« C’est pas l’immigration clandestine qui a mis la société française dans l’état où elle est. Le vrai problème, c’est l’économie. C’est pas une question de pays ou de race, c’est une question de riches et de pauvres. Les immigrés servent seulement de bouc émissaire ».
Boualem, 30 ans, dans un café de Tarterêts, cité par Libération du mardi 25 février 1997.
Ces dernières années, la législation sur l’immigration a constamment été modifiée (treize lois ont, depuis 1982, réformé l’ordonnance de 1945 sur le séjour et l’entrée des étrangers en France !) dans un sens répressif, à la fois par le renforcement des moyens de police et par la remise en cause de l’accès à la nationalité française. A en juger par cette multiplication de textes, l’immigration devrait être le problème majeur de notre société et Jean-Marie Le Pen aurait eu raison de poser une « bonne question », comme disait en son temps M. Fabius ! Il n’en est évidemment rien. L’immigration n’est pas notre problème numéro un, même si c’est celui dont on parle le plus. Le vrai problème est celui du chômage, de l’exclusion et de la dislocation sociale, l’immigration jouant le rôle de « bouc émissaire » pour focaliser un débat que l’on s’est quasi unanimement accordé à ne pas poser ailleurs, c’est-à-dire là où il devait l’être, en termes de ce qui a réellement engendré le chômage, l’exclusion et la dislocation sociale.
Il faut commencer par le dire haut et fort, afin de ne pas tomber dans le piège où sont tombés les partis « républicains » de droite et de gauche, tant lors de la grande dépression des années 1880 qu’en 1929 et aujourd’hui.
Face à une crise majeure, au lieu de s’attaquer à ces causes, ces partis ont en effet accepté de se battre sur le terrain même défini par les idéologues du sang et de la race : Déroulède, Drumont et Barrès hier, Le Pen et Bruno Mégret aujourd’hui. Ils ont donc traité « l’immigration » en partant de trois principes : tout d’abord accepter d’y voir une question
Ainsi, aujourd’hui comme hier, les partis et les élites « républicaines », loin de faire reculer le racisme et la xénophobie, ont fait son jeu. Puisque l’immigration était un « mal », on a créé le fantasme de « l’immigration zéro » et venu son illusion. Puisque les immigrés posaient problème, on a créé des obstacles pour leur accession au travail et à la nationalité, et pris des mesures de répression diverses (lois Pasqua) déstabilisant même les gens régulièrement installés en France, précarisant leur situation et créant parfois les conditions de leur expulsion.
Cette « mise en scène » socialement immorale, économiquement imbécile et politiquement opportuniste a justifié le Front national au lieu de lui couper l’herbe sous le pied. D’autant plus qu’elle s’est accompagnée d’une tolérance de fait vis-à-vis des employeurs « au noir », désignés sans preuves comme « utilisateurs d’immigrés clandestins » mais peu sanctionnés, car trop souvent liés à des intérêts recoupant l’univers politique local ou national...
Ainsi s’est créée une logique politique désastreuse qui définit les enjeux électoraux de notre pays : d’un côté des partis « républicains » qui gèrent la crise à doses plus ou moins fortes de néo-libéralisme et de démagogie, de l’autre une extrême-droite qui répond par un néo-populisme corporatiste et xénophobe, le facteur commun étant l’acceptation d’un univers non pas défini par le bien commun, mais par une idéologie de domination ou d’exclusion de l’autre, la compétition exacerbée et la sélection du plus économiquement apte. La plus belle preuve que les deux extrémités du spectre ont le même socle commun est que le Front national a pu passer sans gêne d’un néo-libéralisme militant hier à son néo-populisme dirigiste actuel tout en gardant son fond de commerce xénophobe ! Ce virage programmatique à cent quatre-vingts degrés, pour une pure question d’image, montre à la fois le « sérieux » conceptuel du parti de M. Le Pen mais, bien plus encore, que pour lui le cadre dans lequel il s’insère compte bien plus que ce qui figure sur le tableau.
C’est donc de cette logique politique désastreuse, qui draine avec elle l’impuissance et le renoncement, qu’il faut sortir.
Comment ? D’abord en rejetant le raisonnement implicite ou explicite qui oppose les immigrés aux Français et en posant la question économique et sociale de l’immigration telle qu’elle est, chiffres à l’appui. Ensuite, en montrant comment s’attaquer aux vrais problèmes du chômage, de l’exclusion et de la spéculation financière, comment créer une communauté de dessein, on dissipera une bonne part des mirages et des fantasmes entretenus autour de l’immigration. Enfin, et seulement après avoir déblayé le terrain des erreurs, des faux semblants et des préjugés qui aujourd’hui l’encombrent, car autrement ce serait impossible, il faut abandonner la démarche de ces dernières années (des lois Joxe à aujourd’hui), parce qu’elle repose sur des bases malthusiennes inadmissibles et lancer une grande politique de l’immigration sur les fondements entièrement nouveaux d’une société en expansion voulue et non en contraction subie.
Vérités sur l’immigration
Une grande partie de l’exaspération de l’opinion publique sur les questions de l’immigration découle des mensonges ou semi-vérités de politiciens, des lacunes de l’appareil statistique et des querelles d’experts sur les chiffres. En 1991, une enquête de la Sofres a ainsi montré que 75% des Français ne croyaient pas aux statistiques officielles sur l’immigration.
Or aujourd’hui, avec les trois études qui viennent d’être publiées par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), l’Institut national des études démographiques (INED) et la Direction de la population et des immigrations (DPM), il existe des faits et des chiffres sûrs, auxquels on peut se référer. Il s’agit d’abord de les faire connaître et de les analyser pour dissiper mirages et dérives.
En ce qui concerne d’abord les immigrés « légaux », ils étaient 4,2 millions en 1990, c’est-à-dire 7,4% de la population totale. Cette proportion n’a pas bougé depuis vingt ans. Bien que l’immigration soit arrêtée (officiellement, on dit « suspendue ») depuis 1974, environ 100 000 personnes ont continué d’entrer en France tout à fait légalement chaque année, essentiellement au titre du regroupement familial. Leur nombre est tombé à 65 000 en 1995, dernier chiffre connu.
Par rapport à ces travailleurs immigrés vivant légalement en France, la part de l’immigration « clandestine » est relativement faible. Après les régularisations de 140 000 clandestins par le gouvernement Mauroy en 1981-1982, il est resté environ 20 000 personnes en situation irrégulière. A ceux-là sont venus s’ajouter de nouveaux flux, de plus en plus
En ce qui concerne l’intégration, elle fonctionne moins bien qu’on le voudrait, mais mieux qu’on ne le pense trop souvent.
En 1990, la France comptait près de 10 millions de citoyens ayant au moins un grand-parent d’origine étrangère et sur 4,2 millions d’immigrés, 1,3 millions avaient demandé et obtenu la nationalité française. Et cela continue depuis, avec environ 100 000 nationalisations par an (126 337 en 1994, 92 400 en 1995), soit autant que d’entrées d’immigrés « légaux ». Les « manifestations de volonté » introduites récemment - par lesquelles les étrangers nés en France doivent confirmer leur désir d’être français entre 16 et 18 ans - fonctionnent bien : près des trois quarts des jeunes concernés ont déclaré vouloir être français.
L’école remplit par ailleurs son rôle d’éducation et d’apprentissage de la langue française, critère déterminant de toute intégration réussie, de manière plus satisfaisante qu’on ne le croit. Les familles étrangères sont dans l’ensemble heureuses de l’enseignement reçu par leurs enfants. Les conditions de vie aussi s’améliorent : presque tous les logements, par exemple, disposent du « tout confort » sanitaire.
L’intégration semble être entrée dans les moeurs : sur les deux millions d’enfants d’immigrés nés en France, donc français, un garçon sur deux et une fille sur quatre vivent en union libre ou mariés avec un Français ou une Française, nés en France de parents français.
Enfin, l’on a énormément exagéré l’impact des « clandestins ». Par leur nombre - retenons le chiffre de 30 000 à 50 000 par an - ils ne peuvent même pas être repérés à leur arrivée parmi les 80 millions d’étrangers entrant chaque année en France ! Par rapport aux Etats-Unis, leur proportion est bien moindre : pour une population environ quatre fois supérieure, ils voient chaque année entrer environ dix fois plus de « clandestins » que nous. Dans le travail au noir, ils ne représentent qu’une part relativement minime. Selon une étude du ministère des Affaires sociales, portant sur 18 000 infractions constatées, 8,4% seulement des travailleurs au noir sont des étrangers « clandestins », le restant étant constitué de Français ou d’immigrés en situation de séjour régulière.
Il est donc clair que, sous couvert de « chasse aux clandestins », faire de tout immigré un suspect et de l’immigration en général un mal est non seulement injuste, mais absurde.
Alors, où est le problème ? Il est précisément là où la question de l’immigration rejoint celle de l’état de l’économie en général, comme le dit précisément le client du café de Tarterêts que nous citons au début de cet article, avec une clarté de jugement qui a toujours fait défaut à nos hommes politiques tentant, eux, de cacher par un discours de lutte contre « l’immigration clandestine » leur absence de volonté face aux vrais défis.
La première « vraie » forme que prend le « problème de l’immigration » est le chômage : il frappe beaucoup plus la population immigrante que la française. Les chiffres sont clairs : en mars 1996, alors que le taux de chômage officiel moyen en France est de 11,3%, il s’élève à 32% pour les étrangers issus de pays hors Union européenne. Les moins de 25 ans subissent la crise de manière encore plus aiguë : un jeune sur dix est chômeur parmi les étrangers, le second ne trouvant le plus souvent que des emplois précaires.
Cependant, il ne s’agit là que d’un cas extrême de ce qui se produit pour les Français, non d’un phénomène différent : c’est l’état de l’économie qui en est la cause ! Les jeunes Français ont eux aussi des taux très élevés de chômage (29% en 1996) et de précarité (37,5% en 1990).Quant au « travail clandestin », il concerne à 91,6% des Français ou des immigrés en situation de séjour régulière.
La seconde « vraie » forme de problème est plus spécifique. Michèle Tribaleat, dans son Faire France, le montre bien : il existe une réelle discrimination à l’embauche à l’encontre des jeunes Algériens (par rapport, par exemple, aux jeunes Portugais), des jeunes maghrébins en général, des Turcs et des Africains noirs, qui sont pourtant les plus lettrés en Français. Cependant, il ne s’agit pas d’un phénomène de « nationalité » (français, pas français) mais, il faut bien le dire, de racisme ordinaire. La preuve en est que dans les banlieues pauvres qui votent Front national et où l’on se plaint de la présence d’immigrés, l’on désigne invariablement sous ce nom générique des « clandestins », des immigrés légaux et... des Français d’origine étrangère (maghrébine, africaine...) ! Mais, là aussi, si l’on pousse plus loin l’analyse, l’on trouve la question de l’insécurité et de la drogue - associée, bien entendu, à celle du chômage - derrière le racisme : une fois de plus, l’économie, car les « traits culturels » sont, eux, si bien assimilés que des électeurs et militants du Front national se réunissent volontiers autour... d’un couscous.
La troisième vraie forme du problème est enfin celle non de l’immigration, mais de l’émigration : c’est en effet la misère, la peur et la violence régnant dans leurs pays d’origine qui motivent les partants, prêts à tout - comme on peut le voir dans la traversée de Gibraltar par des Nord-africains risquant leur vie - pour rejoindre l’Europe. Ici encore, nous retrouvons l’économie : ce sont les déséquilibres Nord-Sud et Ouest-Est qui créent des situations impossibles, contraignant à des départs pour assurer la subsistance au pays de jusqu’à plusieurs dizaines de personnes. Il ne faut pas en accuser l’immigration, mais les « ajustements structurels » du Fonds monétaire international et une politique financière prédatrice au regard de laquelle les plus pauvres de ce monde sont des kleenex qu’on utilise et jette après usage.
Nous sommes ainsi remontés aux causes du problème et de l’injustice : c’est elles qu’il faut traiter.
S’attaquer aux vrais problèmes
Derrière la question de l’immigration apparaît donc celle de l’économie, à la fois en France et dans le monde. Si l’on ne crée pas en effet une économie au service de l’homme, c’est-à-dire de ses pouvoirs créateurs exprimés dans le travail et la production de biens, l’on aboutit fatalement - comme aujourd’hui - à mettre en place une machine qui divise et exclut, les « étrangers » devenant progressivement des boucs émissaires, tout comme les Français qui ne sont pas « de souche », pour utiliser le vocabulaire jamais innocent du Front national. L’homme dont on ne respecte pas les pouvoirs créateurs et la dignité est toujours menacé de s’abaisser au niveau de l’animalité ou de la nature, de « se » faire souche.
Ainsi, le débat « parisien » sur qui doit-on défendre prioritairement - immigrés ou victimes économiques - n’a aucune raison d’être. Les deux doivent l’être ensemble, l’on ne peut que poser globalement l’injustice faite à l’immigré et le sort épouvantable fait aujourd’hui à de larges pans de notre population : le rejet de l’immigré est le révélateur du rejet de l’autre, donc du rejet de ce qui est humain en nous.
L’objectif est d’affirmer une économie solidaire, dont le progrès technologique permette de créer les conditions.
Demander justice pour les immigrés est bien entendu moralement légitime, mais demeure politiquement impuissant tant que cette question fondamentale de l’économie n’est pas posée, tant qu’un horizon n’est pas tracé pour établir la possibilité d’une communauté de dessein. C’est la condition pour que notre entreprise républicaine, assurant l’assistance et l’accueil au pauvre et au démuni et fabriquant des Français, puisse continuer à fonctionner.
On n’arrête pas la misère à coups de charters, mais on ne la guérit pas davantage à « coups de coeur » intermittents.
Il faut recréer un vouloir vivre en commun en France, en Europe et dans le monde. La réelle question, la vraie, que pose l’immigration est donc : quelle société voulons-nous construire pour demain, quel monde léguer à nos enfants, à nos petits-enfants et à leurs descendants ? Elle n’est paradoxale qu’en apparence : un peu d’attachement à l’autre éloigne de la patrie, beaucoup en rapproche.
Répondre au défi de l’immigration devient alors une question essentielle, puisqu’il revient, pour la France, à répondre, en cette fin de XXème siècle, à la question de son identité.
A quoi sert la France ? A pas grand-chose, franchement, si nous allons comme on va. Cependant, elle peut avoir un rôle fondamental si, repuisant dans sa mémoire, reprenant le fil de l’idée - cette « certaine idée » - qui l’a engendrée comme Etat-nation, elle retrouve un rôle exemplaire.
Pour cela, il faut déchirer le rideau de la scène et dire que nous ne pouvons réellement être nous-mêmes - Français, porteurs de notre histoire - que si cesse l’ordre d’injustice et de spéculation qui règne aujourd’hui dans le monde et se recrée un ordre de croissance commune, de co-développement. Il faut, devraient dire nos dirigeants, recréer un système de crédit productif, à long terme et faible taux d’intérêt, pour de grands travaux, de grands projets d’équipement et d’infrastructure, en Europe et au-delà de l’Europe.
Nous avons ici développé la perspective d’un nouveau plan Marshall vers l’Est et vers le Sud, de la participation à un « pont terrestre eurasiatique » allant de l’Atlantique à la mer de Chine, d’une Europe se portant au-delà d’elle-même pour pouvoir continuer à être fidèle à elle-même. C’est dans ce mouvement vers l’autre à l’extérieur de nous-mêmes, que pourra se renouer une relation humaine avec l’autre à l’intérieur de nous-mêmes, et que l’autre deviendra notre prochain.
La bataille sera rude. A l’extérieur, nous allons devoir affronter un ordre financier anglo-américain, qui se définit au-dessus et au-delà des nations, et tendre la main aux peuples, à tous ceux qui résistent à cet ordre destructeur. A l’intérieur, nous devons entreprendre la pédagogie de ce combat international, pour la première fois depuis le départ du général de Gaulle, créer à nouveau une cohérence entre notre politique étrangère et notre politique intérieure. Pédagogie de ce qu’est le co-développement, pédagogie sur la nécessité de technologies plus productives pour tous, pédagogie de l’entreprise commune, pédagogie de ce qu’est l’économie : non pas vendre cher ce que l’on a acquis à bon marché, mais incarner une découverte humaine sous forme de moyens de production et en assurer l’infrastructure de décollage.
Pédagogie, aussi, de ce que doit être un nouvel ordre économique et monétaire, un nouveau Bretton Woods devenant alliance pour le progrès mutuel : la condition, à terme, de la justice pour l’autre et pour soi-même est la compréhension de ces questions fondamentales par la population de notre pays, aujourd’hui en grande partie démoralisée par la suffisance de ses élites et la démagogie « nationaliste » de ceux qui trahissent l’essence de l’Etat-nation.
Alors, dans cet horizon de combat nouveau, devient possible une politique d’organisation des flux migratoires avec les pays d’origine sur la base d’intérêts communs.
Il semble étrange et présomptueux d’écrire ceci au moment même où on laisse se commettre de terribles crimes contre l’humanité en Afrique centrale, mais n’est-ce pas toujours au bord du gouffre que les hommes peuvent changer de règle du jeu ? Car seul un vecteur de co-développement peut se substituer à l’ordre actuel ; sans lui, sans développement mutuel, la machine à détruire continuera à exercer ses ravages.
Une politique de l’immigration pour une société en expansion voulue
A l’échelle de la France, l’erreur fondamentale est de prendre les choses « comme elles sont », dans une hypothèse a priori malthusienne, sans tenir compte d’une action plus générale s’attaquant, comme nous l’avons vu, aux vrais problèmes et créant les conditions de l’expansion.
Alors, il redevient possible de faire de ce qui ne pouvait être jusque-là que rêverie : stabiliser et intégrer les populations étrangères au lieu de les précariser et de les exclure, par une politique cohérente de l’immigration conforme aux principes fondamentaux de la République et au respect des droits de l’homme.
Dans ce contexte, l’adresse au gouvernement du « Collège des médiateurs » pour les Africains sans papiers est un utile instrument de référence.
L’approche totalement renouvelée permettra de retrouver nos principes fondateurs :
a) L’hospitalité et l’accueil revêtent un caractère sacré ; l’assistance au pauvre et au démuni est une loi morale supérieure.
b) L’immigration a été et demeure un enrichissement pour notre culture et une nécessité pour combler notre déficit de naissances ; la France ne peut être transformée en forteresse assiégée ni accepter une notion biologique de l’homme.
c) L’immigration ne peut et ne doit pas être arrêtée, mais organisée en fonction de notre croissance et de nos besoins en main-d’oeuvre, en vue de l’expansion de nos ressources et non d’une gestion de crise.
d) Les flux migratoires doivent donc être maîtrisés avec générosité, les naturalisations facilitées et le travail clandestin sanctionné, pour assurer l’intégration dans les meilleures conditions économiques, sociales et morales.
Au nom de ces principes, nous rejetons l’esprit et les fondements de toute la législation sur l’immigration depuis la dérive amorcée par les lois Joxe. Nous proposons :
a) La régularisation des sans papiers selon une procédure transparente fondée sur des critères équitables. Les conjoints doivent être régularisés après un an de mariage et les conjoints qui ont été « irréguliers » depuis plus d’un an eux aussi régularisés. Les étrangers en situation irrégulière depuis plus de cinq ans doivent être régularisables et, s’ils le désirent, naturalisables sauf condamnations à des peines de prison ferme ou incapacité de s’exprimer en langue française. Il y a lieu de penser que moins de 100 000 personnes seraient bénéficiaires de ces mesures (l’Italie vient d’en régulariser 110 000), ce qui mettrait fin à une situation de non-droit et à l’exécution de mesures contraires à la dignité de ceux qui les subissent, mais aussi de ceux qui les appliquent.
b) L’élaboration d’une politique nouvelle de migrations en concertation avec les pays d’émigration et avec les associations d’immigrés en France, dans le cadre du plan Marshall Nord-Sud et Ouest-Est. C’est en application de cette politique, et dans un esprit positif, que des quotas pourraient être établis par année et par profession, mais en aucun cas par pays.
c) Le rétablissement du droit du sol.
d) Le renouvellement automatique de la carte de séjour de dix ans.
Notre position est que ceux qui travaillent en France, ont exprimé le désir d’y demeurer, d’apprendre notre langue et de connaître notre culture, doivent pouvoir, s’ils le veulent, devenir français. La citoyenneté est un pacte de responsabilité et un vouloir vivre en commun à redécouvrir ensemble.
En même temps, des mesures d’intégration et d’accompagnement doivent être prises de manière systématique :
a) Ouverture par cité ou quartier d’une « maison du citoyen » permettant de regrouper dans des conditions de proximité tous les services administratifs aujourd’hui trop souvent dispersés ou installés en dehors des cités. Il s’agit d’enrayer le retrait de la collectivité publique, et de la réinstaller dans la vie quotidienne des quartiers.
b) Les municipalités seront encouragées à créer un office d’affaires multiculturelles, permettant une « pédagogie de terrain » s’appuyant sur des « médiateurs de quartier ».
c) A ces deux niveaux, la participation citoyenne doit être encouragée avec la mise en place de conseils de quartier élus par tous les habitants de la cité, français ou pas, et gérant les maisons du citoyen avec l’assistance d’experts et des médiateurs sur place. La commune, en contrepartie de son acceptation de cette structure, recevra un soutien de l’Etat pour la rénovation des « secteurs à risques ».
d) Il faut recréer une vraie sécurité de proximité qui accompagne cette politique, avec une police régulière, disponible à tout moment, à partir de commissariats ouverts jour et nuit et expérimentés dans la lutte contre la drogue.
J’avais défini dans un document intitulé Un plan Jaurès pour les banlieues un ensemble plus complet de mesures, dans ce but intégrateur, au cours de ma campagne présidentielle d’avril 1995. Ce document n’a malheureusement pas perdu de son actualité.
Enfin, la politique des flux migratoires est bien entendu trop sérieuse pour demeurer le monopole quasi exclusif du ministère de l’Intérieur. Il faut sortir de cette « tentation policière et répressive » en créant un nouvel ensemble, directement relié au Premier ministre, regroupant les administrations spécialisées de l’Intérieur, de la Direction des populations et des migrations, de la Coopération et de l’Intégration.
Le 26 février, en plein débat sur la loi Debré, le Conseil des ministres a adopté le projet de loi sur la cohésion sociale, c’est-à-dire un instrument pour lutter contre la fracture dénoncée par Jacques Chirac au cours de sa campagne présidentielle. Un milliard à peine lui est attribué pour 1997, alors que l’Etat s’engageait au même moment à verser 20 milliards pour sauver le GAN et approuvait les fermetures d’usine et les réductions de personnel chez Renault.
Toute la question est là : au point où nous en sommes, doit-on d’abord sauver l’économie et les hommes qui la composent, ou bien les assurances et les banques ?