11 juin 2008 (Nouvelle Solidarité) — Depuis l’été dernier, les banques centrales, notamment la Réserve fédérale (Fed) et la Banque centrale européenne, ont prêté quelque 3500 milliards de dollars aux banques, une intervention d’ampleur historique. Il s’agit bien de prêts bruts, et non nets, la plupart à échéance de 28 jours. Lors du remboursement, le montant net repasse à zéro et l’argent peut être prêté à nouveau.
A travers différents instruments mis en place ces derniers mois, on estime que la Réserve fédérale aura facilement prêté, d’ici la fin du mois, pour un total de 1000 milliards, ce qui ne veut pas dire un encours du même montant. Selon la Fed, la quantité de prêts à recouvrer, à travers les différents instruments, est passée de 76 milliards en décembre à 440 milliards fin mai.
En échange d’un prêt de banque centrale, les banques doivent fournir un nantissement. Ce dernier est censé être solide afin d’éviter l’insolvabilité de la banque centrale. Or depuis l’éclatement de la crise, l’été dernier, on ne trouve plus de nantissement solide, où que ce soit dans le système. Par conséquent, la Fed, la BCE et d’autres ont commencé à accepter, en violation de leurs règlements, des « titres toxiques ». On ne sait pas combien de titres sans valeur ont ainsi été acceptés, mais certains estiment que la Fed a prêté la moitié de ses 800 milliards de dollars de bons du Trésor.
Lors d’un Forum de l’OCDE à Paris le 4 juin, un rédacteur de Nouvelle Soldarité a interrogé le chef de la BCE, Jean-Claude Trichet, sur cette aberration : « Comment la BCE peut-elle accepter des "titres toxiques" comme collatéral pour des liquidités, à tel point qu’actuellement, on parle en Espagne d’une industrie de la titrisation, puisque les banques n’émettent des titres que pour obtenir ces liquidités… N’est-il pas immoral d’exiger des nations qu’elles fassent preuve de rigueur et de transparence, tout en acceptant des banques privées des titres toxiques dont la valeur est égale à zéro ? »
La question a rencontré une certaine approbation dans la salle, mais M. Trichet, embarrassé, s’est contenté, sans nier la réalité des faits, de répliquer que la BCE n’avait pas changé les règles et qu’elle « continuerait à les appliquer ».
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