Communiqué de Solidarité et Progrès
Mégapanne en Espagne et au Portugal
Électricité intermittente : coûteuse, inutile et dangereuse
Sortons du « Green New Deal », exigeons un avenir pilotable
En cette fin avril 2025, le synchronisme des événements est presque parfait. Le 16 avril, le gestionnaire du réseau électrique espagnol, Red Eléctrica, annonce fièrement que 100 % de la demande d’électricité du pays a été couverte (momentanément) par des énergies dites renouvelables. Le 28 avril, au moment de la grande panne sur toute la Péninsule ibérique, 73 % de la production électrique est couverte par des énergies intermittentes (ENRI : éoliennes et panneaux solaires) !
Le même jour, notre Premier ministre François Bayrou annonce prudemment, devant une Assemblée nationale quasiment déserte, le report à la fin de l’été de la publication de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3). Cette feuille de route pour la période 2025-2035 prévoit pour l’instant, contre l’avis de l’Académie des sciences et de grands experts de l’électricité (dont Henri Proglio et Hervé Machenaud, cf. Le Point du 1er décembre 2024), un développement massif des ENRI.
Moins médiatisé est le fait que le 20 avril (le dimanche de Pâques), la France a « effacé » (retiré) de son réseau une partie de sa production électrique (nucléaire et ENRI) et importé à prix négatifs de l’électricité d’Outre-Rhin (charbon et ENRI), pour empêcher le réseau allemand momentanément surproducteur de s’effondrer. Jusqu’au 28 avril, de l’avis des professionnels de l’électricité, la question n’était pas de savoir s’il risquait d’y avoir un black-out européen, mais quand cela arriverait. Cet « objectif » est désormais atteint.
Disons-le sans prendre de gants : depuis plusieurs décennies, la quasi-totalité de notre classe politique est responsable et coupable, car elle a adopté par opportunisme une idéologie à la fois verte et libérale, privilégiant des ressources inefficaces tout en démantelant un monopole public qui fonctionnait très bien jusque-là. Même si certains aujourd’hui oublient tout aussi opportunément leurs anciennes positions antinucléaires… L’exception à cela vient de Jacques Cheminade qui, dès sa première campagne présidentielle de 1995, a constamment défendu la nécessité d’une énergie efficace et régulée, c’est-à-dire principalement basée sur le nucléaire car c’est, à ce jour et pour un avenir prévisible, la ressource disponible la plus dense en puissance fournie par quantité de matière utilisée et par surface de territoire nécessaire.
Alors, même si à ce jour on ne connaît pas encore l’élément déclencheur du black-out ibérique, on en connaît les causes profondes, et il est important que le citoyen les comprenne. Pour fonctionner, un réseau électrique alternatif a besoin d’une très grande stabilité en tension et en fréquence (50 hertz) sur tout le territoire. Pour cela, il faut qu’à chaque instant de la journée, la fourniture d’électricité corresponde exactement à la consommation, laquelle fluctue en permanence. C’est le travail des régulateurs d’assurer cette stabilité dans une fourchette de variation relativement étroite, en ajoutant ou en effaçant des ressources sur le réseau. Si quelque part une variation est trop importante et trop rapide pour être stabilisée, l’électricité est coupée localement de manière automatique pour des raisons de sécurité. Ce problème local provoque alors des perturbations sur l’ensemble du réseau qui, si elles ne sont pas compensées, peuvent à leur tour provoquer un black-out général.
Bien qu’elle varie en permanence, la consommation est relativement prévisible. Par contre, ce n’est pas le cas d’incidents comme la foudre s’abattant sur un transformateur, qui se produisent assez fréquemment avec un impact important. Sachant cela, les concepteurs des réseaux ont prévu qu’en cas d’incident, certaines ressources pilotables pourraient être sollicitées ou effacées, profitant aussi du fait que les grandes centrales ont une inertie qui tend à maintenir localement la tension et la fréquence stables pendant une brève durée, et donc à limiter la propagation de la perturbation. Les ENRI, qui ne sont pas pilotables et n’ont aucune inertie, sont, de ce fait, un facteur d’instabilité. Ainsi, si à un moment donné, la part intermittente de l’électricité qui circule dépasse 30 % à 40 %, la sécurité du réseau ne peut plus être garantie et un incident autrement gérable provoquera un black-out.
C’est ce qui est arrivé sur la Péninsule ibérique le 28 avril 2025, où près de 10 000 MW ont été instantanément effacés. Dans ce contexte, les interconnexions entre la France et l’Espagne, qui ne représentent que 3000 MW, ne pouvaient suffire pour compenser cette perte (avant l’incident, 500 MW étaient transportés de l’Espagne vers la France et juste après, 500 MW circulaient dans l’autre sens), d’autant plus que la moitié de ces interconnexions se font en courant continu et ne peuvent donc pas servir à stabiliser du courant alternatif à 50 hertz.
D’ailleurs, ces interconnexions en courant continu, qui n’ont aucun intérêt du point de vue de la sécurité, servent uniquement à assurer un bénéfice commercial à ceux qui les gèrent, car elles coûtent moins cher que les autres. Autrement dit, leur rôle est de concurrencer notre ancien monopole national EDF, selon la logique économique de l’Union européenne. De même, les ENRI sont très lucratives car elles sont subventionnées de diverses manières et n’assument pas les surcoûts qu’elles occasionnent pour les réseaux.
En France, cette désintégration contrôlée de notre électricité se poursuivra si la PPE3 n’introduit que des changements superficiels par rapport à ce qu’elle prévoit dans sa version actuelle, en cohérence avec le Green New Deal européen : une forte augmentation de la proportion d’ENRI dans le mix électrique, sans remettre en question le fonctionnement du marché de l’électricité, basé sur une concurrence pas si libre et très réellement faussée.
L’électricité est un bien trop vital pour la laisser sous le contrôle d’intérêts privés qui en font une source de gain financier à court terme. Pour assurer notre sécurité électrique, il nous faut adopter une vision cohérente à long terme, organisée autour d’accords politiques entre nations souveraines, et pas seulement à l’échelle européenne car c’est toute l’humanité qui est vulnérable face à ces incidents inévitables. Rappelons à ce sujet que le 23 juillet 2014, la NASA annonçait dans un communiqué que la Terre avait échappé, le 23 juillet 2012, à une « gigantesque tempête solaire ». Une perturbation jamais vue depuis 1859 qui, si elle avait touché notre planète, aurait pu « renvoyer la civilisation contemporaine au XVIIIe siècle » en provoquant de violentes décharges destructrices dans les circuits électriques.
A court terme, les citoyens français doivent donc se mobiliser pour le retour d’un État stratège, sans lequel il ne saurait y avoir de réindustrialisation de notre pays, faute des moyens de production électrique nécessaires pour cela. On doit donc répudier radicalement les diktats économiques de l’Union européenne et son Green New Deal, et la PPE3 doit faire l’objet d’un véritable débat public et non d’un débat sans experts compétents ni vote à l’Assemblée. Du fait de son parc nucléaire et de sa position géographique, la France est la plaque tournante de l’électricité en Europe pour les échanges entre pays producteurs et consommateurs d’énergie intermittente, comme l’Espagne et l’Allemagne. Autrement dit, elle dispose d’un moyen de pression très fort pour imposer son point de vue à la Commission européenne… pourvu qu’elle ait des dirigeants défendant ses intérêts.
Plus généralement, nous devons arrêter de gaspiller nos ressources dans des énergies « vertes » ou dans une économie de guerre, et chercher plutôt à coopérer avec tous les pays pour bâtir une architecture de sécurité globale. Car il ne peut y avoir de sécurité politique sans sécurité économique, et donc sans sécurité énergétique.