un tout autre esprit que celui, partisan, qui prend souvent le dessus à l’Assemblée nationale. Créée à l’initiative du groupe Communiste, républicain, citoyen, écologiste - Kanaky (CRCE-K), la Commission était présidée par Olivier Rietmann (LR).

A la lecture de ce rapport, l’arrogance de Bayrou vis-à-vis du peuple laisse pantois ! D’un côté, il se bat pour réduire de 44 milliards d’euros le budget 2026 en serrant la ceinture aux retraités et aux plus pauvres, bloquant, pendant un an, les salaires et prestations sociales (allocations familiales, minima sociaux, prime d’activité ou RSA et pensions de retraite).

De l’autre, il ne touche pas aux aides publiques mirobolantes sans contrepartie ni évaluation, le plus souvent accordées aux grandes entreprises en périodes de crise (krach de 2007 ou Covid), alors que ces dernières licencient et délocalisent à tout va tout en payant de juteux dividendes à leurs actionnaires.

Or, selon le rapport de la commission, ces aides (plus de 2200 dispositifs de soutien à l’investissement - aide à l’apprentissage, crédit d’impôt recherche, tarifs réduits sur la taxe sur la valeur ajoutée, prêts garantis par l’État, exonérations de cotisations sociales) pourraient atteindre 211 milliards d’euros par an. « Pourraient » car, en interviewant quelque 70 personnalités, dont 33 PDG de grandes entreprises, les membres de la Commission ont pu se rendre compte qu’ils ne connaissaient pas le montant des aides dont ils bénéficiaient, ni leur utilisation !

C’est en constatant que le nombre de plans sociaux dans les entreprises (PSE) avait doublé entre 2022 et 2024 que le sénateur communiste Fabien Gay a proposé la création de cette commission.

Parmi les plus importants :

  • Le groupe Auchan, qui a déclaré le 4 novembre 2024 son intention de procéder à un PSE concernant 2384 de ses 54 000 salariés employés en France. Le groupe a pourtant bénéficié entre 2013 et 2023 de 636 millions d’euros d’aides fiscales et de 1,3 milliard d’euros d’allègements de cotisations sociales.
  • Le 5 novembre 2024, le groupe Michelin annonçait la mise en place d’un PSE concernant 1254 salariés parmi les 19 000 collaborateurs du groupe en France, bien qu’ayant bénéficié d’aides publiques, notamment de 32,4 millions d’exonérations de cotisations sociales en 2023 et 40,4 millions d’euros de crédit d’impôt recherche (CIR) en 2024, tout en versant, selon les calculs du rapporteur, environ 1,4 milliard d’euros de dividendes la même année.
  • Le 23 avril 2025, le groupe ArcelorMittal faisait connaître son intention de mettre en place un PSE qui devrait concerner près de 600 salariés parmi les 15 400 employés en France. Or, depuis dix ans, le groupe a versé en moyenne 200 millions d’euros de dividendes chaque année au niveau mondial, alors qu’il a bénéficié en 2023 en France de 298 millions d’euros d’aides, dont 195 millions d’euros en raison du prix de l’énergie, 41 millions d’euros d’allègements de cotisations sociales et 40 millions d’euros de CIR.

Pour faire face à ces abus, la Commission a proposé 26 recommandations, parmi lesquelles :

  • la rationalisation de ces 2200 dispositifs d’aide ;
  • l’obligation de rendre les fonds en cas d’infractions condamnées telles que les délocalisations ;
  • la création par l’Insee d’un tableau détaillé et actualisé chaque année de toutes les aides aux entreprises ;
  • l’exclusion des aides publiques du périmètre du résultat distribuable, à l’exception des exonérations et allègements de cotisations sociales.