Par Claudio Celani, EIR.
Les souverains espagnols ont été conspués par la population en colère alors qu’ils visitaient les zones inondées de Valence, en Espagne. Dans les mêmes circonstances, le Premier ministre Pedro Sánchez a été frappé avec un bâton. La colère de la population est motivée par l’absence d’aide gouvernementale avant, pendant et après l’inondation. Plus de 200 personnes sont mortes, mais ce chiffre pourrait augmenter considérablement, car, à la date du 2 novembre, quelque 1900 personnes étaient encore portées disparues.
Derrière les inondations de Valence il y a sans doute moins le dérèglement climatique que des interventions humaines contradictoires…
De 1321 à 1897, Valence a subi un grand nombre d’inondations. On estime qu’il y en a eu jusqu’à 75 au cours des sept siècles précédant celle de 1957. Cette dernière, restée dans les mémoires sous le nom de « Gran Riada de Valencia », avait fait 81 morts (voire beaucoup plus, selon certains).
Après l’inondation de 1957, les autorités décidèrent de détourner le fleuve Turia afin qu’il ne constitue plus une menace pour la ville de Valence.
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Un nouveau lit a été creusé au sud de la ville, la protégeant effectivement des inondations jusqu’à ce que... En 2000, l’Union européenne publia la directive-cadre sur l’eau, visant à créer des conditions favorables aux animaux dans les zones humides.
Un rapport publié en 2019 par Wetlands International et le Centre italien pour la restauration des rivières (CIRF), portant sur la mise en œuvre de la directive dans huit cas étudiés (en Espagne, en France, en Belgique et au Royaume-Uni), indique que le détournement du fleuve Turia a permis d’en augmenter le débit.
Les interventions se sont concentrées sur le barrage de Benageber, construit en 1950,
qui a modifié de manière significative le régime hydrologique du fleuve Turia en aval. Les faibles débits ont entraîné une augmentation de la température de l’eau, jusqu’à 24°C en été. Cette situation a affecté l’intégrité écologique des communautés riveraines et provoqué la disparition presque totale de la truite brune (Salmo trutta) dans l’ensemble de la masse d’eau.
Le projet s’est concentré sur l’augmentation du débit environnemental minimum en aval du barrage. Il s’agissait d’améliorer l’un des quatre aspects des débits environnementaux (conformément à la réglementation espagnole) dans le plan de gestion du bassin hydrographique, l’objectif global étant de contribuer à l’amélioration de l’état écologique de la masse d’eau.
La mesure établit un débit écologique minimal de 1,20 mètre cube [par unité de temps] pour permettre le rétablissement des conditions hydrologiques et des communautés riveraines. Suivi et évaluation. L’augmentation du débit minimal a eu des conséquences positives sur les macrophytes, les macro-invertébrés benthiques et les poissons. Les populations de truites brunes (Salmo trutta) se rétablissent grâce aux zones nouvellement créées avec du gravier meuble, qui sont d’une importance fondamentale pour le frai. L’abondance et la diversité des macro-invertébrés benthiques se sont améliorées grâce à la diversification de l’habitat dans le canal. En outre, l’état de la forêt riveraine s’améliore également.
L’aspect le plus innovant de ce projet de restauration est l’établissement de débits environnementaux, un type de mesure de restauration qui s’est avéré important pour la dynamique écologique et géomorphologique des rivières régulées, avec des implications significatives en matière de services environnementaux fournis.
Les macro-invertébrés sont donc en sécurité, mais au prix de vies humaines.
Cependant, la folie de l’UE ne s’est pas arrêtée là.
En 2022, la directive-cadre sur l’eau a été intégrée à la loi sur la restauration de la nature, dont l’article 7 prévoit la suppression des barrages afin de « contribuer à la connectivité naturelle longitudinale et latérale des rivières et à l’objectif de l’UE de disposer de 25 000 km de rivières à courant libre » et « de contribuer à la restauration des zones fluviales et des plaines inondables ».
Selon le groupe Dam Removal Europe, en 2023, 487 barrages ont été démantelés dans 15 pays européens, soit 50 % de plus que l’année précédente. En 2021, l’Espagne a supprimé 108 barrages hydrauliques sur son territoire, plus que n’importe quel autre pays d’Europe.
La destruction de plusieurs barrages hydrauliques s’inscrit dans une stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité.
D’ici à 2030, l’UE souhaite rétablir l’écoulement libre d’au moins 25 000 kilomètres de cours d’eau dans les pays européens. Dans un rapport publié en 2021, la branche espagnole de l’ONG WWF a identifié 5 400 barrages comme prioritaires à la démolition en Espagne, ce qui, selon elle, pourrait libérer plus de 17 000 kilomètres de cours d’eau.
« De nos jours, on considère que libérer ces cours d’eau, leur permettre de réinvestir leurs berges, présente non seulement de grands avantages environnementaux, mais constitue également le meilleur moyen de prévenir les dommages causés par les inondations », écrivait à l’époque El Pais.
Il serait temps qu’une enquête sérieuse établisse le rôle que jouent ces mesures de « renaturation » dans l’émergence des conditions ayant aggravé les inondations à Valence.
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